Question d'origine :
Bonjour, je souffre régulièrement de maux de ventre, j'ai éssayé plein de solution comme des médicaments à bases de paracétamol, des remèdes naturels en tout genre et encore d'autres choses....
Récemment un amis m'as parler de la lithothérapie, par exemple le quartz blanc régulerait les maux gastriques et intestinaux selon lui.
Je voulais savoir ce que vous en pensiez, avez-vous déjà tester des solutions similaires, avez vous des connaissances ou des proches qui ont opté pour la lithothérapie et les pierres naturelles ?
Et si oui, savez vous où je pourrais m'en procurer ?
Réponse du Guichet

Si vous souffrez de maux de ventre, mieux vaut contacter votre médecin généraliste que de vous soigner avec des pierres dont les effets ne sont pas scientifiquement démontrés.
Bonjour,
Alors que l’on pensait certaines pratiques archaïques, on voit ressurgir des croyances qui, bien que d’un autre temps et parfois dangereuses, sont malheureusement louées par nos concitoyens. Alors avant de vous répondre, saviez-vous que l’améthyste empêche l’ivresse, que le lapis lazuli guérit de la mélancolie pour ne citer que quelques-unes de ces vertus ?
Enfin c’est du moins ce que l’on pouvait lire dans des traités anciens sur les pierres comme celui d’Agostino Riccio, Istoria delle Pietre datant du XVIe siècle.
Et bien ces mêmes idées sont diffusées par un bon nombre de sites expliquant que la pierre du soleil, le cristal de roche, l’agate ou le lapis lazuli permettent de lutter contre les sentiments de tristesse, d’impuissance ou de mélancolie.
Donc méfiance, nous vous déconseillons de soigner vos maux de ventre avec des pierres. Le site gouvernemental de la Miviludes alerte d’ailleurs sur l’essor de ces pratiques:
Les promesses et recettes de guérison, de bien-être et de développement personnel sont au cœur des pratiques à risque de dérives sectaires, qu’elles émanent de groupes structurés à dimension transnationale ou de la multitude de mouvements isolés, constitués le plus souvent autour d’un gourou thérapeutique et d'une poignée d’adeptes.
Ce phénomène est préoccupant par son développement exponentiel au regard de l’augmentation du nombre de praticiens, de techniques non conventionnelles à visée thérapeutique et de formations débouchant sur des qualifications non validées et d’avenir incertain.
(…) Les dangers et les dérives du marché alternatif de la guérison et du bien-être tiennent notamment à l’absence d’évaluation indépendante et rigoureuse des méthodes et des formations qui excluent explicitement ou de fait les traitements médicaux conventionnels.
Le dynamisme aguerri de ces groupes s’affirme : promoetion par le recours à Internet, participation à de nombreuses manifestations (colloques, séminaires, salons de "bien-être"…), diffusion de produits complémentaires thérapeutiques par le système des ventes pyramidales, protection des labels, invention d’ « ordres » pseudo-professionnels…
De nouvelles tendances à risque répondant aux critères de l’emprise sectaire apparaissent, opportunément liées aux préoccupations d’ordre environnemental ou écologique.
Cette offre complexe et évolutive génère des situations humainement douloureuses et peut conduire à des poursuites pénales ou ordinales.
Pour revenir sur la lithothérapie, divers journaux mettent en garde contre cette pratique.
Ainsi, Le Figaro consacre un article à ce sujet, la lithothérapie ou la grande arnaque des pierres guérisseuses :
Une pierre qui «aide à traiter» le sida, vraiment? Ceci n’est malheureusement pas une blague, mais l’un des nombreux «conseils» parfaitement aberrants qui figure dans le Guide pratique de lithothérapie, publié par les éditions Trédaniel. Pour l’association de lutte contre le sida Act Up, la pilule ne passe pas. Ces derniers jours, plusieurs enseignes telles que La Fnac, Cultura ou Leclerc, chez qui le livre figure en bonne place au rayon «bien-être», ont été prises à partie sur les réseaux sociaux.
