Où a séjourné exactement W. H. Seward lorsqu'il a été reçu par Thiers en 1871 ?
Question d'origine :
Bonjour cher bibliothécaire,
En lisant le récit du voyage de W. H. Seward à travers le monde, je vois qu'il a été reçu par Thiers en 1871 dans un "palais" à Versailles, alors qu'il n'était encore que président du gouvernement provisoire.
1° Pourriez-vous me dire exactement à quel endroit il avait sa résidence, sachant que peu de temps auparavant le roi de Prusse y avait établi ses quartiers ?
2° En outre pourriez-vous m'indiquer comment, aujourd'hui, il faudrait écrire "Tsoung-Héou", nom de l'envoyé de la Chine auprès du gouvernement provisoire en 1871, chargé de s'expliquer, voire de présenter ses excuses, à propos du massacre de Tientsin ?
Je vous en remercie par avnace,
Rober T.
Réponse du Guichet
Adolphe Thiers résidait à l’hôtel de la préfecture à Versailles en 1871. Le nom de Tsoung-Héou s’écrit aujourd’hui dans la norme pinyin: Chonghou.
Bonjour,
Nous vous conseillons la lecture du premier chapitre (Thiers, président versaillais) de l’ouvrage Le Versailles des présidents : 150 ans de vie républicaine chez le Roi-Soleil de Fabien Oppermann, qui retrace l’histoire de Versailles sous la République et donne des éléments précis sur les événements qui se sont déroulés en 1871.
Voici ce que nous pouvons vous dire concernant la résidence d’Adolphe Thiers à Versailles :
Tout d’abord, il faut savoir que «le roi Guillaume de Prusse rejoint Versailles le 5 octobre 1870 et emménage avec son état-major non pas au château, mais à la préfecture, inaugurée trois ans plus tôt… Dans l’ancienne ville royale, la vie s’organise au rythme prussien; le 9 octobre, la Chapelle du château est affectée au culte luthérien, pour l’usage du roi; l’ambulance militaire prussienne s’installe dans les ailes du château.». L’événement majeur s'est déroulé le 18 janvier 1871, avec la cérémonie de proclamation de l’empire Allemand, Guillaume de Prusse devenant Guillaume 1er d’Allemagne. «La cérémonie, solennelle et grandiose, se déroule dans la galerie des Glaces»
L’armistice est signée le 28 janvier, des élections législatives ont lieu le 8 février. L’Assemblée nationale s’est réunie le 14 février dans le Grand théâtre de Bordeaux, où le gouvernement de défense nationale s’est replié, et le 17 février, elle a nommé Thiers chef du pouvoir exécutif de la République française. Celui-ci, le 19 février a quitté Bordeaux pour Versailles pour négocier les conditions de la paix. La paix approuvée, Thiers regagne Paris mais souhaite rapprocher l’Assemblée nationale trop excentrée à Bordeaux. Le choix est fait de l’installer à Versailles: «Les troupes allemandes évacuent la demeure royale et sont remplacées, dès le 20 mars, par les députés. Les architectes du domaine de Versailles, Charles Questel, et de l’Assemblée nationale, Edmond de Joly, sont chargés de s’occuper en urgence des installations nécessaires.». L’Opéra devient donc la salle des séances et «toute l’aile nord du palais est réservée à l’Assemblée nationale: le rez de chaussée est structuré en bureaux, le premier étage reçoit des salles de commissions et de conférences, tandis que la présidence, le secrétariat général, la questure et la bibliothèque prennent place dans le pavillon de Noailles, entre les cours de la smala et du Maroc… Les appartements privés de Louis XVI sont requis pour loger le président de l’Assemblée (Jules Grévy)…». Face à l’arrivée des députés et des «nombreux fonctionnaires, diplomates et autres parisiens fuyant la Commune», «il est alors décidé de transformer la galerie des Glaces en dortoir pour les députés…».
Mais le 18 mars, deux jours avant l’ouverture de la session parlementaire, la situation dégénère à Paris et Thiers, en réunion au quai d’Orsay, décide d’évacuer la ville, il quitte Paris pour Versailles, suivi «par le gouvernement et les fonctionnaires ministériels». Tous les ministères mais aussi le Conseil d’état, la Chancellerie de la Légion d’honneur, la Caisse des dépôts et consignations ou l’administration des postes s’installèrent dans les différentes ailes du château, mais Adolphe Thiers n’emménage pas au château, mais dès la fin du mois de mars, à l’hôtel de la préfecture, tout juste libéré par les troupes prussiennes. Par la suite, après la Semaine sanglante et l’écrasement de la Commune, «les administrations ministérielles regagnent peu à peu Paris», mais Thiers reste à l’hôtel de la préfecture qu’il renomme «hôtel de la présidence». Désigné président de la République par la loi du 31 août 1871, c’est à Versailles qu’il dirige et reçoit. Cependant, il commence à organiser des réceptions au palais de l’Élysée à Paris et à partir de septembre 1872, «de façon plus intensive pour recevoir diplomates et ministres…».
Quant à notre délégué chinois ("Tsoung-Héou" selon votre récit), venu en France présenté les excuses de la Chine, voici quelques éléments tirés de l’ouvrage La France en Chine : du XVIIe siècle à nos jours de Bernard Brizay :
«Une ambassade expiatoire, porteuse d’excuses, menée par un mandarin, d’ailleurs compromis dans le massacre, Chonghou (vice-président du ministère de la guerre et Intendant des Trois Ports du Nord), est envoyée en France. Elle est accompagnée de l’interprète Gabriel Devéria… Mais cette mission de contrition tombe bien mal, au début de la guerre avec la Prusse… La malheureuse ambassade chinoise se retrouve ballotée de Tours à Bordeaux, puis de Bordeaux à Versailles… où Thiers trouve finalement le temps de la recevoir»
L’orthographe utilisée dans l’ouvrage de Bernard Brizay correspond à l’orthographe actuelle dans la norme pinyin, comme nous l’a confirmé notre collègue responsable du Fonds Chinois de la Bibliothèque municipale de Lyon : «Chonghou», en un seul mot (en chinois c’est 崇厚) se prononce Tchon-Rô (en pinyin, le «g» après «on» indique que ça se prononce «on» et pas «onne», le «h» est aspiré presque comme un «r» et «ou» est un «o» fermé).
Voici une petite notice wikipédia sur le personnage de Chonghou.
Bonne lecture
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