Pourriez-vous m'aider sur ces questions de vocabulaire ?
Question d'origine :
Bonjour,
qu'est-ce que c'est un "mise en abyme"?
Quelle est la différence entre "décolonial" et "postcolonial"?
En quoi l'utopie de Léonora Miaono (Rouge Impératrice) serait en mesure de proposer de nouvelles façons de repenser l'avenir de l'Afrique?
Merci par avance!
Réponse du Guichet

La mise en abyme est un procédé consistant à insérer une œuvre dans une autre œuvre de même type. Le terme « décolonial » anime le débat politique et public et postule que les rapports de pouvoir entre anciens colonisateurs et colonisés perdurent encore de nos jours.
Bonjour,
Concernant votre première question sur la mise en abyme, voici une définition :
La mise en abyme, ou mise en abîme, est une technique dans laquelle on insère une œuvre dans une autre œuvre de même type. Cela peut consister, par exemple, à incruster une image dans l'image elle-même. L'abyme peut ainsi être répétée un grand nombre de fois, parfois jusqu'à l'infini. [...]
La mise en abyme est un procédé artistique courant, qui se retrouve dans de nombreuses œuvres, comme en littérature (l'histoire d'une histoire, un livre qui raconte l'histoire d'un livre, une pièce de théâtre qui raconte l'histoire d'une pièce de théâtre...), en peinture (image d'une image), en cinéma (un film sur un film...)
source : Mise en abyme / Vikidia
On trouve quelques exemples amusants sur le site www.culture-generale.fr
- Dans un épisode des Simpson, Bart siffle le générique de la série (ha, je vois que cela va mieux pour vous tout de suite ; le lien n’explique rien mais je trouve la vidéo amusante).
- Dans un pré, des vaches qui regardent des vaches qui regardent des vaches.
- Une caméra qui filme un moniteur vidéo.
- Taper Google dans la barre de recherche de Google
- La « vache qui rit » qui sur les boîtes de fromage porte des boucles d’oreilles représentant des boîtes de fromage de « vache qui rit »
- Des poupées russes.
- La police des polices.
- La poule et l’oeuf (qui fut le premier ?).
- Deux miroirs face à face.
- Un ventilateur qui fonctionne grâce à l’énergie produite par une éolienne.
- Une formation pour devenir formateur.
- Une liste de listes.
- L’effet larsen
- La définition du mot dictionnaire dans un dictionnaire.
- Un rêve dans lequel on rêve.
- Le lien mise en abyme qui renvoie directement à cette page.
On doit cette expression à André Gide, lequel note dans son Journal en 1893 :
« J'aime assez qu'en une œuvre d'art on retrouve ainsi transposé, à l'échelle des personnages, le sujet même de cette œuvre par comparaison avec ce procédé du blason qui consiste, dans le premier, à mettre le second en abyme. »
Gide applique ce principe dans son roman, Les Faux-monnayeurs, construit sur une mise en abyme puisque l'oncle Édouard, écrivain, est présenté en train d'écrire un roman intitulé Les Faux-Monnayeurs, dans lequel il cherche à s'éloigner de la réalité, et qui a pour personnage principal un romancier
source : Wikipedia
On peut l'utiliser par volonté de rompre avec le roman traditionnel et les conventions narratives habituelles, pour faire réfléchir sur le processus de création ou encore juste pour faire un clin d’œil ou lecteur.
Pour aller plus loin :
- LETALLEUR-SOMMER, Séverine. La mise en abyme : De la curiosité esthétique au fondement de la sémiotique In : Comprendre la mise en abyme : Arts et médias au second degré [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2019 (généré le 13 janvier 2023)
- Les procédés littéraires [Livre] : de Allégorie à Zeugme / Johan Faerber, Sylvie Loignon dont vous lirez quelques extraits sur cairn
- Une vidéo : Mise en abyme : définition
- Comédie gigogne - mise en abyme - enchâssement de récits - théâtre dans le théâtre – jeux de miroir
Concernant votre deuxième question, nous vous proposons tout d'abord deux définitions du Larousse :
Études décoloniales,
courant de pensée qui postule que des rapports de domination subsistent entre l’Occident et ses anciennes colonies, des décennies après leur indépendance. (Ces études sont controversées.)
Études postcoloniales,
études prenant en compte le point de vue des colonisés dans le fonctionnement de l’ancien système colonial et cherchant à démontrer la persistance actuelle des héritages coloniaux au sein des anciennes métropoles.
