Existait-il un sanctuaire dédié à Saint Benoît au Moyen Âge à Lyon ?
Question d'origine :
Cher guichet,
existait-il un sanctuaire dédié à Saint Benoît au Moyen Âge à Lyon ? Le cas échéant, où se trouvait-il ?
Par avance merci.
Réponse du Guichet

Si la règle de Saint-Benoît est en vigueur dans plusieurs communautés à Lyon, aucun édifice ne semble lui être dédié directement au Moyen Âge.
Ce n'est qu'au XVIIe siècle qu'une petite colonie de religieuses de l’abbaye de Saint-Pierre fonda un prieuré à Lyon sous le vocable de Saint-Benoît. Situé quai Saint-Vincent, les sœurs s'y installèrent le 13 juin 1664.
Bonjour,
Dans son ouvrage intitulé Les anciens couvents de Lyon, l'Abbé Adolphe Vachet explique :
Il y a eu à Lyon cinq communautés de Bénédictines, dont nous allons nous occuper en suivant leur ordre d'importance et d'ancienneté. Ces trois abbayes sont celle de Saint-Pierre, celle de la Déserte, celle des Chazeaux, et deux prieurés, celui de Blie et celui de Saint-Benoît.
[Saint-Pierre-Les-Nonnains]
Le monastère de Saint-Pierre-et-Saint-Saturnin, — c’est son ancien nom — est un des plus anciens témoignages de la vie religieuse à Lyon, je dirais même le plus ancien, si l’historien Rubys, auquel on n’est pas tenu de croire cependant, car il est bien difficile d’admettre l’existence de couvents au temps des persécutions, ne nous disait que le monastère de Saint-Irénée, fondé en 202, l’avait précédé. [...]
Au huitième siècle, lorsque Eudes, duc d’Aquitaine, appela à lui les Maures d’Espagne, les Sarrasins se jetèrent sur les provinces méridionales, et Lyon fut saccagé ; le monastère de Saint-Pierre fut livré au pillage et détruit. L’archevêque Leydrade le releva presque entièrement, c’est lui-même qui nous l’apprend dans sa fameuse lettre à l’empereur Charlemagne : « J’ai fait rebâtir un monastère de vierges dédié à saint Pierre, dans lequel on a enseveli le saint évêque Ennemond, qui en est le fondateur. J’ai fait rebâtir l’église et la maison depuis ses fondements ; et l’on compte aujourd’hui dans ce monastère trente-deux religieuses qui y vivent régulièrement. » On croit que c’est alors qu’elles se mirent sous la règle de Saint-Benoît.
Saint Benoît fut le patriarche de la vie monastique en Occident, comme saint Antoine le fut en Orient ; c’est lui qui, sans exagération, transfigura l’Europe. À l’époque où le monde ancien était inondé des légions des barbares, saint Benoît apparut avec ses légions de moines. Il fut, comme l’appela Montalembert, le législateur du travail et de la vertu.
Mais fonda-t-il des monastères de religieuses ? Quand on se rappelle sainte Scholastique, que saint Grégoire appelle sanctimonialis, et qui habitait Piombarole, à quatre milles du mont Cassin, on est bien tenté de croire que le grand patriarche ne limita pas son zèle à fonder des monastères d’hommes. Cependant, le P. Mabillon, toujours si exact, dit qu’on n’a pas déraisons suffisantes pour l’affirmer.
Quoi qu’il en soit, il y eut, dans la suite, des âmes assez généreuses pour accepter de vivre sous la règle de Saint-Benoît, avec ou sans mitigations. Elles s’appelaient Bénédictines, et généralement leur costume était noir : robe, scapulaire et tunique.
L’époque où les religieuses de Saint-Pierre passèrent sous la règle de saint Benoît n’est pas absolument certaine. Quelques-uns pensent que le fait eut lieu dès le sixième siècle, d’autres l’attribuent à Leydrade. Dès cette époque, l’abbaye va toujours prospérant, et bientôt le roi Lothaire ajouta à tous les biens possédés par cette communauté des biens considérables situés, à ce que l’on croit, à Morancé, en Beaujolais. Dans cette charte de Lothaire, il y a une phrase curieuse ; il y est dit que le monastère de Saint-Pierre est entre le Rhône et la Saône, dans le bourg de Lyon, in burgo, pendant que le roi siège de sa personne sur la rive droite de la Saône, dans la ville de Lyon, in civitate Lugdunensi.
