Comment les diasporas transmettent-elles leur culture ?
Question d'origine :
Comment les populations diasporiques font elles pour etendre leur culture ?
Réponse du Guichet
Éducation, apprentissage de la langue, mariages, solidarité collective, créations d'institutions .... sont autant de façons dans le cas des diasporas pour transmettre leur culture.
Bonjour,
Comme le souligne l’article sur la diaspora publié sur l’Encyclopédie universalis, le phénomène diasporique repose avant tout sur des facteurs d’ordre culturel et donc par des transmissions culturelles :
On peut ainsi attribuer le caractère de diaspora à tout peuple disséminé sur la Terre pour quelque raison, qui, faisant durablement échec aux processus d'assimilation ou d'acculturation, maintient la conscience d'une différence, la mémoire vive d'une histoire et d'un pays particuliers, l'usage d'une langue ou l'attachement à une religion, et qui entretient et développe, en deçà comme au-delà des frontières étatiques, des liens d'alliance, d'échanges et de solidarité entre ses membres dispersés. Les catastrophes répétées provoquées par le modèle de l'État-nation et la floraison des discours exaltant le multiculturalisme et la diversité confèrent aujourd'hui aux diasporas une image plus avantageuse. En définitive, elles représentent une manière particulière et légitime d'exister et/ou de résister collectivement pour tous ceux qui ont de solides motifs de sentir et de manifester qu'ils sont à la fois « d'ici et d'ailleurs », une situation complexe qui touche de plus en plus de peuples, de personnes et de pays.
De même, Chantal Bordes-Benayoun et Dominique Schnapper dans Diasporas et Nations (2006) expliquent :
Les peuples avaient d’autant plus de probabilités de garder des liens malgré la dispersion géographique, qu’ils avaient élaboré ce qu’on peut appeler une culture de diaspora, que d’autres auteurs ont qualifiée de « capital ethnique », d’ethnicité diasporique », de « capital culturel migratoire » ou de « travelling culture ». Malgré des nuances selon le degré d’importance qu’ils accordent à la mobilité, tous ces concepts désignent l’ensemble des valeurs, codes et savoirs accumulés au cours de l’histoire et transmis de génération en génération ; Les populations diasporiques adoptent des conduites similaires. Elles créent des institutions pour contrôle les comportements quotidiens et organiser la solidarité collective, et forment ainsi ce qu’on désigne du terme polysémique de « communautés ». Ecoles, églises, bals de jeunes et rencontres organisées, système d’entraide économique et sociale, fêtes collectives tout à la fois religieuses et ethniques, ont pour vocation de perpétuer le groupe. L’éducation des enfants, l’apprentissage de la langue, la conclusion des mariages entre soi, la participation aux rencontres festives, la solidarité entre les riches et les pauvres à travers les divers lieux de la diaspora, contribuent à transmettre la conscience des liens qui unissent le peuple malgré sa dissémination.
(…)
La culture de diaspora implique que se maintiennent des échanges, réels et symboliques, entre les lieux de dispersion (…) la culture de diaspora articule de manière originale les références et valeurs héritées et celles des sociétés d’installation. Elle se traduit par des œuvres littéraires et artistiques ou des manières et savoir-faire spécifiques, élaborés en exil, susceptibles d’être transportés ailleurs.
Pour approfondir la question, vous trouverez de très nombreuses études sur les diasporas et les différents modes de transmissions culturelles.
Ainsi, dans Histoire et cultures de la diaspora africaine, Patrick Manning précise l’utilisation du terme de diaspora et apporte, pour la diaspora africaine quelques exemples :
Les chercheurs en sciences sociales utilisent aujourd’hui le terme « diaspora » pour se référer aux migrants qui s’installent dans des pays lointains et y engendrent de nouvelles générations, tout en maintenant des liens affectifs avec leur pays d’origine, où ils viennent de temps en temps.
(…)
Au niveau culturel, les connections diasporiques se sont développées à travers la diffusion du Kente ghanéen, les styles de coiffure incluant les tresses, les nattes, et le partage de traditions musicales venant d’Afrique, d’Amérique du Nord, des Caraïbes et d’Amérique du Sud.
En complément, nous vous suggérons les lectures suivantes. Certaines sont accessibles via la base de données cairn, disponible dans les bibliothèques municipales de Lyon.
Etudes :
Christine Chivallon, Espaces et milieux La diaspora noire des Amériques. Expériences et théories à partir de la Caraïbe.
Pierre Kamdem et Abdoul Hameth Ba, « Transmissions culturelles au sein des familles et dans les espaces publics : cas des immigrés camerounais en France », Espace populations sociétés, 2020/3-2021/1 | 2021.
Souchinda Sangkhavongs , « Les diasporas et la création de nouveaux espaces d’innovation », Prospective et stratégie, 2014/1-2 (Numéros 4-5), p. 175-185.
Gwénola Sebaux , Processus de transmission dans les familles de migrants ou issues de l’immigration, Regards Croisés, 2019,
Cuche Denis « Migrations internationales et transformations culturelles », dans : Denys Cuche éd., La notion de culture dans les sciences sociales, 2016.
Ouvrages
20 ans de Diasporas / coordination Angelos Dalachanis, Marie-Carmen Smyrnel, à paraître le 21 mars 2023 : "A l'occasion du vingtième anniversaire de la revue, 41 courts articles qui revisitent les recherches effectuées durant ces deux décennies sur l'histoire des migrations, des mobilités, des phénomènes diasporiques et des minorités ethniques ou confessionnelles, en France et dans le monde, du XVIe au XXIe siècle"
Les diasporas sénégalaises : des acteurs géopolitiques / Seydou Kanté,... ; préface de Gérard-François Dumont, 2020.
Juifs d'ailleurs : diasporas oubliées, identités singulières / sous la direction de Édith Bruder ; traduction des contributions en anglais, Julien Darmon, 2020.
Diasporas et réseaux transnationaux du Maghreb et du Moyen-Orient / Rukiye Tinas (coord.), 2014