L’engouement autour de la lithothérapie n’est pas nouveau. Cette pratique qui prétend soigner toutes sortes de maladies à l’aide de simples cristaux a été popularisée dans les années 1970 par le mouvement New-age, comme le relate le pharmacien Pierre-Yves Boudard dans sa thèse publiée en 2005. Depuis quelques années, de nombreuses stars, comme Naomi Campbell ou Adele, ne cessent d’en faire l’apologie. Des articles de presse et reportages télévisés enthousiastes lui sont fréquemment consacrés. Depuis 2017, on ne compte plus le nombre d’émissions qui en ont fait les louanges, en particulier sur les chaînes publiques comme France 2, France 3 ou encore France bleu. Inquiétant.
Pas de preuve d’efficacité
Il faut dire que la promesse est grande: les prétendus pouvoirs des cristaux semblent infinis. Tout du moins si l’on en croit la flopée de sites internet (le plus souvent marchands...) consacrés à ce sujet. Sur lithotherapie.net, on apprend ainsi que l’aigue-marine préviendrait les crises cardiaques ou encore que la constipation pourrait être soulagée par un élixir d’ambre. Sur quelle base scientifique ou médicale? Nul ne le sait. Aucune étude ne l’a jamais démontré en tout cas.
Les «lithothérapeutes» ne manquent évidemment pas d’imagination et de termes pseudoscientifiques pour tenter d’expliquer le pouvoir de leurs cristaux (et de les vendre, c’est bien commode). Ainsi, sur le site internet de France minéraux - une bijouterie en ligne manifestement versée dans les pseudosciences -, on apprend par exemple que «la pierre en question déclenche au contact de la peau une résonance vibratoire singulière qui va stimuler les minéraux organiques, retirant de potentiels dysfonctionnements corporels. Chaque minéral dispose d’une vibration unique et offre ainsi une activation des centres énergétiques (chakras)».
Une nouvelle forme d’énergie?
«C’est grotesque, réagit Christian Chopin, directeur de recherche au CNRS, spécialisé en minéralogie. Le monde minéral est caractérisé par son inertie: à la différence du monde vivant, il ne produit pas spontanément d’énergie (hormis les substances radioactives...). Vouloir parer les minéraux d’«énergies bénéfiques» ou d’une quelconque vertu thérapeutique par l’effet d’ondes spécifiques est du charlatanisme. Il n’y a tout simplement aucune interaction possible entre les cristaux et le corps humain.» Fin de l’histoire.
«Il n’y a aucune interaction possible entre les cristaux et le corps humain.»
Que répondent les lithothérapeutes? Que «l’énergie» serait «différente» de celle décrite jusque-là par la science. Il s’agirait d’une énergie «spirituelle», «mystique». Pratique: «c’est un exemple assez typique de la façon dont les gens jouent la carte du mystère afin d’éluder les preuves scientifiques allant à l’encontre de leurs convictions en matière de phénomènes miraculeux ou surnaturels», rappelle le philosophe britannique Stephen Law sur son blog.
Et quand bien même la lithothérapie engagerait une forme encore méconnue d’énergie, les outils scientifiques actuels devraient en principe permettre de la détecter. «Il n’y a pas de raison de penser que la méthode scientifique ne convient pas pour enquêter sur les prétendus pouvoirs des cristaux», souligne Stephen Law.
De même, l’article «Lithothérapie: l’escroquerie «alarmante» de la guérison par les pierres», publié dans Libération met en garde contre cette pratique:
Avec la crise sanitaire, l’utilisation de pierres précieuses pour être en bonne santé séduit de plus en plus d’adeptes, lassés par la médecine traditionnelle. Influenceurs et médias s’emparent du phénomène, alors qu’aucune étude ne prouve le moindre effet curatif des minéraux.
Chantal y tient à ses jolis cailloux. «Ce sont des pierres précieuses», nous reprend-elle, en essuyant du bout de sa manche une grosse améthyste au violet profond. A 55 ans, cette secrétaire de direction lassée du système médical classique, en particulier depuis le début de la pandémie de Covid-19, s’est tournée vers la lithothérapie. Une croyance marginale selon laquelle les pierres pourraient soigner les maux du corps et de l’esprit. Chez elle, une ribambelle de jolis cristaux chamarrés orne les meubles. «C’est presque devenu une drogue», plaisante-t-elle, un peu hagarde. Autour de son cou aussi, pendouille un collier d’aigue-marine, une fine pierre de la famille des béryls. «Il renforce mon système immunitaire et protège mes poumons», assure-t-elle, un poil crispée. Si l’idée prête à sourire à première vue, elle cache en réalité un business bien rodé exploitant les peurs et les vulnérabilités de ses adeptes.
Avidité des vendeurs«Les formes graves du Covid-19 touchent les poumons, et les poumons, c’est le cœur. Plus nous serons dans le cœur, dans l’énergie du cœur, plus nous serons libérés de cette pandémie», écrit Eric Misme sur son site marchand, Planète Cristal. Il y propose des ateliers «Protection coronavirus et spiritualité» grâce aux prétendus pouvoirs des cristaux. Au téléphone, ce gemmologue de formation refuse d’abord catégoriquement de nous parler, il est gêné. A l’usure, il concède : «Les minéraux ne sont pas des médicaments, ils ne soignent pas.» Selon lui, ces précieuses pierres seraient des «outils vibratoires pour retrouver un équilibre perdu depuis deux ans en tant que soutien émotionnel et mental». Traduction : les minéraux ne seraient pas amorphes et pourraient interagir avec le corps et l’esprit humain grâce à des énergies impalpables. Fini maux de gorge, de dos et de tête, angoisse, stress et dépression à qui saurait les utiliser. Il assure même que certaines pierres précieuses seraient capables d’accompagner une personne souffrant du cancer ou du Covid-19 sur le chemin de la guérison. Le hic, c’est qu’aucune étude scientifique n’atteste cette théorie.
En 2012, une femme atteinte d’un cancer est décédée après l’achat d’un lit de cristal à 5 000 euros, refusant tout soin conventionnel. Pas de quoi ébranler la foi des adeptes et l’avidité des vendeurs. Sur les réseaux sociaux, influenceurs et particuliers se font le relais de ce commerce juteux, promettant monts et merveilles contre l’achat révolutionnaire d’un de ces cristaux prétendument magiques. Des célébrités internationales n’hésitent pas à poser tout sourire avec leurs pierres préférées, à l’instar de la star de télé-réalité Kim Kardashian (283 millions d’abonnés sur Instagram), la chanteuse Adele (49 millions), ou la pop star Britney Spears (39 millions). Sous le hashtag #lithothérapie sur l’application de partage de vidéos TikTok, plus de 20 millions de vues rien qu’en France, 2 milliards dans le monde.
«Sollicitation de soins alternatifs»De quoi intéresser de nombreux médias prêts à s’emparer de cette nouvelle poule aux œufs d’or. On ne compte plus les reportages au regard bienveillant diffusés sur les chaînes publiques et les articles dans la presse féminine. Le magazine Elle proposait il y a deux mois de booster sa libido en collaboration avec une créatrice de bijoux, tandis que Vogue apprenait à ses lecteurs à trouver le cristal adéquat pour passer l’hiver en toute sérénité. «Portés à même la peau, les cristaux sont nos alliés au quotidien», affirme le papier, illustré de photographies de bijoux luxueux de joailliers mentionnés en légendes.
Sur le monde merveilleux d’Internet, des myriades de sites présentés comme des blogs bien-être et santé surfent sur la tendance pour vendre des produits en lien avec les pierres précieuses. Certains proposent même des élixirs à ingérer et des gourdes pour faire infuser des cristaux. Or, certaines pierres peuvent contenir des métaux lourds et mortels, comme le plomb ou le mercure. Sur le site de l’Ecole de thérapeutes en santé naturelle, la lithothérapeute Virginie Delcroix conseille par exemple l’utilisation de la chrysoprase et de l’émeraude pour booster son système immunitaire contre le Covid-19. La première serait un «soutien des réactions immunitaires dans le sang et des liquides du corps, active [rait] les ganglions lymphatiques, la rate et les poumons, aide [rait] les plaies à guérir et contribue [rait] à une action anti-inflammatoire». Quant à l’émeraude, elle jouerait «un rôle notable dans la cure d’infections virales comme la grippe ou l’angine» et agirait sur «les troubles cardiaques».
(...)«Alarmant», pour la sociologue des sciences et des croyances Romy Sauvayre, pour qui ce nouvel engouement est cohérent avec la situation mondiale actuelle : «Le Covid est arrivé à un niveau épidémique alors qu’il n’y avait pas encore de remède. Il a donc généré des sollicitations de soins alternatifs.» Bien que la lithothérapie soit une pratique popularisée dès les années 70 avec l’avènement du développement personnel, elle trouve avec la crise sanitaire un nouveau public ayant perdu la foi dans la médecine traditionnelle. N’importe qui serait susceptible d’y croire. «Il faut juste tomber sur un atome crochu, comme la peur du vaccin par exemple. Vous allez chercher une autre solution et ce sentiment subjectif de se sentir mieux aura la force d’une preuve plus importante que la science.»
«Théories pseudo-scientifiques»
La chercheuse ne prend pas le phénomène à la légère : adhérer à la lithothérapie ouvre la voie à d’autres croyances, de l’astrologie jusqu’au complotisme, selon un effet d’escalade. «Au départ, il y a une façade très jolie et bienveillante et, plus on avance dans le mouvement, plus les choses deviennent émotionnellement difficiles. Douter devient un crime répréhensible. C’est comme si vous rentriez dans un monde parallèle où les choses ne fonctionnent plus du tout de la même manière, avec le risque d’engager sa santé», continue Romy Sauvayre. Dans l’adhésion des croyances marginales, les «gourous» mêlent toujours des éléments vérifiables à des croyances fallacieuses pour donner du poids à leur discours. Ils mettent en avant une forme d’élitisme vis-à-vis du reste de la population : «Ils ont l’impression d’avoir des connaissances que d’autres n’ont pas, même les scientifiques. C’est une sorte de patchwork de croyances qui se donnent du sens les unes avec les autres.»
Les scientifiques, eux, sont formels : aucune étude ne prouve le moindre effet curatif des minéraux, encore moins l’existence d’énergie en émanant. «L’énergie vibratoire au sens lithothérapique, ça n’existe pas. Il n’y a que les pierres radioactives qui en ont. Le reste, ce sont des théories pseudo-scientifiques», balaie le physicien et directeur de la collection des minéraux de la Sorbonne, Jean-Claude Boulliard, d’un revers de la main. Selon une étude du chercheur britannique Chris French datant de 2001, le seul effet des pierres précieuses est un effet placebo. Après avoir distribué à 80 volontaires un cristal de quartz avec lequel méditer, le résultat est clair comme de l’eau de roche : les participants ayant le plus fort niveau de croyance dans les phénomènes surnaturels ont ressenti les plus forts effets. Or, la moitié du panel avait en réalité écopé d’un simple bout de verre.
«Il y a des gentils rêveurs un peu fous, commente Jean-Claude Boulliard, mais il y a aussi des escrocs affichés et c’est eux le problème. Ils mettent une couche scientifique à leur croyance et les contours du réel deviennent flous.» Le physicien se rappelle ces fois où, croyant être invité à des événements de gemmologie, il s’est retrouvé médusé, parmi des centaines de spectateurs, à l’écoute de conférenciers dont le but final était de vendre colliers, bracelets et autres bijoux talismans contre tous les maux possibles et imaginables. «C’est des papas noël pour adultes… Qu’y a-t-il dans la hotte ? La guérison, le bonheur et tout le reste !» Et à ceux qui sont persuadés d’être plus en forme grâce à une séance de méditation avec un quartz rose tarif 230 euros, le professeur répond : «Ce n’est pas la pierre qui marche, c’est la croyance qui fait marcher la pierre.»
En guise de conclusion, si vous souffrez de maux de ventre, allez consulter votre médecin traitant qui sera plus à même de vous conseiller.