Si le postcolonialisme a entrepris de réintroduire dans l’histoire le passé colonial et esclavagiste de l’Occident, en particulier en y intégrant des penseurs non occidentaux, la pensée décoloniale postule que les rapports de pouvoir entre anciens colonisateurs et colonisés perdurent encore de nos jours. Elle rejette toute idée de modernité, européenne ou « plurielle », et d’universalisme.
Le mouvement décolonial trouve son origine théorique chez les penseurs latino-américains Walter Mignolo et Ramón Grosfoguel qui fondent leurs analyses sur la « colonialité » – radicalement distincte du colonialisme. Cité par Alain Policar dans « De l’existence du décolonialisme » (AOC, 2020), Ramón Grosfoguel écrit : « Par “colonialité du pouvoir”, nous désignons l’oppression/exploitation politique, économique, culturelle, épistémique, sexuelle et linguistique des groupes ethno-raciaux subordonnés par des groupes ethno-raciaux dominants avec ou sans administrations coloniales ».
Pour Ramón Grosfoguel, poursuit Policar, « à la hiérarchie des connaissances ainsi construite [par l’Occident] correspond une hiérarchie des êtres. Les discours des droits, y compris le plus récent, celui sur les droits humains, font partie “des conceptions globales impériales”. Ils se superposent à “la hiérarchie ethno-raciale globale” qui accompagne et justifie la dichotomie entre connaissances et théories produites par l’Occident et ce que les “autres” proposent, soit religions, folklores et mythes. »
Pour le décolonialisme, il s’agit de se dégager des hiérarchies produites par l’histoire coloniale, en y opposant un affrontement entre les « racisés » et les blancs, soit une ethnicisation des rapports sociaux, et donc de s’extraire du principe de souveraineté individuelle porté par le projet moderne.
source : L'influx
Vous l'aurez compris, l’approche décoloniale anime le débat politique et public car elle réintègre la notion de race dans l’analyse des rapports sociaux contemporains.
Pour aller plus loin :
- La formation de la pensée décoloniale / Adélia da Silva Mathias
- Le post-colonialisme / Projet BaSES
- Le « décolonialisme », une stratégie hégémonique : l'appel de 80 intellectuels / le Point -
Ce que la pensée décoloniale peut apporter à l’ECSI
- La « théorie décoloniale » ou l’invention d’un ennemi commun / Nicolas Bancel et Pascal Blanchard - voir aussi le site ACHAC
Vous retrouverez un historique de la pensée décoloniale sur Philomag :
- Une histoire de la “pensée décoloniale", épisode 1/5 : il était une fois en Amérique... latine /
- Une histoire de la “pensée décoloniale", épisode 2/5 : des combats communs aux conflits internes /
- Une histoire de la “pensée décoloniale", épisode 3/5 : l’apport français /
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Quelques éléments sur l’œuvre de Léonora Miaono qui seront complétés par le département Littérature dans votre autre question :
- Jeu littéraire et transformation du sujet diasporal : La postmodernité de Léonora Miano / Buata B. Malela
- La possibilité d’une utopie romanesque pleinement émancipatrice : Rouge impératrice de Léonora Miano / Arthur Pétin
- Katiopa unifié, Katiopa complexifié. Dynamiques de l’élan utopiste chez Léonora Miano / Florian Alix
- Redéfinition de soi : l’afrofuturisme dans Rouge Impératrice de Léonora Miaono / Taïsha Jean-Louis
Sur l'avenir de l'Afrique, l'autrice explique aux Inrocks :
Dans le livre, vous inventez Katiopa, un continent africain unifié et “restitué à lui-même”. Qu’est-ce que vous entendez par là ?
Restitué à lui-même, ça veut dire vraiment libre de ses choix, y compris des mauvais. Pour l’instant, je pense que l’Afrique est encore trop gouvernée par des gens qui n’osent pas avoir une vision pour elle et qui ne font que calquer des modèles occidentaux.
Dans le roman, j’imagine un espace où les gens s’autorisent à se planter – ils vont peut-être se planter, mais ils vont tout faire eux-mêmes. C’est une refondation du monde de ne pas avoir peur de ça. Je trouve l’idée excitante.
Nous vous rappelons enfin que, comme indiqué dans notre Charte d'utilisation, votre message ne doit comporter qu'une seule question.
Bonne journée.