La fonte des glaces polaires a-t-elle des conséquences sur la structure de notre planète ?
Question d'origine :
La fonte des glaces polaires :
1 - Modifie le moment d'inertie de la terre, puisque cette masse située près de son axe de rotation se répartit sur sa surface. On en retrouve, par exemple, une partie au niveau de l'équateur. La fameuse patineuse écarte ses bras de son corps.
Ceci entraine un ralentissement de sa vitesse de rotation, sans doute infime mais incontestable, en vertu du principe de conservation du moment cinétique.
En revanche, ce ralentissement infime se produit sur une durée également infime, au regard du temps géologique, et produit une décélération qui s'applique à des masses considérables et génère des forces.
Ces forces ont-elles des conséquences perceptibles sur la structure de notre planète, sur la tectonique des plaques par exemple ? Peuvent-elles entrainer des séismes, du volcanisme ?
2 - Modifie la répartition des charges sur ces fameuses plaques tectoniques qui vont rechercher de nouvelles positions d'équilibre.
Comme ci-dessus, ces modifications, peut être infimes, mais incontestables, peuvent-elles entrainer des séismes, du volcanisme ?
Réponse du Guichet
D’après des recherches récentes, la fonte des glaces semble être un facteur parmi d’autres dans le déclenchement de séismes ou d’éruptions volcaniques.
Bonjour,
Avant toute chose, nous vous rappelons que nous sommes une bibliothèque municipale, en conséquence nous ne disposons pas de documentation spécialisée qui puisse répondre à votre question. Notre réponse sera donc assez généraliste.
Comme vous l’expliquez, la fonte des glaces modifie en profondeur la terre. C’est ce qui est écrit dans cet article de Ouest France :
« Quand un glacier fond, le sol autour répond de manière élastique, à des centaines de kilomètres à la ronde. La région, libérée du poids des glaces, monte en altitude. » La surface de notre planète bouge régulièrement, notamment à cause des séismes et des marées. S’y ajoute désormais, dans les régions qui « dégèlent », cette déformation verticale observée pour la première fois dans les années 2000.
Le réchauffement a un autre effet en profondeur : « Chaque année, environ 300 milliards de tonnes de glace fondent au Groenland. Avec l’Antarctique et l’ensemble des glaciers, entre 500 à 1 000 milliards de tonnes fondent. » L’eau liquide descend en latitude et se répartit dans les océans. « Cette redistribution est tellement phénoménale, que la position du centre de masse de la Terre se déplace désormais d’un millimètre par an. » C’est énorme, mais sans effet sur le monde vivant.
L’axe de rotation de notre planète bouge aussi. Normal, c’est là où toutes les masses s’équilibrent. Depuis cinquante ans, le pôle Nord géographique (sur l’axe de rotation) s’est ainsi déplacé d’une dizaine de mètres. Ces données de la géodésie (étude de la forme de la Terre et de son champ de pesanteur) montrent que « nous avons enclenché une forme de déglaciation »
D’après des recherches récentes relayées par Futura-Sciences en 2021, la fonte des glaces serait un élément déclencheur des séismes.
Des chercheurs suggèrent notamment qu’un violent tremblement de terre qui a eu lieu en 1958 en Alaska aurait été provoqué par ce phénomène :
«En Alaska, on trouve les plus grands glaciers du monde. Certains s'étendent sur plusieurs centaines de kilomètres carrés et atteignent des centaines de mètres d'épaisseur. À tel point que la terre en vient à plier sous leur poids. Mais depuis 200 ans, ces glaciers fondent. Ils ont déjà perdu plus de 5.000km3 de glace. Résultat : l'Alaska remonte. Et cela fait trembler la terre.
« Le soulèvement se fait en deux temps, explique Chris Rollins, chercheur à l'université de l’Alaska à Fairbanks (États-Unis), dans un communiqué. D'abord par effet élastique, lorsque la terre monte instantanément après la perte d'une masse de glace. Puis plus lentement, pendant tout le temps où le manteau se repositionne dans l'espace vide. » C'est ce dernier phénomène qui influencerait surtout le moment et l'endroit où des tremblements de terre d'une magnitude 5,0 ou plus se produisent dans le sud de l'Alaska.
La glace fond et la terre bouge
Rappelons que le sud de l'Alaska se trouve à la frontière entre la plaque continentale nord-américaine et la plaque du Pacifique. L'une s'enfonçant sous l'autre à un rythme d'environ cinq centimètres par an. C'est deux fois plus que ce qui se passe du côté de la célèbre faille de San Andreas, en Californie (États-Unis). Les tremblements de terre y sont donc fréquents. Et selon les chercheurs, ils sont indubitablement corrélés avec l'élévation des terres de près de quatre centimètres par an du sud-est de l'État.
« Le mouvement des plaques tectoniques reste bien sûr le moteur principal de la sismicité. Mais le repositionnement du manteau qui suit la fonte des glaces rend plus probable que les failles qui se trouvent dans la zone rouge atteignent leur limite de contrainte », précise Chris Rollins. Cela semble notamment s'être produit en 1958. Les chercheurs assurent que la plus grande quantité de stress causée par la perte de glace s'est alors produite près de l'épicentre d'un tremblement de terre de magnitude7,8 qui a déclenché un phénoménal glissement de terrain. Et, du côté de Lituya Bay, un tsunami qui a parcouru plus de 500 mètres à flanc de montagne.»
