Je cherche des références sur Charles de Courbon, Comte de Blénac
Question d'origine :
En vue d'un projet associatif de reboisement et de végétalisation du Morne de Bienac ou Blénac, Province de Gonaïves (Haïti), je recherche pour un ami haïtien, les références de livres ou de documents numériques sur Charles de Courbon, Comte de Blénac qui y fut Gouverneur vers 1715 et sur la présence de vignes à l'époque.
Merci pour votre aide.
Réponse du Guichet

On trouve en ligne quelques sources mentionnant non pas Charles, mais Louis de Courbon, Gouverneur de Saint-Domingue à cette époque. Quant à la culture de la vigne, elle a pu y être faite de façon domestique sous l'ancien régime, mais aucune exploitation de grande ampleur ne semble y avoir existé : la colonie s'étant développée sur la base d'une agro-industrie principalement centrée sur le café et le sucre, l'essentiel du vin consommé était importé, à grands frais.
Bonjour,
Il semble qu'il y ait erreur sur la personne : d'après les informations que nous trouvons, le gouverneur de la colonie française de Saint-Domingue (ancien nom d'Haïti) qui vous intéresse n'était pas Charles de Courbon, qui fut "gouverneur général des Isles d'Amérique à trois reprises" jusqu'en 1696 mais bien son fils Louis de Courbon, comte de Blénac.
On trouve la trace de cette dynastie dans une Généalogie de la maison de Courbon de La Roche-Courbon-Blénac datant de 1859 et consultable sur Gallica :
XII. Charles de Courbon , chevalier, marquis de La Roche-Courbon, comte de Blénac, seigneur de Roumegoux, Lileau, Bréneau, le Fréne, etc., conseiller du Roi en ses conseils, maréchal des camps et armées de Sa Majesté, premier chambellan de Monseigneur le duc d'Orléans, frère du Roi, grand Sénéchal de Saintonge en 1649, obtint l'érection de ses terres de Blénac, Lileau et Bréneau en titre de comté pour lui et ses descendants mâles à perpétuité, par lettres données a Toulouse en 1659,registrées en chambré des comptes et dans les trésoreries de France et de Guyenne et au parlement de Bordeaux, présidiaux de Saintes et de Marennes. Après avoir servi dans les armées de terre
depuis le siége de Lérida, CHARLES DE COURBON entra dans la marine et fut fait capitaine de vaisseau en 1669, puis lieutenant-général des armées du Roi par terre et par mer, gouverneur et lieutenant-général des îles
françaises et de tout le pays d'Amérique, par lettres de provision données à Condé le 13 mai 1677. Par un hasard, peut-être unique au monde, chef d'une escadre dont les 6 vaisseaux étaient commandés par ses six enfants , il prit, sur les ennemis, les forts et la partie Anglaise de l'île de Saint-Christophe en 1682, celles de Saint-Eustache et de Sainte-Lucie en 1689. Il mourut à la Martinique le 10 juin 1696 après avoir été marié (27 septembre 1649) avec Angélique DE LA ROCHEFOUCAULT, veuve de Louis de La Rochefoucault-Bayères, sou cousin au 2me ou 3me degré, fille de Louis de La Rochefoucault, seigneur de Bayères, la Bergerie, le Jarry, etc., et soeur des duchesses de Noailles et de la Vieuville ; d'où sont issus :
1°. CHARLES DE COURBON, comte de Blénac, élevé page du Roi, puis capitaine de vaisseau, né en 1651, mort sans postérité ;
2°. LOUIS DE COURBON, marquis de Contré, également page du Roi, puis capitaine de vaisseau, gouverneur de l'île de La Tortue et de la côte de Saint-Domingue par lettres de 1712. Il mourut également sans avoir été marié;[...]
L'imposante Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie française de l'isle Saint-Domingue de Médéric Louis Elie Moreau de Saint-Méry ajoute que Louis de Courbon fut le "premier gouverneur général de St-Domingue (1714) rentré en France en 1716 il mourut à Rochefort en 1722". L'ouvrage, en trois volumes, est disponible au format numérique sur Google livres et Gallica. En parcourant les :
Et en vous aidant du moteur de recherche, vous apprendrez quelques menus faits et gestes du gouverneur, principalement des arbitrages pour des attributions de concessions agricoles. Nous vous conseillons toutefois d'utiliser le nom "Blénac", utilisé préférentiellement à "Courbon" pour qualifier notre homme.
Nous devons toutefois remarquer que les renseignements glanés sont chiches. Curieusement, Louis de Courbon dispose de sa page Wikipédia en anglais, mais pas en français. On y trouve toutefois quelques sources utiles, toutes lisibles, au moins en partie, sur Google Livres :
Médéric Louis Elie Moreau de Saint-Méry, Loix et constitutions des colonies franc̜oises de l'Amérique sous le vent: 1704-1721 (1785), avec des transcriptions de lettres et d'édits de l'intéressé ;
Adrien Dessalles, Histoire générale des Antilles, 1847 ;
Jean Lacroix de Marlès, Histoire descriptive et pittoresque de Saint-Domingue: Haïti, 1858 ;
et l'ouvrage d'architecture-urbanisme de Gauvin Alexander Bailey Architecture and Urbanism in the French Atlantic Empire: State, Church, and Society, 1604-1830 (2019).
