Quel est l'article du code Napoléon qui prévoyait l'obligation d'une déclaration de grossesse ?
Question d'origine :
Je lis, dans un acte notarié de 1813 relatif à la grossesse d'une jeune fille,la précision suivante :
"désirant se conformer au code Napoléon et se mettre à l'abri des reproches qui pourraient lui être faits en cas d'accident, elle nous déclare être enceinte..." (sans vouloir nommer l'auteur de sa grossesse)
Je ne trouve pas l'article du code qui prévoit cette obligation et donc, encore moins, à quel accident condamnable fait allusion la jeune fille.
Pouvez-vous m'aider ?
Réponse du Guichet
Votre document semble être la persistance au XIXe siècle d’un dispositif de l’Ancien Régime : la déclaration de grossesse par les mères célibataires.
Bonjour,
Le document que vous avez en main ressemble très fortement aux déclarations de grossesse de l’Ancien Régime, qui même après la Révolution, ont pu perdurer au XIXe siècle dans les petites communes. Mises en place par un édit en 1556, elles l’ont été pour «lutter» contre les avortements et infanticides, en obligeant les mères célibataires à déclarer leur grossesse. Si elles n’avaient pas pris cette précaution, dans le cas où l’enfant décédait, elles étaient accusées d’infanticide et condamnées à la peine de mort.
«Pour le comprendre, il faut revenir sur le texte à l’origine de ce dispositif, l’Édit d’Henri II de février 1556. L’Édit prévoyait la peine de mort contre les femmes qui, ayant caché leur grossesse et leur accouchement, étaient convaincues d’avoir laissé périr leurs enfants sans recevoir le baptême. Le cumul de ces circonstances : dissimulation de la grossesse, accouchement clandestin, mort du nouveau-né non baptisé, donc non déclaré, créait la présomption d’infanticide, crime puni de la peine de mort. En d’autres termes, on présumait que si elle avait caché sa grossesse c’est parce que dès le départ cette femme n’avait pas eu l’intention de garder l’enfant. Car l’Édit avait pour premier objectif de lutter contre les pratiques abortives et l’infanticide.» dans Les déclarations de grossesse, article dans la Revue française de généalogie
Quant à leur persistance jusqu’au XIXe siècle, voici ce qu’en dit Marie-Claude Phan dans son intéressant article que vous pouvez lire en intégralité en ligne : Les déclarations de grossesse en France (XVIe-XVIIIe siècles) : essai institutionnel :«Quant à la justification des déclarations éparpillées sur le XIXe et le tout premier XXe siècle, elle reste elle aussi du domaine des hypothèses : prévention des infanticides, persistance d’une coutume vide de sens, à moins qu’elle ne prenne une nouvelle coloration, puisque cela ne se fait plus que dans de petites localités où la communauté s’érige facilement en censeur de la conduite de chacun. Ne serait-ce pas le tribut à payer à la société pour la faute commise? A ce stade, l’intérêt de la déclaration ne réside plus que dans son caractère de curieuse survivance et dans l’attitude mentale qu’elle traduit.»
Ce qui est étonnant, c’est la référence au Code Napoléon, qui comme vous le dites, ne stipulait pas cette obligation. Cette formule pourrait être la résurgence de la formule type de ces déclarations consistant à vouloir se conformer à la loi existante : «pour satisfaire à la loi», formule devenue vide de sens après 1791 mais pourtant employée. Autre possibilité, l’acte ferait référence au Code pénal de 1810 (aussi de Napoléon) qui faisait de l’infanticide «un crime exceptionnel en l’assimilant à l’assassinat et en le punissant de mort» (voir l’article de Marie-Claude Phan).
Enfin, vous l’aurez compris, l’accident quant à lui, fait référence à la mort de l’enfant.
Ici, vous trouverez un exemple qui ressemble beaucoup dans la formulation à votre document.
Voir aussi:
Les déclarations de grossesse sous l'Ancien Régime sur le site des Archives départementales du Lot