Quels sont les incontournables de l'histoire du cinéma ?
Question d'origine :
Bonjour,
Les incontournables du cinéma. La filmographie et les méthodes des réalisateurs qu'il faut absolument avoir vu et connaître pour avoir une culture cinématographique et des inspirations en béton.
Réponse du Guichet

Devant l'ampleur de la créativité cinématographique qui réunit des théories, des techniques, des courants, des formats, des genres... et des cinéastes, il sera bien difficile de vous répondre de manière exhaustive. Néanmoins, voici quelques innovations, des films et leurs réalisateurs qui ont marqué l'histoire du cinéma ainsi que des pistes pour approfondir votre recherche.
Bonjour,
Nombre de films sont incontournables tant le cinéma est riche en œuvres qui ont marqué le 7ème art. Ces œuvres sont marquées par des innovations autant techniques qu'esthétiques.
En voici quelques-unes collectées dans différentes sources.
La première des grandes inventions est celle du cinématographe lui-même, conçu par les frères Lumière, inspiré du kinétoscope de Thomas Edison, et avant celui-ci, du praxinoscope d'Emile Reynaud et du zootrope de William George Horner et Simon Stampfer. En cela La sortie des Usines Lumière, "premier film tourné spécialement pour la projection", marque la naissance du cinéma. "Mais le pape du film à trucs est indéniablement Georges Méliès".
Méliès recycle aussi ses vieux trucs de prestidigitateur dans Le rêve de l'astronome (1898), qui lancera la mode des féeries comme Cendrillon (1899) et des récits fantastiques comme Le voyage dans la lune (1902), (Source : Les grandes idées qui ont révolutionné le cinéma [Livre] / David Parkinson, 2014).
Notons également ce qu'écrivent Martin Barnier et Laurent Jullier dans Une brève histoire du cinéma : 1895-2020 : "Il est courant d'opposer le Cinématographe des frères Lumière au cinéma (tout court) de Georges Méliès. Les premiers portent sur leurs épaules la vocation documentaire du cinéma, celle des fenêtres qu'on ouvre sur le monde pour pouvoir l'écrire en images (cinématographe). Le second, le "magicien de Montreuil" (où se trouvent ses studios) joue le rôle de grand-père des truqueurs, promoteur facétieux d'un cinéma qui nous roule dans la farine, comme l'atteste le français populaire "faire du cinéma" (au sens d'exagérer ou de tricher). Cette opposition est bien sympathique, mais pas très vraie."
Les auteurs donnent ensuite l'exemple de deux films dont celui de l'opérateur des Lumières, Le Village de Namo : panorama pris d'une chaise à porteurs, dans lequel on peut y voir du "cinéma" car il y a de la mise en scène et Le voyage dans la lune où, "si on a envie de voir le vrai il y a des corps du XIXe siècle et une idéologie...
Après l'ère du muet marqué par les films de Chaplin, ceux de Buster Keaton, La Foule de King Vidor, L'Aurore ou Nosferatu de Murnau, La passion de Jeanne d'Arc de Carl Theodor Dreyer et bien d'autres qu'il nous est impossible de tous citer, l'arrivée du parlant "provoque un bouleversement majeur. Charlie Chaplin considère qu'il détruit "la grande beauté du silence". On peut au contraire considérer que les dialogues, la musique et les effets sonores renforcent l'image, en en soulignant le sens et le réalisme".
Vers 1930, les cinéastes soviétiques Sergueï Eisenstein et Vsevolod Poudovkine appellent à utiliser le son en contrepoint, ou en asynchronie, pour créer un contraste entre image et son au lieu de simplement accentuer la naturalisme du film. Par la suite Jean Renoir et Orson Welles cherchent à renforcer le
réalisme avec des bruits de hors-champ, des changements de ton, des chevauchements sonores entre plans et des dialogues entremêlés ; Jacques Tati crée le minimalisme audio, délaissant la parole pour faire naître le comique des sons du quotidien ; Jean-Luc Godard renverse les conventions hiérarchiques en utilisant à la fois des sons intérieurs et extérieurs à la trame narrative pour perturber la réalité de l'image. Puis cet usage expressif du son devient plus rare, surtout depuis l'apparition de la stéréo dans les années 1950, premier pas vers de nouvelles techniques : réduction des sons, multipistes et effets numériques. Aujourd'hui, les bandes sons bombardent le public de sensations sonores et le plongent dans l'action avec une densité inégalée (Parkinson).
"Le parlant conduit à l'avènement de la comédie musicale, qui marie splendeurs visuelles et mélodiques - une invention savoureusement racontée en 1952 dans le classique Singin' in the Rain (Chantons sous la pluie)", précise l'ouvrage 3 minutes pour comprendre 50 grands courants et acteurs de l'histoire du cinéma.