En utilisant le même moteur de recherche, on trouve également :
Pierre-François-Xavier de Charlevoix, Histoire de l'île espagnole de St Domingue (1731)
Thomas Madiou, Histoire d'Haiti (1847)
Pierre de Vaissière, Saint-Domingue - La Société et la vie créoles sous l'ancien régime (1909)
Vous trouverez sans doute d'autres sources grâce au moteur de recherche Google scholar, spécialisé dans les ouvrages et articles universitaires.
Les Archives nationales d'outre-mer (ANOM) et dans une moindre mesure les Archives nationales conservent par ailleurs les archives de Blénac.
Concernant l'exploitation de la vigne, elle semble avoir été pratiquée à Saint-Domingue dès le XVIIe siècle, mais pas de façon systématique. Ce passage du volume 2 nous apprend que c'était le cas dans la paroisse du Port-de-Paix :
La température de la paroisse est très-propre aux vivres et aux fruits du pays, qui réussissent surtout dans les terrains marneux. Les légumes y sont beaux, et tout te monde connaît les énormes et excellents artichauts du Port-de-Paix, dont trois ne sont payés que 10 sous de France. Le muscat y a aussi une grande renommée, et l'on, regrette que.les. guêpes en soient aussi friandes. Il y a bien longtemps que le raisin et le muscat ont été heureusement naturalisés au Port-de-Paix, puisque M. Ducasse vantait, dans une lettre.du 4 avril 1694, celui dont il faisait trois récoltes en treize mois dans son beau jardin.
Dans le même tome, cette description de marché insiste sur la richesse des produits de l'île :
Enfin l'intérieur des carrés occupés par les nègres cultivateurs des campagnes les fêtes et les dimanches, ou par des revendeuses ou des externes les jours de la semaine, offre le tableau confus et mobile d'une multitude de vendeurs de tout ce que la terre coloniale peut produire en fruits, en légumes et en une infinité de choses dont la nomenclature deviendrait fatigante. Ici, la douce et riche orange et le citron plein d'un acide très-développé sont mis en tas; là, c'est l'ananas si fier de sa couronne qui semble en faire le roi des fruits ; plus loin on aperçoit la goyave, la pomme-cannelle, le corossol, la papaye, le monstrueux abricot, l'insipide icaque, le petit azi, le coco, la caymite. On voit la belle cirouelle, la prune monbin plus belle encore, l'aouacat ou avocat à la chair couleur d'ëmeraude, la fondante sapotille, le petit raisin du bord de la mer, s'offrir au palais des créoles, suivant la saison.
[...]
L'amateur de fleurs peut aussi se satisfaire et parer de leurs vives couleurs la belle qu'il chérit et qui, après avoir été fraîche comme elles, sera aussi flétrie par le temps. On y a du raisin dont le grain d'un noir foncé tranche avec le vert du pampre qui l'accompagne, ou bien c'est du muscat aussi délicieux par sa saveur que remarquable par sa grosseur, qui étale sa longue grappe.
Un passage du troisième volume, se rapportant à la paroisse de l'Anse-au-Veau, indique pourtant une culture concentrée sur sucre, d'indigo et de coton, et semble indiquer que le vin, apparemment cher, est, à l'instar de la farine de blé, importé :
Si le port de l'Anse-à-Veau pouvait admettre de grands bâtimens, la culture s'accroîtrait, et principalement en sucre, mais on est borné au cabotage. Toutes les semaines il part des passagers pour le Port-au-Prince, où ils se rendent en 5 ou 6 jours. En tems de guerre, les risques font exiger 30 liv. par barrique de sucre, 6 par baril d'indigo, 15 par balle de coton ; au retour on donne 12 liv. pour une barrique de vin, 6 pour un baril de farine, ce qui devient une grande surcharge pour les frais d'exploitation.
Cela laisse à penser que le XVIIIè siècle avançant, la production agricole s'est spécialisée de plus en plus et les produits de base d'une alimentation européenne, dont le vin, ont été de plus en plus importés. C'est ce que suggère Paul Cheney dans l'ouvrage Cul-de-sac une plantation à Saint-Domingue au XVIIIe siècle. Selon cet auteur, Saint-Domingue était une haute place d'une production capitaliste à très grande échelle mais d'un nombre de produits limité, surtout du sucre et du café : "à la veille de la Révolution française, elle produisait presque autant de sucre que toutes les Indes occidentales britanniques réunies, et 60% du café consommé en Europe".
qu'ils avaient mieux et à meilleur compte leurs nécessités du temps qu'ils négociaient librement avec [les Hollandais], qu'à présent, ils ne savaient que devenir, qu'ils ne pouvaient pas avoir de quoi acheter une chemise, qu'on les abandonnait, qu'on voulait étouffer l'enfant au berceau, qu'ils ont acquis ce qu'ils possèdent dans l'île au bout de leurs armes, qu'il n'en avait rien coûté au Roi et que cependant on leur ôtait tout moyen de vivre. Il y en a même qui disent que puisque la France les abandonne et qu'on leur offre les moyens d'avoir leur nécessaire, qu'ils feraient bien en sorte de s'en passer et que si on veut de leur marchandise, on apportera de l'argent, qu'ils planteront la vigne, feront des voiles et des souliers. En effet, il y en a qui ont déjà planté la vigne.