Qui est l'auteur de la chronique "La lettre de M. de Rastignac" dans Valeurs actuelles ?
Question d'origine :
Quel est l'auteur de la chronique hebdomadaire "La lettre de M. de Rastignac", dans Valeurs actuelles ?
Réponse du Guichet
Plusieurs journalistes se sont successivement glissés sous le masque de M. de Rastignac. Il semble que l'actuel tenant de la rubrique soit Vincent Trémolet de Villiers.
Bonjour,
Le pseudonyme "M. de Rastignac" cache différents auteurs selon les époques, partageant une volonté d'anonymat qui ne s'est jamais démentie, selon un article du "Figaro" de 1999, consultable - comme c'est le cas de tous les articles cités ici - en ligne sur Europresse grâce à votre abonnement BmL :
Depuis 1977, les lecteurs de Valeurs actuelles se délectent chaque semaine de la correspondance qu'un certain Eugène de Rastignac envoie à « son cousin de province ».
Sous le couvert d'un pastiche balzacien (qui est aux « Guignols » de Canal + ce qu'Alphonse Allais est à Djamel Debbouze), le brillant épistolier dresse une « Comédie contemporaine », qui singe avec brio l'actualité politique du moment.
C'est après l'assassinat de Jean de Broglie que Raymond Bourgine, père fondateur du groupe Valmonde, eut l'idée de cette méthode éminemment littéraire qui permet « d'éclairer les coulisses de la grande politique » avec la lanterne ironique d'un observateur masqué. Le pari le plus ambitieux étant, bien entendu, de tirer chaque nom de l'oeuvre même de Balzac : ainsi Jean de Broglie se retrouve baron de Nucingen, Raymond Barre répond au nom de M. Clapart et le président Giscard, « noblesse » oblige, devient tout simplement « le roi ».
Mais, la vie politique continuant de mener son chemin, il a fallu nourrir, densifier, augmenter cette épopée hebdomadaire. C'est désormais le fils de Rastignac qui rédige ses lettres, ayant repris avec panache le flambeau paternel. Et pour la première fois, il nous offre (presque) toutes les clés de ses cryptogrammes.
Ce Dictionnaire Rastignac recense, de A à Z, les cinq cents personnages qui habitent notre vie politique. Le vidame d'Ussel (Jacques C.) est maître en son château. Au cabinet, Fulgence Ridal (Lionel J.) est entouré de ses ministres Babette Chamarante (Elisabeth G.), Dominique Groll-Katt (Dominique S. -K.) ou encore Léocadie Vannier (Dominique V.), ministre de l'Aménagement provincial, des Fleurs et des Petits Oiseaux...
Mais ils seraient tous à citer : les légitimistes, en mémoire du général de Montcornet (Charles de G.), les orléanistes, les jacobins (Annibal Salviati alias Laurent F.) ou encore les sans-culottes, avec le regretté Sarcus Taupin (Georges M.), le très barbu Saturnin Huet (Robert H.), les syndicalistes Eva Concha (Nicole N.) et Cunin-Bridaine (Marc B.) et l'exquise Josiane Mancini (Arlette L.)...
Le Tout-Paris est aussi de la danse : Calyste Jasmin du Guénic (PPDA) « paraît chaque soir que Dieu fait afin de dire les nouvelles pour le compte de la Société première d'étrange lucarne ».
On tremble à « la pâleur inspirée » et aux « imprécations prophétiques » du fameux « penseur de la République » Elie-Jules Magus (Bernard-Henri L.), etc.
Une seule identité nous reste cependant inconnue : celle de l'auteur. Conservant son masque, Rastignac protège sa liberté.
D'après Un patron "normal" à la tête du "Figaro", article d'Ariane Chemin dans "Le Monde", la chronique fut longtemps tenue par le journaliste Alexis Brézet :
Il y a là autre chose que de la coquetterie. "Le style, c'est l'homme", élude aussi, quand on le presse, celui qui l'a vu mûrir : François d'Orcival, le patron de Valeurs actuelles, où Brézet a travaillé de 1987 à 2000. "Le sien est clair, serein, de qualité, vif et gai, de surcroît." Un style un rien suranné, que Brézet mit longtemps au service de la "Lettre de M. de Rastignac", feuilleton néobalzacien qui depuis trente-cinq ans clôt chaque semaine l'hebdomadaire - sans jamais le signer.
[...]
Entre plusieurs descriptions prophétiques (François de la Haye, "un profond politique qui avancerait sous le masque du bon garçon"), on peut aussi lire ces quelques lignes d'autoportrait : "Eugène de Rastignac n'a jamais prétendu être un esprit tiède ni un tempérament du juste milieu. Attaché aux vertus de l'ancienne France, il penche du côté du Trône et de l'Autel plutôt que de celui de la multitude, s'épanche pour une fois Brézet sans pseudo. Pour autant, il se défend de tout esprit de parti (...) L'essentiel est que le lecteur puisse se retrouver dans ses emballements et ses fureurs, ses piques et ses railleries." Un programme ?
Dans l'article A « Valeurs actuelles », le faux pas des jeunes loups d'Ariane Chemin et François Krung, daté du 8 septembre 2020, la rubrique a ensuite été récupérée par Vincent Trémolet de Villers :
L’une des plus vieilles rubriques du journal est « La Lettre de M. de Rastignac ». Chaque semaine, un personnage balzacien raconte à un cousin de province la « comédie contemporaine » de la capitale. Derrière la littérature, on y lâche quelques secrets politiques, on pousse certains candidats, on en flingue d’autres.
Ce pseudo a longtemps caché Alexis Brézet, à l’époque journaliste à Valeurs actuelles, aujourd’hui directeur des rédactions du Figaro. Désormais, c’est le directeur adjoint de la rédaction du Figaro, Vincent Trémolet de Villers, qui tient la rubrique sur son temps libre, croquant « M. de Marville » (Emmanuel Macron), « Mme du Halga » (Marine Le Pen) ou « Paul-Mathieu Méricourt », alias Jean-Luc Mélenchon.
Un passage de relais confirmé par l'article d'Adrien Franque La maison des droites face au cas Zemmour dans "Libération" : "Comme Alexis Brézet, Trémolet est un proche de Buisson. D'après le Monde, il aurait aussi pris la suite de son supérieur pour assurer sur son temps libre la chronique anonyme historique de Valeurs actuelles, «La lettre de M. de Rastignac», exercice de politique-fiction dans un style balzacien. Pendant la Manif pour tous, les deux se sont montrés d'ardents défenseurs de cette «droite des valeurs»".
C'est peut-être de lui que parle Atlantico en évoquant en 2011 nue chronique "signée de M. de Rastignac mais dont l'auteur est un proche de Patrick Buisson par ailleurs employé au Figaro sur les pages Figarovox".
Dans son livre Encyclopédie politique française. T01 Emmanuel Ratier affirme que Jean-André Faucher aurait tenu la chronique dans les années 70-80.
Au cours des décennies, il est par ailleurs arrivé que des journalistes attribuent la chronique à un auteur et que celui-ci démente : c'est le cas de Stéphane Denis qui s'est défendu en 2007 d'être le fameux Rastignac suite à une chronique du Figaro littéraire et du Monde...
Bonne journée.