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[La déserte]
Si vous voulez bien vous reporter par la pensée au treizième siècle et reconstituer dans votre esprit la partie nord-ouest de notre ville, vous aurez une idée plus précise de la situation topographique de l’abbaye royale des Bénédictines de la Déserte. Le mur des fortifications est là tout auprès, vous connaissez les fossés et la porte de la Lanterne ; si vous voulez sortir de la ville, voici deux portes : celle de Saint-Vincent, au pied de la montée des Carmélites, à la hauteur de la rue Bouteille ; — si vous la franchissez, vous êtes in burgo, dans le bourg de Saint-Vincent, qui n’est plus de la ville ; — et celle de Saint-Marcel, vers la Grand’Côte, qui vous permettra d’aller dans le quartier qui va nous occuper, et qui s’appelait alors Deserta, la Déserte.
C’est qu’en effet cette portion du vieux Lugdunum, qui avait été, ainsi que nous donnent le droit de le conclure les découvertes faites dans l’ancien Jardin des Plantes, si peuplée et si animée pendant la période romaine, n’était plus qu’une vaste solitude, et la Déserte était bien son nom. Cependant l’Annuaire de 1840 dit
que ce nom vient plutôt d’une famille de Désertâ, qui était antérieurement propriétaire de cet emplacement.
C’est là qu’en l’année 1296, Blanche de Chalon, fille de Jean de Chalon, duc de Bourgogne, et veuve de Guichard IV, sire de Beaujeu et de Belleville et connétable de France, acheta de Jean Malien, citoyen de Lyon, la maison située près du Portail-Neuf appelée la Déserte, plus une vigne au delà de la porte de Saint-Paul, de l’autre côté de la Saône. Puis elle fit bâtir l’abbaye et la dota. Huit ans après, en 1304, elle fait donation, par forme de fondation, aux abbesses et religieuses du couvent de la Déserte, des maisons et possessions qu’elle y avait, soit vignes, rentes, servis et droits qu’elle exerçait sur les maisons situées rue de l’Herberie et Écorchebœuf.
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En 1503, un changement survient au couvent de Notre-Dame de la Déserte, les religieuses quittent l’habit de Sainte-Claire et, avec l’autorisation de Jules II, passent sous la règle de Saint-Benoît. Quelle en fut la raison ? On ne la trouve pas, à moins qu’on accorde quelque valeur à ce prétexte donné par l’Almanach de Lyon de 1745 « parce qu’elles avaient quitté leur ancien vêtement et pris un habit noir dans le temps qu’elles furent hors de clôture, cela leur donna lieu de se mettre sous la règle de Saint-Benoît. » Ce serait bien puéril ou bien féminin. Ces mots nous indiquent du moins qu’elles furent un temps hors de clôture, soit par l’effet de la guerre, soit par l’effet d’une générale indifférence.
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[Les Chazottes]
(1623), le monastère de Chazeaux fut transféré à Lyon, et la nouvelle abbesse — car le prieuré devint abbaye — acheta pour ce nouvel établissement, au prix de dix mille livres, une ancienne maison qui existe encore à l’angle méridional de la montée des Chazeaux et de la montée SaintBarthélémy, en face du passage du Rosaire.
Cette maison étant une maison historique, il n’est pas inutile d’en dire un mot. Elle avait appartenu à messire de Mandelot, gouverneur de Lyon. Au-dessus de la porte d’entrée, on voit encore les armoiries de Mandelot et celles de sa femme Éléonore de Robertet.
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la maison de Bellegrève, comme on l’appelait, disons que c’était une résidence charmante, construite, vers le milieu du siècle précédent par l’italien Paulin Benedicti, et ornée de peintures, de jardins et de fontaines. Henri III, passant à Lyon, en 1584, y habita et donna un bal aux dames de la cité.
C’est dans cette maison que s’installèrent, trente-cinq ans après la mort du gouverneur de Lyon, les religieuses Bénédictines de Chazeaux ; c’était le 8 avril 1623.
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Outre les trois grandes abbayes dont nous avons parlé, il y avait deux prieurés de Bénédictines, celui de Blie et celui de Saint-Benoît.
Blie est un petit village du département de l’Ain, entre Chazaysur-Ain et Loyettes. La rivière d’Ain étant autrefois la limite de la Savoie, on trouve quelquefois dans les actes Blie en Savoie. Depuis Henri IV, elle était dans la province française du Bugey. Les auteurs qui ont écrit « Blie, prieuré de Bresse », ont été dans l’erreur. Aujourd’hui il ne reste rien, à Blie, du prieuré de Bénédictines qui y exista jadis. C’est ce prieuré qui fut transféré à Lyon, en 1637, et qui conserva son nom des champs.
