Est-il vrai qu'il y a un canal sous le tunnel de la Croix-Rousse ?
Question d'origine :
Est il vrai qu'il y a un canal sous le tunnel de la Croix-Rousse ?
Merci
Réponse du Guichet
Il y a bien eu des projets de construction de canal navigable entre la Saône et le Rhône mais ils n'ont jamais été concrétisés. Toutefois, lors de la construction du tunnel de la Croix Rousse, une partie des «arêtes de poisson » a été détruite. Peut-être faites-vous allusion à ces galeries souterraines ?
Bonjour,
Les différents documents que nous avons consultés ne mentionnent pas l'existence d'un canal sous le tunnel de la Croix-Rousse.
La construction d'un canal de navigation (joint à un canal de chemin de fer) a bien été envisagée au XIXe siècle mais le projet a été abandonné pour les raisons suivantes :
Nous le croyons inexécutable :
1° Parce que le niveau du Rhône en amont de Lyon doit être plus élevé que celui de la Saône, puisque cette dernière a moins de courant et par conséquent moins de pente; qu’ainsi ce serait le Rhône, et non la Saône, qui se jetterait dans ce canal ;
2° Parce que, dans la supposition même qu’il en fût autrement à l’étiage des deux rivières, il est évident que le Rhône, venant à grossir, dépasserait par son niveau celui de la Saône, inonderait le canal, et serait un obstacle à ce que les eaux de la Saône vinssent s’y dégorger, même pour la plus petite quantité ;
3° Parce que les deux rivières, venant à grossir en même temps, inonderaient non seulement le canal, mais encore le Chemin de fer lui-même construit latéralement au canal, à moins qu’on ne tint le Chemin de fer à une hauteur très élevée au-dessus du canal ;
4° Parce que les sables et les graviers qu’entraîne le Rhône et qu’il dépose à la suite de ses crues, partout où il communique, établiraient bientôt des barrages insurmontables à l’entrée du canal, et obstrueraient très promptement le canal lui-même, comme cela est arrivé, il y déjà un certain nombre d’années, au canal des moulins de Perrache.
source : De la nécessité d'établir dans l'intérieur de Lyon le débarcadère du chemin de fer de Paris / Alphonse Hodieu · 1844 - page 42 et suivantes
Un document daté de 1882, Lyon scientifique et industriel revue mensuelle de la région · Volume 4, mentionne également les difficultés rencontrées par un tel projet :
Lors de la grande inondation de 1840, le projet de percement revint sur l’eau.
On lit, en effet, dans le Courrier de Lyon du 14 novembre, une lettre signée Jandet, où il est question du percement d’un tunnel sous la Croix-Rousse, qui joindrait le Rhône à la Saône. «Ce percement, ajoute l’auteur de la lettre, nécessiterait un travail que nous n’osons pas espérer de voir entreprendre et cependant, s’il eût existé, il est bien certain qu’on aurait pas à déplorer le quart des malheurs dont notre ville est aujourd’hui le théâtre.»
Remarquons que, jusque-là, l’idée du percement de la Croix-Rousse, les chemins de fer étant encore fort peu connus, n’était émise qu’au point de vue d’un canal destiné à relier les deux fleuves. […]
La différence de niveau, si variable entre le Rhône et la Saône, eût amené dans le canal un courant qui pouvait nuire à sa solidité et l’aurait, de plus, trop souvent rendu inaccessible à la navigation.
Une partie des "arêtes de poissons", ces galeries souterraines mystérieuses découvertes sous la colline de la Croix-Rousse, a été détruite lors du percement des tunnels (routier et modes doux) de la Croix-Rousse en 1941 et 2011.
Un dossier a été consacré aux souterrains de Lyon dans notre webzine L'influx. Actuellement inaccessible en raison de l'incendie d'un de nos serveurs, nous vous renvoyons à cette page archive. En voici un extrait :
Le 12 octobre 2009, le service archéologique de la Ville dévoile les conclusions d’une étude menée sur un réseau de souterrains menacés par la rénovation du tunnel de la Croix-Rousse. Le tracé du second tube aménagé pour les déplacements doux empiète en effet sur une partie de ces souterrains. C’est une grande première : les « cataphiles », amoureux des tunnels, catacombes et autres puits, espéraient depuis des années une prise de position « officielle » par la Ville de Lyon sur ce patrimoine souterrain lyonnais. Beaucoup regrettaient qu’aucune étude sérieuse n’ait jusqu’alors été entreprise pour comprendre, recoller les morceaux de l’histoire : « On compte seulement trois livres sur les souterrains. Ce patrimoine n’est pas du tout mis en valeur », expliquent ces passionnés. Au contraire, disent-ils, la sécurisation des lieux a souvent été le prétexte de négligence face à certaines découvertes – on se souviendra par exemple de la mise à jour d’ossements dans un tunnel, vestiges archéologiques qui furent aussitôt ensevelis sous une chape de béton sans qu’aucune analyse n’ait été entreprise sur ces dépouilles.
Une pétition qui a recueilli plus de trois mille signatures d’internautes sensibles à la préservation de ce patrimoine, n’est sans doute pas étrangère à ce revirement de la part des autorités. La polémique déclenchée par le percement du tunnel de la Croix-Rousse sur l’emplacement d’un tronçon du réseau le plus emblématique aux yeux de ces cataphiles, les arêtes de poissons, a le mérite d’avoir rendu possible le dialogue entre la Ville et ces amateurs de spéléologie urbaine, devenu par la force des choses des spécialistes du sous-sol lyonnais, et principaux défenseurs de ces souterrains. Ces derniers demandaient alors la mise en œuvre d’une étude sérieuse de ce réseau, la préservation de l’essentiel de sa structure, une réflexion autour de son ouverture au public, voire même son classement à l’UNESCO comme patrimoine de l’humanité.
