Les huit serments imposés au clergé pendant la Révolution ont-ils été acceptés par Rome ?
Question d'origine :
Cher guichet,
Il ya eu, je crois huit serments imposés successivement au clergé pendant la période de la Révolution et du Consulat/Empire. Les deux premiers (adhésion à la C.C.C et serment égalité-liberté ont été condamnés par Rome assez rapidement. Qu'en est-il des six autres serments ? Certains étaient-ils acceptables par Rome ?
Merci encore pour votre travail sérieux.
Réponse du Guichet

Il n'est pas aisé de répondre à votre question ! Toutefois, il semble que la papauté (même si fondamentalement contre ces serments), ne se soit guère prononcée de manière officielle. Cette position serait due à la nature tendue des rapports entre Rome et la France.
Bonjour,
Pour répondre d’abord à votre question, il faut mettre l’accent sur la difficulté de discerner le nombre de serments à l’intention des prêtres sous la Révolution, le Consulat et l’Empire. En effet, nombreux sont les serments dits «civiques» qui furent imposés non pas uniquement aux ecclésiastiques mais à l’ensemble des fonctionnaires de la République sur ces périodes.
Ils sont au nombre de douze (dont huit obligatoires pour les ecclésiastiques). De fait, on peut mentionner plusieurs serments qui regroupent cette volonté de l’Assemblée à unir ses citoyens notamment le serment dit de «La Promesse» du 28 septembre 1799 qui voit le jour à l’avènement du Consulat. Il suit ainsi:
«Tous les fonctionnaires publics, ministres des cultes, instituteurs ou autres personnes qui étaient, par les lois antérieures à la Constitution, assujettis à un serment, ou déclaration quelconque, y satisferont par la déclaration suivante :
Je promets fidélité à la Constitution».
Au-delà du rôle politique certain de la pluralité de ces serments, on peut citer l’historien Timothy Tackett pour qui le serment joue «un rôle symbolique fondamental dans le transfert de la souveraineté de la personne du roi à la communauté prise dans sa totalité; il contribuait à affirmer les nouveaux liens de citoyenneté qui unissaient les individus à cette communauté.» (Dans La Révolution, l'Eglise, la France. Le Serment de 1791 de Timothy Tackett)
Outre la Constitution civile du clergé (du 12 juillet 1790) et le serment d’Egalité et de Liberté (du 10 août 1792), il existe bien spécifiquement un autre serment qui provoqua la réaction de la papauté. Il s’agit du serment de haine à la royauté et à l’anarchie promulgué le 5 septembre 1797 après le coup d’état du 18 Fructidor an V.
En voici les termes:
« Je jure haine à la royauté et à l'anarchie et je promets attachement et fidélité à la République et à la Constitution de l'an III».
Encore une fois, le serment est adressé à tous les fonctionnaires et c’est le fruit d’une décision intervenant dans le cadre d’un jeu de pouvoirs de l’échiquier politique français entre les différentes chambres de l’Assemblée. Toutefois, intervient ici la notion de «haine» à laquelle les prêtres ne peuvent consentir, bien loin de la notion de charité de l’Eglise catholique. Le pape Pie VI condamne le serment et le dit antireligieux le 24 septembre 1798 mais il n’intervient pas plus, car Rome est envahie au même moment.
« Seulement, les événements se prêtaient mal à l’arbitrage du Saint-Siège. Il était, en fait, radicalement hostile. La congrégation des Affaires de France jugea la formule «contraire à la loi divine». Pie VI allait prononcer formellement contre la licéité lorsque se produisit l’invasion de Rome par les Français, qui empêcha de rendre public son jugement. » (Dans L’Eglise catholique et la Révolution française, le pontificat de Pie VI et la crise française (1775-1799), André Latreille)
Les autres serments et notamment le serment de soumission aux lois de la République du 29 septembre 1795 ne provoquent pas l’intervention particulière de Rome. Cela peut s’expliquer par la nature politique intrinsèque de ces serments qui ne relèvent pas forcément de la foi. La papauté ne souhaite pas entrer davantage en conflit avec le gouvernement français puisque les relations sont déjà compliquées entre les deux entités et ce, en partie, à cause de la politique française défavorable aux prêtres réfractaires ou insermentés (persécutions et déportation de ceux-ci).
En pièce jointe, vous trouverez un récapitulatif des différents serments existants pour cette période.
Pour aller plus loin sur le sujet:
- L’Eglise et la Révolution (1789-1899), Pierre Pierrard
- Le clergé de second ordre sous le Consulat et le Premier Empire, Leflon Jean dans. La Revue d'histoire de l'Église de France, tome 31, n°118, 1945
- La Révolution contre l'Église : de la Raison à l'Être suprême, Michel Vovelle
- L'église de France sous le Consulat et l'Empire (1800-1814), abbé G. Constant
Pièces jointes
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Quelle est la signification de cette croix ?
Nicole-Reine Lepaute a-t-elle écrit un Mémoire d’échappement...