Je cherche des informations sur Jules Perrot, Carlotta Grisi et Pierre-Jean Aniel
Question d'origine :
Bonjour,
Grâce aux informations que vous m'avez transmises, les recherches progressent et m'amènent à chercher des nouvelles relatives à la saison 1840-41 au Grand Théâtre de Lyon, où les danseurs Jules Perrot et Carlotta Grisi semblent y avoir travaillé.
Et aussi du maître de ballet Pierre-Jean Aniel qui travailla la saison suivante (1841-1842).
Pouvez-vous suggérer où je peux chercher, s'il existe un fonds ou quelque chose qui leur est dédié.
Je recherche également toutes sortes d'informations sur la mise en scène de Giselle dans les années 1841 et 1842 à Lyon, par exemple des annonces de spectacles, des critiques contemporaines, des livrets de mise en scène, des répétiteurs ou des descriptions de mise en scène.
Réponse du Guichet
Nous vous suggérons de premières références qu'il vous faudra approfondir
Bonjour,
Nous ne reviendrons pas dans le détail sur la carrière nationale / internationale de ces trois personnalités, les biographies de Jules Perrot (1810-1890), Carlotta Grisi (1819-1899) et Pierre-Jean Aniel (1797-1865) étant aujourd'hui largement documentées, notamment sur Wikipédia.
Concernant les carrières respectives de ces trois artistes à Lyon - activité généralement ignorée par leurs biographes -, notons que seuls Jules Perrot et Pierre-Jean Aniel appartiennent à notre ville ; le premier y est né, le second y est décédé et y a réalisé une partie de sa carrière.
Le couple Perrot-Grisi, présent sur la scène parisienne du théâtre de la Renaissance au début de l'année 1840, se produit en effet au Grand-Théâtre de Lyon suite à son engagement sur la saison 1840-1841 (dir. Adam Kisielewski). Le premier spectacle qu'il y donne est constitué par un divertissement, La Nymphe et le papillon, ballet de Jules Perrot avec Carlotta Grisi en première danseuse, monté sur la scène du Grand-Théâtre avec une première à la toute fin de mai 1840 et quelques reprises dans les premiers jours de juin. Au sujet de cette représentation, le journal lyonnais Le Censeur note ainsi :
"Il n'est aucun de vous, sans doute, qui ne connaisse déjà, ou n'ait souvent entendu parler de ce danseur au jarret si souple, à la danse horizontale, le seul homme auquel il soit permis, sans contre-sens, de porter les ailes mythologiques, le seul homme aujourd'hui de France et de Navarre qui vraiment sache danser, de M. Perrot enfin, qui d'un seul bond fend, rapide comme l'air, la vaste scène de l'Opéra, et cela sans perdre un seul instant de sa grâce et de sa légèreté. Cet homme est né danseur, comme Napoléon était né conquérant. Malheureusement la nature si prodigue envers lui de souplesse et de grâce, a peut-être été un peu avare à l'endroit de la beauté des traits ; mais qu'importe la beauté à qui possède autant d'âme dans les jambes ? Quant à la belle Carlotta Grisi, rien de plus délicieux que sa danse d'un style si originale et si naïf, danse pleine d'imprévu, d'audace, de grâce , de charme, de mille séductions enfin vraiment intraduisibles, et qu'il faut voir et sentir comme on ferait d'une fleur et de tout ce qui est type de grâce et de beau. Si vous connaissez la Psychée de Girodet, allez voir Carlotta Grisi, elle vous la rappellera. Si vous ne la connaissez pas, allez également la voir, elle vous donnera l'idée d'un tableau plein d'une suave poésie. Maintenant vous parlerai-je de la Nymphe et du Papillon, divertissement de M. Perrot ? C'est tout simplement un cadre plus ou moins anacréontique, où l'auteur parait en sylphe et sa femme en nymphe. Toute la poésie et tout le charme de la pièce sont dans les jambes, dans les pas et dans les poses du sylphe et de la nymphe ; et nous devons le dire, toute cette poésie physique a été vivement comprise et goûtée. M. et Mme Perrot ont été unanimement redemandés et couverts d'applaudissements" (Le Censeur, 2 juin 1840).
Au mois de juin 1840, le couple se produit encore dans la Tarentèle, puis dans Sylphide, ballet-pantomime déjà monté au Grand-Théâtre de Lyon au début de la même année. Par contre, nous ne trouvons plus d'informations sur leur présence à Lyon au-delà de cette date. Il semblerait que le couple ait définitivement quitté notre ville vers l'automne 1840. Quoi qu'il en soit, nous retrouvons Jules Perrot à Paris en janvier 1841, ville d'où il engage, quelques mois plus tard, une action en justice via la commission des auteurs et compositeurs dramatiques contre Pierre-Jean Aniel au sujet d'un différend portant sur un ballet représenté à Vienne (Autriche) sous le titre Le Lutin et au Grand-Théâtre de Lyon sous celui de Follet ou le fils de l'Enfer, dont l'un et l'autre s'attribuent la propriété intellectuelle exclusive.