Plus particulièrement, la fonte des glaces, comme l’érosion ou la circulation des fluides, pourrait être un des facteurs déclencheur des séismes en zones «calmes». C’est-à-dire, les zones éloignées des frontières des plaques tectoniques. Les séismes qui s’y déclenchent sont appelés intraplaques. Les causes de ces séismes, longtemps restées mystérieuses, commencent à être comprises. C’est ce qui est expliqué dans cet article de la revue de l’institut de polytechnique de Paris :
«Pendant longtemps, la communauté scientifique a pensé que seule la tectonique des plaques expliquait ces séismes. L’intérieur des plaques se déformerait très légèrement, à des taux tellement faibles qu’il serait impossible de réellement les mesurer.
Petits phénomènes, grandes conséquences
Mais aujourd’hui une toute nouvelle explication est avancée. De petits phénomènes, très rapides à l’échelle des temps géologiques (quelques milliers d’années voire dizaines d’années), seraient à l’origine de ces séismes. Il peut s’agir de la circulation de fluides : la pluie qui s’infiltre en surface ; ou encore des gaz ou liquides qui proviennent du manteau, à plusieurs dizaines de kilomètres de profondeur, et remontent à travers la plaque tectonique. Ils augmentent ainsi la pression à travers les roches jusqu’à déclencher des séismes intraplaques, comme cela est suggéré pour le séisme du Botswana en 2017.
Autres éléments déclencheurs : la fonte des glaciers ou encore l’érosion. En allégeant la surface de la Terre, ces phénomènes entraînent un léger mouvement de la plaque tectonique, similaire à un rebond. Pour le séisme du Teil, la fonte des glaciers à la fin de la dernière glaciation importante (il y a 12 000 ans) est proposée comme l’une des hypothèses. « Le rapport d’expertise sur le séisme du Teil conclut qu’il est possible que l’extraction de roches – allégeant elle aussi la croûte terrestre – au niveau d’une carrière proche ait contribué au déclenchement du séisme, ajoute Jean-François Ritz. Il est cependant clair que ce sont les forces tectoniques qui expliquent sa magnitude. »
Si ces petits phénomènes sont la clé de la nouvelle théorie, ils ne sont en effet pas seuls en jeu. « Ils sont les éléments déclencheurs du séisme, mais il faut bien comprendre que ce sont les faibles contraintes accumulées – parfois depuis plusieurs millions d’années – qui sont le moteur du séisme, ajoute Éric Calais. Sans élément déclencheur, ces contraintes restent en réserve et aucun séisme n’aurait lieu. » À une échelle de millions voire dizaines de millions d’années, les mouvements des plaques tectoniques fluctuent : certaines plaques changent de direction, d’autres se morcellent, ou se stabilisent … Ces anciennes déformations qu’elles subissent constituent ce « réservoir de contraintes » réparti à travers la plaque tectonique. « Nos observations sur la faille ayant généré le séisme du Teil suggèrent que la fonte des glaces ou l’érosion peuvent aussi générer des séismes réguliers, mais à des fréquences très longues de l’ordre de 10 000 ans», pointe également Jean-François Ritz.»
Comme vous le supposiez, il semblerait également que la fonte des glaces ait un impact sur l’activité volcanique. Le phénomène est très bien expliqué dans cet article de Futura-Sciences daté de 2016 :
«Il faut savoir que lorsque d'importants glaciers couvrent une partie des continents, ceux-ci s'enfoncent localement dans le manteau comme le ferait un bateau surchargé. Lorsqu'une glaciation se termine, le phénomène inverse se produit : les masses continentales remontent et on appelle ce phénomène le rebond postglaciaire, ou encore l'ajustement isostatique. On l'observe surtout dans les régions d'Europe septentrionale, en particulier l'Écosse, la Fennoscandie et le nord du Danemark mais aussi en Sibérie et avec les Grands Lacs du Canada.
Le rebond postglaciaire dépressurise le magma, causant des éruptions
Le rebond postglaciaire peut avoir des conséquences importantes si la région où il se produit est volcanique. En effet, le manteau étant soumis à une pression plus faible, son taux de fusion partielle se met à augmenter par endroits et il se forme donc plus de magma. La dépressurisation augmente aussi la formation des bulles de gaz, comme on peut s'en convaincre en débouchant une bouteille d'eau gazeuse. On peut donc s'attendre, et les observations et mesures l'ont vérifié, à une augmentation notable de l'activité volcanique dans ces régions.»
Enfin si la géologie vous intéresse, sachez que l’université ouverte de Lyon propose un cycle de conférences à la bibliothèque de la Part-Dieu intitulé Terre et Planètes à la lumière des séismes. Les deux premières conférences ayant déjà eu lieu vous pouvez trouver leur captation sur le site de la bibliothèque de Lyon :
- Les séismes pour comprendre la structure de la Terre, Stéphanie Durand, le 11/01/2023
- Séismes en laboratoire : de la géophysique à la physique, Elsa Bayart, le 1/02/2023
Pour aller plus loin
- La terre à l'oeil nu, CNRS éditions, 2019
- Laboratoire de Géologie de Lyon : Terre, Planètes, Environnement