Parmi d'autres idées techniques ou esthétiques innovantes du cinéma on peut aussi relever :
Le découpage en plans :
De 1891 à 1900, et même quelques années plus tard, les films se présentent toujours sous le même aspect : un bobineau de pellicule 35 mm de 20 mètres au plus (65 pieds), sur lequel est impressionnée une unique prise de vue comprenant un seul cadrage (un plan), qui, en projection, dure moins d’une minute (Sources : Histoire du cinéma, Wikipédia).
Avec son film, La loupe de Grand-maman, George Albert Smith innove en décrivant "une action unique se déroulant en un même lieu, à l’aide de plusieurs prises de vues qui sont reliées entre elles par la seule logique visuelle" (Wikipédia). En utilisant "un cache circulaire noir sur sa lentille pour simuler le point de vue très rapproché du garçon regardant à travers une loupe" (Parkinson), il invente le gros plan. Mais, selon Le zapping du cinéma d'Angelo Crippa, Benjamin Barbier, Mélanie Boissonneau, etc., c'est David Wark Griffith qui "marque un tournant dans l'histoire du cinéma. Entérinant le passage au long-métrage, c'est un concentré du travail d'un réalisateur désireux d'exploiter toutes les possibilités techniques permises par le cinéma pour développer un récit : gros plans dramatiques, éclairages signifiants et élaborés, et surtout montage dévoué au développement narratif, jouant sur le rythme, multipliant les points de vue et créant du suspense avec ses sauvetages in extremis. Le cinéma rompt définitivement avec l'esthétique du théâtre filmé qui l'a caractérisé durant ses premières années." D. W. Griffith est "l'une des figures les plus importantes du cinéma muet [...] Ses triomphes ont toutefois été ternis par le racisme de son œuvre phare Naissance d'une nation (1915), (3 minutes pour comprendre 50 grands courants et acteurs de l'histoire du cinéma).
Cabiria de Giovanni Pastrone(1914) marque également un tournant dans l'histoire du cinéma du point de vue cette fois-ci de la caméra qui devient mobile :
Ici, dès le second plan du film, qui ne dure pas moins de quarante-deux secondes, démarre un de ces fameux travellings qui ont fait la réputation de Cabiria dans l'histoire du cinéma. Soyons précis, il faut parler de pano-travellings. A mesure que la caméra avance vers les acteurs, l'opérateur effectue un petit panoramique de recadrage vers le bas, pour ne pas leur couper les pieds.
Serait-ce vraiment là le premier travelling avant de l'histoire du cinéma ? Au sens de "déplacement longiligne régulier de la caméra", bien sûr que non, puisque dès 1896 les opérateurs des Lumière (et quelques opérateurs moins connus) ont emprunté avec leur machine toutes sortes d'objets mouvants, bateaux, trains, ascenseurs, etc. La nouveauté résiderait en la construction d'une machine spécialement faite pour cela, le carrello. Pastrone cherche bien à nous montrer, dans le sens qu'a pris aujourd'hui le terme de travelling (avant), que nous approchons des acteurs (Barnier et Jullier).
Le montage :
En substance, Einsenstein, dans un geste de rébellion anticapitaliste, subvertit la technique hollywoodienne du montage transparent. Ignorant les conventions spatiales et temporelles, il brise les règles de la géographie de l'écran et l'axe de l'action, maniant le faux-raccord de regard, l'ellipse ou l'expansion temporelle pour former divers types de séquences suscitant l'émotion ou la réflexion : montage métrique, rythmique, tonal, associatif ou encore intellectuel.
Tandis qu'Einsenstein perfectionne son montage dramatique dans La Grève (1925), Le Cuirassé Potemkine (1925) et Octobre (1927), son compatriote Vsevolod Poudovkine invente le principe de l'association (consistant à relier des images au lieu de les entrechoquer) dans La Mère (1926) et Tempête sur l'Asie (1928). De son côté, dans La Terre (1930), Alexandre Dovjenko donne au montage une puissance lyrique (Parkinson).
Les effets de caméra :
Imaginée par Norman Dawn, la technique du cache peint et ses variantes créent l'illusion d'un univers, comme la Ville Emeraude dans Le Magicien d'Oz (1939) ou bien la plage d'où émerge la statue de la Liberté dans La Planète des singes (1968). A l'aide de miroirs semi-transparents placés en biais par rapport à la caméra, où se reflète l'image de paysages ou de bâtiments miniatures, le procédé Schüfftan donne l'illusion que les acteurs évoluent dans un vaste espace. [...] Mis au point par le chef opérateur Eugen Schüfftan sur Metropolis (1926) il est utilisé par Hitchcock et remis au goût du jour par Peter Jackson pour Le Seigneur des anneaux : le retour du roi (2003). Le procédé Dunning-Pomeroy consiste quant à lui à faire jouer à l'acteur lui-même le rôle de cache à l'aide d'une forme primitive de fond bleu et d'une caméra bipack (à deux pellicules) spéciale. On en trouve une variante dans Tarzan, l'homme-singe (1932), (Parkinson).