Le passage éclair du couple Perrot-Grisi dans notre ville peut notamment s'expliquer par les évènements catastrophiques que subit la ville cette année-là. En septembre-novembre 1840, Lyon connait en effet l'une des plus importantes inondations du siècle avec celle de 1856. Elle perturba certainement l'exploitation normale de nos théâtres situés sur la presqu'île lyonnaise, elle-même complètement inondée par les débordements de la Saône. Avec les Célestins et le Grand-Théâtre, le théâtre du Gymnase de la place de la Préfecture (actuelle place des Jacobins) semble être le plus durement touché : complètement inondé, il dut en effet fermer ses portes, puis sera la proie des flammes en décembre 1840 qui amènera à sa destruction complète fin janvier 1841...
A défaut de ressources immédiatement disponibles ou numérisées sur ces années, nous vous conseillons donc, comme précédemment, de poursuivre vos recherches sur Gallica et auprès du département des arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France ou directement auprès des Archives municipales de Lyon qui pourront probablement vous orienter plus efficacement. Notez toutefois que le couple Perrot-Grisi a souvent été donné comme marié. Il n'en est rien! Cela sera d'ailleurs très justement corrigé sur la notice de Jules Perrot dans la 6e édition du Dictionnaire universel des contemporains de Gustave Rapereau, édition parue en 1895 après le décès de l'artiste.
Tout cela ne facilitera pas vos recherches car Jules Perrot ou Carlotta Grisi apparaissent indifféremment sous les noms de Mlle Grisi, Carlota Grisi, Mme Perrot-Grisi, Jules Perrot ou Perrot-Grisi, etc. Le couple avait eu une fille, Marie-Julie, née hors mariage le 8 avril 1837 à Auteuil (vue 16/51 sur ce lien) et décédée le 3 mai 1863 à Lyon 3e.
Quant à Pierre-Jean Aniel, il est en effet maître de ballet sur les saison 1841-1842 (dir. Adam Kisielewski), 1843-1844 (dir. Duplan) et 1848-1849 (dir. Legault et Bigé), puis enfin sur les deux saisons de 1851 à 1853 (dir. Delestang). D'après nos propres recherches (mais qui datent un peu), Pierre-Jean Aniel se retire - momentanément - du Grand Théâtre avec l'ouverture de la saison 1844-1845, le 20 avril 1844 (il sera remplacé sur son poste par Victor-Claude Bartholomin), ceci afin d'ouvrir un cours de danse pour particuliers, d'abord à son domicile, 1, rue Sully (Lyon 6e), à partir d'avril 1844 ; puis également 6, rue Lafont (Lyon 1er), à partir du 2 décembre de la même année. Il fait publier à cette époque et une annonce par voie de presse ainsi rédigée :
"M. Aniel, ex-maître de ballet du Grand-Théâtre, a l'honneur d'informer que lundi, 2 décembre, il ouvrira un cours de danse, rue Lafont, n.6, au 1er. Ce cours aura lieu tous les soirs, depuis huit heures et demie jusqu'à dix heures et demie pour les messieurs seulement. Les lundi, mercredi, jeudi et samedi seront consacrés à apprendre la Polka des salons par M. Cellarias, et les deux autres jours aux quadrilles et aux valses à deux et à trois temps. M. Aniel donne également des leçons en ville et chez lui, n.1, rue de Sully, aux Brotteaux" (Le Courrier de Lyon, 2 décembre 1844).
Tout en continuant ses leçons particulières de danse, Pierre-Jean Aniel ne revient sur la scène du Grand Théâtre que fort brièvement, d'abord sur la saison 1848-1849 comme maître de ballet, puis en 1850-1851 comme chef de l'école de danse, avant de finir sa carrière comme professeur de danse au lycée impérial de Lyon (attesté en 1854). Il décède le 4 janvier 1865 à Lyon 3e.
Pierre-Jean Aniel avait eu un fils, Ernest Aniel (1829-1884), professeur de lettres au lycée de Lyon depuis 1856. Ce dernier constitua une importante collection des oeuvres de Molière qu'il légua par testament à la Bibliothèque de la Comédie française. Je ne sais pas si ce don comprenait également quelques archives familiales...
Enfin, le ballet Giselle ou les Wilis fut en effet produit au Grand-Théâtre de Lyon le 13 avril 1842.
La plupart des informations communiquées ici proviennent de la presse quotidienne lyonnaise, à savoir : Le Courrier de Lyon, Le Journal du commerce de Lyon, Le Censeur et Le Salut Public, titre que vous retrouverez en ligne sur le site Lectura Plus. Vous trouverez toutes les pièces justificatives sous le lien ci-dessous: