Quel est l'avis de l'intelligence artificielle sur l'existence d'une vie extraterrestre ?
Question d'origine :
quel sont les espoirs et les avis de l'I.A sur existence d'une vie extraterrestre. A-t'on étudié cette éventualité ???
Réponse du Guichet
Vous faites sans doute référence à la publication récente sur le programme Breakthrough Listen, qui utilise une intelligence artificielle pour trier des données dans sa recherche de captation d'ondes radio d'origine extraterrestres : ce programme, mené actuellement par l’université de Toronto et l’institut américain SETI, est formel sur le gain de temps énorme que représente cet outil. Celui-ci n'a cependant pas pour but de produire des probabilités quant à la présence d'autres êtres intelligents dans la Voie Lactée, probabilité qui existent, mais sont le fait de scientifiques humains.
Bonjour,
Une récente utilisation de l'intelligence artificielle pour détecter des civilisations extraterrestres a effectivement récemment suscité l'intérêt de nombreux médias : comme nous l'apprend La Dépêche, " Une équipe de scientifiques de l’université de Toronto et de l’institut américain SETI" a publié le 30 janvier dernier "une étude montrant que grâce à un algorithme, elle a pu isoler parmi des millions de données huit signaux susceptibles d’être liés à des signes de vie intelligente extraterrestre". Ces résultats, accessibles sur le site Nature astronomy, ont fait l'objet des articles Will an AI be the first to discover alien life? et A deep-learning search for technosignatures from 820 nearby stars (payants).
Comme nous l'explique toujours La Dépêche, le programme SETI ("Search for Extra-Terrestrial Intelligence" en français "recherche d’intelligence extraterrestre"), né dans les années 1960, avec pour but de chercher dans l'univers connu des traces de technologies extraterrestres, a connu une avancée décisive en 2015 avec le lancement du projet Breakthrough Listen, "qui a pour but de chercher des signes de vie intelligente dans les environs de plus d’un million d’étoiles situées dans une sphère de 1 000 années-lumière. Pour cela, plusieurs radiotélescopes sont mobilisés dans le monde, en Australie, en Afrique du Sud et aux États-Unis. Mais c’est bien le radiotélescope de Green Bank, le plus grand orientable au monde, qui a détecté les signaux intéressants des 17 chercheurs, avec l’aide… d’une intelligence artificielle."
Celle-ci intervient dans le classement et l'analyse de pas moins de 150 téraoctets de données, grâce à un algorithme de deep learning :
Ils ont ainsi passé au crible près de 3 millions de signaux radios en provenance de 820 étoiles écoutées, et n’en ont gardé que 20 000. Dans ce dernier lot, Peter Ma [concepteur de l'algorithme] a sélectionné manuellement 8 signaux d’intérêt : ils étaient à bande étroite, à l’inverse des ondes émises par les astres, ce qui soulignerait une origine technologique. Ensuite, les fréquences de ces signaux évoluaient dans le temps, ce qui laisse supposer un déplacement de l’émetteur. Enfin, ces signaux n’apparaissaient que lorsqu’un télescope visait une étoile précise, un potentiel lieu d’émission. Ces signaux viennent de cinq astres situés entre 34 et 88 années-lumière de la Terre, une distance très faible au niveau de la galaxie mais encore inaccessible pour l’Homme.
Le programme, a fait l'objet d'un dossier sur Futura-sciences qui vous permettra de mieux le connaître. On apprend ainsi qu'en février 2020 Seti met en ligne deux pétaoctets de données pour la recherche extraterrestre mais que celles-ci n'ont donné aucun résultat probant. Cependant, cet article revient de façon assez éclairante sur la méthode, et conclut qu'aucun espoir n'est exclu.
Un article de 2020, Vie extraterrestre : nous ne sommes sans doute pas seuls dans la galaxie ! revenant sur l'origine du programme SETI, explique cependant que ce n'est en aucun cas une intelligence artificielle, mais bien quelques générations d'astrophysicien.nes, le co-fondateur de SETI Frank Drake en tête, qui ont calculé les chances théoriques de la présence de formes de vies intelligentes de notre galaxie, communiquant par ondes radio (seul moyen pour nous de les percevoir) et ayant choisi d'en émettre :
La limite haute raisonnable pour les CETI serait d'au moins 2.900 civilisations et la plus proche serait à environ 1.880 années-lumière. D'autres chiffres peuvent sortir des estimations des deux chercheurs si l'on considère un temps de communication interstellaire par radio pour une civilisation de longue durée, par exemple un million d'années, ce qui donne une CETI à seulement entre 20 et 300 années-lumière du Système solaire.
Christopher Conselice et Tom Westby ont en fait considéré deux situations extrêmes qu'ils ont baptisé The Astrobiological Copernican Weak and Strong Limits for Extraterrestrial Intelligent Life, ce qui peut se traduire par les limites exobiologiques coperniciennes fortes et faibles pour la vie extraterrestre intelligente. L'idée centrale est de considérer que l'évolution de la vie sur Terre menant à l'intelligence n'a probablement rien d'atypique, pas plus que l'existence d'un cortège d'exoplanètes autour du Soleil. C'est donc un avatar du principe copernicien qui a fait admettre que l'Homme et surtout la Terre et le Soleil n'occupent pas une position particulière, qu'ils ne sont pas au centre de l'Univers.
Dans le cas de la limite faible, si une exoplanète est restée relativement habitable pendant environ 4,5 à 5 milliards d'années au moins, elle devrait avoir les mêmes chances que la Terre de voir la vie intelligente se développer. Dans le cas de la limite forte, l'exoplanète ne permet à une telle vie de se développer que pendant un intervalle de 4,5 à 5,5 milliards d'années (rappelons au passage que d’ici un milliard d'années les océans sur Terre se mettront à bouillir).
Dans leurs calculs, les deux chercheurs supposent également que la durée la plus probable de la communication par radio d'une civilisation est d'environ un siècle, que cette civilisation disparaisse (ou qu'elle passe à un autre mode dominant de communication, après tout, nous utilisons de plus en plus des fibres optiques). Ce sont essentiellement des valeurs plus grandes pour cette durée qui font varier les estimations du nombre de CETI dans la Voie lactée.
Enfin, citons une communication récente de l'Agence Science-presse du Canada, revenant sur les dernières données de SETI, qui prévient qu'une IA, puissant outil de tri de données, ne pourra jamais se passer de scientifiques pour analyser ces dernières :
À la base, le problème est celui des données amassées par les radiotélescopes qui écoutent le ciel, en quête d’un signal qui pourrait ne pas être naturel (ou « technosignature »). Dès 1999, un programme de « science citoyenne », SETI@Home, avait réuni des centaines de milliers de volontaires qui « donnaient » du temps d’ordinateur pour qu’un logiciel passe au crible une partie des immenses bases de données générées par ces radiotélescopes. Mais ce travail avait ses limites : la majeure partie des signaux « anormaux » détectés émanaient de nos propres technologies —satellites, téléphones cellulaires, etc.— qu’il fallait dès lors vérifier un par un.
Or, l’IA peut apprendre, par essais et erreurs, à distinguer ces signaux terrestres: c’est le principe de l’apprentissage machine (ou apprentissage automatique). Dans un article publié le 30 janvier dans la revue Nature Astronomy, le mathématicien Peter Ma, de l’Université de Toronto, décrit avec ses collègues la différence que peut faire un tel algorithme dans leur travail: il a analysé 3 millions de « signaux d’intérêt » et en a catalogué la grande majorité comme étant d’origine terrestre. Les chercheurs ont alors analysé les 20 000 qui restaient, et ont réduit la liste à 8 candidats « intrigants ».
Faux espoir: aucun des 8 n’a fait entendre quoi que ce soit lorsque le radiotélescope Robert C. Byrd Green Bank, en Virginie occidentale, a été à nouveau dirigé vers eux. Mais le gain de temps était énorme et les chercheurs proposent de réutiliser leur méthode avec les autres bases de données du même genre.
En théorie, il serait aussi possible de programmer un tel algorithme pour repasser dans ces bases de données à la recherche d’un signal différent de celui que l’on cherchait traditionnellement —une balise automatique, par exemple. Mais ultimement, il faudrait un humain pour passer au crible ce que l’IA aurait sélectionné : dégager un « signal » du « bruit » est une chose, l’interpréter en est une autre.
Bonne journée.