L'expressionnisme :
De tous ces films, où s'affirme un rejet du réalisme bourgeois, l'œuvre majeure est sans nul doute Le Cabinet du docteur Caligari (1920) de Robert Wiene... [...] à l'aide de plans obliques, de perspectives forcées et de décors peints, il renforce l'impression de dislocation suggérée par le jeu stylisé de Werner Krauss et Conrad Veidt. Œuvre expressionniste classique, Caligari s'inspire aussi d'autres sources : drames à l'atmosphère chargées des suédois Mauritz Stiller et Victor Sjöström ou des danois Benjamin Christensen et Carl Theodor Dreyer ; thrillers urbains produits Nordisk dans les années 1910 ; films d'épouvante gothiques tels que L'Etudiant de Prague (1913) de Stellan Rye et Le Golem (1915) d'Henrik Galeen. Ces influences européennes sont visibles dans Les Trois Lumières (1921) de Fritz Lang et dans Nosferatu (1922) de F.W. Murnau, célébrés comme des chefs-d'œuvre de l'expressionnisme (même s'ils ne sont pas tous des succès au box-office) bien avant que les films en costume d'Ernst Lubitsch, les drames à huis clos au montage invisible de Murnau ou les films de rue réalistes de G.W. Pabst ne soient ajoutés au tableau (Parkinson).
Sans donner plus de détails sur d'autres innovations qui ont rendu célèbres bien des films, ajoutons l'animation, les maquettes, le flash-back, la voix-off, le néoréalisme, la nouvelle vague... mais aussi le cinéma expérimental avec Jonas Mekas qui popularise le journal filmé, le cinéma-vérité de Dziga Vertov qui signe avec son film L'homme à la caméra, un film manifeste dans lequel il introduit le concept de ciné-œil sur lequel est bâti le mouvement Kino-pravda, cinéma-vérité en russe. Ce film est considéré comme l'un des précurseurs du cinéma direct pour ne pas dire du documentaire car "cinéastes et commentateurs de l’époque, dans une volonté de rompre avec le label « documentaire », vont proposer une multitude d’expressions pour définir cette vague de films qui se réclament d’une proximité « immédiate » avec la réalité" écrit Séverine Graff dans « Cinéma-vérité » ou « cinéma direct » : hasard terminologique ou paradigme théorique ? paru dans Décadrages n°18 en 2011.
Outre les documents indiqués dans notre réponse, nous vous invitons à consulter les ouvrages ci-dessous afin de parfaire celle-ci qui ne saurait être exhaustive devant l'ampleur de la créativité cinématographique qui réunit multiples théories, techniques, stratégies, courants, formats, genres, formes, effets et réalisateurs.
- Les grandes oeuvres de l'histoire du cinéma [Livre] / Nathalie Laurent, 2008
- Movieland [Livre] : le guide ultime du cinéma / David Honnorat, 2018
- 1001 films à voir avant de mourir [Livre] / sous la direction de Steven Jay Schneider, 2018
- 100 films pour une cinémathèque idéale [Livre] / présentés par Claude-Jean Philippe, 2009
- De Méliès à la 3D, la machine cinéma [Livre] : exposition, Paris, Cinémathèque française, du 5 octobre 2016 au 29 janvier 2017 / Laurent Mannoni, 2016
- 101 petits secrets de cinéma qui font les grands films [Livre] / Neil Landau, Matthew Frederick, 2011
- 100 grands films de réalisatrices : [Livre] : de La fée aux choux à Wonder Woman, quand les femmes s'emparent du cinéma / Véronique Le Bris, 2021
- Les plus grands réalisateurs russes [D.V.D.] : à découvrir à travers 8 films / réal. de Aleksandr Dovjenko, Khodataev, Constantin Mardjanov, ... [et al.]
- Les plus grands films que vous ne verrez jamais [Livre] / Simon Braund ; traduit de l'anglais (Royaume-uni) par Jean-Louis Clauzier, Laurence Coutrot et Emmanuel Dayan, 2013
Vous pouvez également consulter les listes de Sens critique, Les films qui ont changé le cinéma, Les 100 meilleurs films selon les cahiers du cinéma ou celle de Télérama'vodkaster, Ils ont révolutionné le Cinéma.
Bonne journée.