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Pour expliquer l’exode du prieuré de Blie, Monfalcon nous dit que le prieuré, vers 1635, était en mauvais état ; les murs, complètement dégradés, demandaient des réparations coûteuses, et il n’y avait qu’un petit nombre de religieuses. Ces conditions malheureuses firent prendre la détermination de changer de résidence, et de venir se fixer à Lyon.
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Ces religieuses habitèrent d’abord dans le quartier de Saint-Georges, mais bientôt le petit couvent s’installa à l’un des côtés de la place Louis-le-Grand, à Bellecour, non loin de la Charité, « vers les allées de Tillols » comme s’exprime Chappuzeaux. Sur le plan de Siraucourt, on voit très nettement l’emplacement du couvent de Blie : il est sur la rue du Peyrat, sur cette masse de terrain circonscrite par les rues Saint-Joseph, de la Sphère et Boissac, et pour parler un langage plus moderne, le couvent de Blie devait se trouver là où l’on a ouvert l’ancienne rue Bourbon, aujourd’hui rue Victor-Hugo. Il n’avait que seize religieuses et possédait seulement douze cents livres de rente.
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[Le prieuré de Saint-Benoît]
Une petite colonie de religieuses de l’abbaye de Saint-Pierre était allée occuper le prieuré de la Bruyère en Dombes, et plus tard elles se réunirent aux religieuses du prieuré de Blie, ainsi que nous l’avons dit dans la notice précédente. Mais, en 1654, une scission s’opéra. La sœur Charlotte de Châtillon, prieure du monastère de Blie dudit Lyon, résigna son prieuré à sœur Gabrielle Dugué, religieuse professe à l’abbaye de Saint-Pierre. Celle-ci, avec sa sœur Marie Dugué, aussi religieuse de cette abbaye, sortit de Saint-Pierre, et avec la permission des supérieurs, se retira au monastère de Blie. Cependant cette résignation, admise en cour de Rome, par promission de Mgr l’archevêque et du consentement de la dame abbesse de l’abbaye de Saint-Pierre, n’eut pas lieu. Je ne sais pour quelle raison Charlotte de Châtillon se pourvut au Parlement de Paris, et fut maintenue en son prieuré. Dès lors les dames Dugué se trouvèrent dans une situation gênante et délicate. Elles se retirèrent, et c’est alors qu’eut lieu, une sorte de scission dans cette communauté : les unes restèrent à Bellecour, les autres suivirent les dames Dugué. Elles allèrent d’abord à la montée Saint-Barthélémy demander asile au monastère des Ursulines ; puis elles habitèrent quelque temps la maison de Bel-Air, vis-à-vis de l’abbaye de Chazeaux, « et comme il est de la discipline religieuse de vivre dans un couvent de leur ordre pour observer la règle sous laquelle elles se sont soumises, après s’être longtemps consultées, elles firent dessein de fonder en cette ville un prieuré sous le vocable de saint Benoît. »
Elles achetèrent donc, en 1658, de leur patrimoine, sur le quai Saint-Vincent, au bout de la rue de la Vieille, une propriété considérable, comprenant une maison qu’Henri Florendal avait fait bâtir, et des jardins spacieux qui l’entouraient. Là, elles établirent, du consentement de l’archevêque, un monastère et y fondèrent un prieuré de l’ordre et sous la règle de saint Benoît, « résignable, et toutefois étant vacant, aux collations des seigneurs archevêques de Lyon, » privilège unique dans l’histoire de nos couvents. La construction dura quelques années, car nous savons exactement le jour de leur entrée en possession par la note suivante : « À la plus grande gloire de Dieu. — Nous sommes entrées dans notre maison du quartier de Saint-Vincent le 13 juin 1664, et le 16 d’aoust de la même année, notre église a été bénite par M. l’abbé de Saint-Just, grand-vicaire de Mgr l’archevêque de Lyon. »
Vous pouvez lire ce livre en texte intégral sur Wikisource et Gallica.
Pour plus d'information :
- L'Abbaye de Saint-Pierre de Lyon / Joseph Picot
- Histoire des Eglises et Chapelles de Lyon / MARTIN Jean Baptiste
- L'abbaye de Saint-Pierre-les-Nonnains
- L'abbaye de l’île-Barbe et l'abbaye d'Ainay
- deux précédentes réponses : Couvent bénédictines Lyon et J'aimerai en savoir plus sur l'histoire des Bénédictines de Saint-Pierre
D'autres sources sont signalées sur le site du musée du diocèse de Lyon dont ce document des Archives départementales.
Bonne journée.