Gilles Buna, alors adjoint au maire de Lyon délégué à l’Urbanisme, se montrait rassurant au sujet des dégâts occasionnés par les travaux de percement du tunnel : « La nécessité de préserver le réseau est bien prise en compte, de même que la volonté de ne pas l’endommager par des effets collatéraux. C’est dans le cahier des charges. » La Ville montre là qu’elle reconnait la valeur patrimoniale de son exceptionnel sous-sol. Elle n’est pas non plus hostile à l’ouverture au public d’une partie de ces souterrains, même si, il faut l’avouer, leur accès soulève de nombreux problèmes : « Personnellement j’y suis favorable. Le moment est venu d’étudier les conditions de mise en sécurité, et peut-être d’éclairage partiel des arêtes de poisson. D’appréhender aussi les conditions financières en termes de coût et d’apport s’il y a un développement touristique. En même temps, rien n’est décidé. Sera-ce pour un large public ou un public de spécialistes ? » Un projet qui aurait les faveurs de l’OCRA (Organisation pour la Connaissance et la Restauration d’Au-dessous-terre), ainsi que l’explique Emmanuel Bery, son président : « On n’a pas le droit de priver les Lyonnais d’avoir accès à leurs souterrains, d’autant qu’il y a une réelle faisabilité. Les galeries sont larges, hautes, tout à fait praticables ». Si la proposition semblait faire consensus à l’époque, elle n’a pourtant pas abouti avec la fin des travaux sous la colline de la Croix-Rousse. Pire, l’intégrité des arêtes est aujourd’hui remise en question par un projet immobilier : « La ville de Lyon prévoit de transformer d’ici à 2019 l’église Saint-Bernard en « centre d’affaires et de détente ». Inachevée, fermée en raison de l’instabilité du terrain, désacralisée, cette église a été construite à l’aplomb des arêtes de poisson. Un puits s’ouvre exactement sous sa nef. Il est question d’y aménager trente-deux espaces de bureaux » (Richard Schittly, article paru sur le site de Le Monde).
Le classement de ces galeries au patrimoine mondial de l’humanité n’est pas envisagé : « Elles ne sont pas menacées car elles sont utiles. Elles confortent le sous-sol et sont indispensables au drainage des eaux », explique Olivier Mecheri, responsable de l’unité Grand travaux et galeries de la direction des eaux du Grand Lyon. Il n’y a donc pas lieu de demander un classement historique en vue de protéger ces galeries car « fou serait celui qui voudrait détruire ces balmes » disait Gilles Buna il y a quelques années.
Pendant longtemps, l’existence du réseau des arêtes de poissons (ou réseau des fantasques) est demeuré un mystère : aucune archive ne les mentionnait, et leur structure très singulière laissait place aux spéculations les plus folles.
Le diagnostic réalisé par E. Bernot, C. Ducourthial pourrait enfin lever un pan du voile. Première observation : l’étendue du réseau dit des arêtes de poissons est plus importante qu’on ne le pensait jusqu’alors. Gilles Buna : « Incontestablement, les fouilles menées permettent d’appréhender un réseau complexe et plus étendu qu’on ne le pensait, permettent aussi de le dater du XVIe siècle. Enfin, et ce n’est pas le moins excitant pour l’imaginaire, on est en mesure de lui donner une fonction à partir de cette citadelle construite pour surveiller les Lyonnais. Ces galeries servaient de refuge et d’accès pour les militaires, de dépôt de munitions légères et de manière discrète, offraient la possibilité de se déplacer. Ceci jusqu’en 1585, lorsque la ville obtient du pouvoir royal, qu’on détruise cette menace. »
Nous vous laissons poursuivre la lecture de cet article dans son intégralité sur le site de L'influx ainsi que du rapport rédigé par le service archéologique de la ville de Lyon : Tunnel de la Croix-Rousse.
Autres documents à consulter :
- Tunnel de la Croix-Rousse / Archives municipales de Lyon
- Les souterrains de Lyon / Christian Barbier
- L'énigme des arêtes de poisson / Walid Nazim
- Exemple d’application 3D en archéologie préventive : la restitution des galeries souterraines des pentes de la Croix-Rousse à Lyon / Philippe Dessaint et Emmanuel Bernot, dans R. Vergnieux et C. Delevoie, Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Bordeaux, Ausonius, , 228 p.
Nous avons toutefois posé votre question au service des Construction et balmes ainsi qu'au Service archéologique municipal. Nous vous transférerons leur réponse dès qu'elle nous parviendra.
Bonne journée.
Complément(s) de réponse
Bonjour,
Le Service archéologique de la Ville de Lyon que nous remercions ici vient de nous répondre :
Il n’y a pas de canal sous le tunnel de la Croix Rousse qui est creusé dans le socle granitique de la colline. Vous aurez plus de renseignements au sujet de sa construction en contactant le service «tunnel» du grand Lyon.
Bonne journée.
Complément(s) de réponse
Le Service Constructions-Balmes que nous remercions ici nous a apporté la réponse suivante :
NON, il n’existe pas de canal sous le tunnel de la Croix-Rousse.
Les galeries arêtes de poissons sont bien présentes plutôt sur le côté et dessus.
Une toute petite partie de branche a été détruite lors de la construction du 2ème tube.
Cordialement