En quoi le mimétisme facilite-t-il la reproduction chez les orchidées ?
Question d'origine :
En quoi le mimétisme facilite la reproduction chez les orchidées
Réponse du Guichet
Le mimétisme est crucial pour la reproduction des orchidées : tributaires d'insectes pollinisateurs pour assurer leur descendance et ne disposant pas de nectar sucré pour les attirer, elles ont trouvé une stratégie originale : l'évolution a donné à un de leurs organes, le labelle, l'aspect de leur insecte favori, dont elles imitent avec brio l'odeur de la femelle. Pour augmenter leur chance d'attirer des pollinisateurs, elles peuvent également ressembler à des espèces de fleurs productrices de nectar... ni vues, ni connues !
Bonjour,
Pour se reproduire, l'orchidée a besoin de la coopération d'un insecte pollinisateur pour porter ses gamettes sur la fleur de l'autre sexe - la stratégie du mimétisme consiste chez elle à imiter l'aspect mais également l'odeur de l'animal pour attirer les mâles. Le Portail académique de ressources de l'académie de Bordeaux propose une explication très claire de ce fonctionnement :
La famille des Orchidées offre des exemples de mimétisme végétal très étranges : la fleur d’orchidée imite par exemple l’aspect des insectes femelles. Ces orchidées ne sécrètent pas de nectar, mais libèrent une odeur qui ressemble à la phéromone sexuelle de l’espèce qu’elle imite. De plus, la forme et la texture du labelle (ou lèvre inférieure) de la fleur d’orchidée ressemblent à celles de l’insecte imité. Chez les orchidées attirant les abeilles par exemple, le labelle est couvert de poils.
Plusieurs espèces du genre européen Ophrys ont évolué de façon telle qu’elles émettent un parfum très similaire « sinon identique » à celui de l’insecte femelle qu’elles imitent. Dans quelques cas, on nomme même certaines espèces d’orchidée d’après l’espèce d’insecte (mouche, guêpe ou abeille) qui les pollinise. Les mâles, surtout lorsqu’ils n’ont pas encore copulé avec une femelle, sont attirés par les fleurs d’orchidée et essaient de s’accoupler avec elles.
Cette pseudo-copulation est une stratégie très efficace pour la plante : lorsque l’insecte se pose, il est en contact avec les pollinies de l’orchidée. Sa tentative de copulation ayant échoué, l’insecte s’envole à la recherche d’un partenaire plus approprié, emportant avec lui les pollinies vers une autre fleur de la même espèce.
La pseudo- copulation est une des formes les plus remarquables de pollinisation des plantes à fleurs par l’intermédiaire d’insectes. Elle a évolué indépendamment sur trois continents (Australie, Eurasie et Amérique du Sud) et est particulièrement répandue sous les tropiques, où de nombreuses espèces d’orchidées se reproduisent ainsi. Pourquoi les insectes, qui n’en retirent apparemment aucun bénéfice, participent-ils à ce manège ? La sélection naturelle ne devrait-elle pas favoriser les mâles qui sont capables de distinguer un insecte femelle d’une fleur ? Une des explications serait que la période de floraison de l’orchidée coïncide pratiquement avec l’éclosion des mâles adultes qui se métamorphosent souvent avant les femelles. Les mâles, dès leur éclosion, se disputent les femelles adultes peu nombreuses, ce qui expliquerait leurs capacités de discernement réduites ; dans cet état de frustration sexuelle, de nombreux mâles sont trompés par l’odeur et l’aspect de la fleur d’orchidée.
Mais selon une conférence de Nicolas Juillet, Laurent Dormont et Bertrand Schatz, "Facilitation de pollinisation chez les orchidées trompeuses trompeuses", prononcée en 2010 au cours du 15è Colloque sur les orchidées de l'université de Montpellier 3 et dont on peut lire le résumé et télécharger le texte sur ResearchGate, chez certaines espèces d'orchidées, un second mécanisme est en place : la fleur imite l'aspect d'autres espèces, qui, elles produisent du nectar nourrissant pour les insectes. Le pauvre animal passe alors rapidement d'une fleur à l'autre sans s'apercevoir du subterfuge, et le tour est joué :
Les Angiospermes présentent des fleurs souvent colorées et parfumées pour attirer leurs pollinisateurs, ainsi que du nectar pour les récompenser et les fidéliser. Or chez les orchidées, environ un tiers des espèces ne produisent pas de nectar en récompense. Ces espèces dites trompeuses ont un succès reproducteur souvent faible, dû à l'évitement des pollinisateurs. Après une revue récente des stratégies de pollinisation chez les espèces trompeuses, nous apporterons des précisions sur deux stratégies de facilitation de pollinisation, c'est à dire dans les situations où les espèces en fleurs dans les communautés favorisent indirectement la reproduction des orchidées trompeuses. C'est le cas de certaines espèces qui miment spécifiquement (mimétisme Batésien) une espèce nectarifère. Les traits floraux de l'orchidée sont si proches de ceux de l'espèce mimée que les pollinisateurs passent de l'une à l'autre sans s'en apercevoir, et assurent ainsi la reproduction de l'orchidée. Ensuite, nous présentons, plusieurs études récentes montrant que les espèces nectarifères fleurissant dans les populations peuvent avoir un rôle également dans la reproduction des orchidées, même si la ressemblance entre les fleurs n'est pas importante, par exemple en augmentant l'attraction des pollinisateurs à proximité des orchidées (facilitation de pollinisation). Ces stratégies de facilitation au sens large sont discutées d'un point de vue théorique puis dans le cadre appliqué de la conservation des espèces dans leur milieu.
Le CNRS propose des images d'orchidées déguisées en abeilles :
Ophrys abeille dont le labelle mime le corps d'une abeille femelle
Une fleur de l'ophrys abeille, "Ophrys apifera", à Valflaunès dans l'Hérault
Vue de profil d'une fleur de l'ophrys bécasse, "Ophrys scolopax", à Valflaunès dans l'Hérault
Avouons que la ressemblance est assez saisissante.
Pour aller plus loin :
Les orchidées [Livre] / David Lafarge
Le petit Larousse des orchidées [Livre] / Françoise Lecoufle, Philippe Lecoufle, Colette Barthelemy... [et al.]
Le voyage du pollen [Livre] : la reproduction des plantes / Mi Gyeong-Kim ; illustrations Yeong-Rim Lee ; adaptation française par Marguerite Tiberti
Vie sexuelle des plantes [Livre]
Pourquoi les plantes ont-elles des fleurs ? [Livre] / Bernard Thiebaut
Les Plantes [Livre] : leurs amours, leurs problèmes, leurs civilisations / Jean-Marie Pelt
La reproduction des angiospermes [Livre] / Chantal Kleiman
Les plantes ont-elles un sexe ? [Livre] : histoire d'une découverte / Fleur Daugey
Le langage secret des plantes [Livre] / Jean-Pierre Jost, Yan-Chim Jost-Tse
Sexus botanicus [Livre] : volupté végétale, excentricité organique, orgie florale.. / Joanne Anton
Bonne journée.
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