Quelle est l'origine de la rentrée littéraire ?
Question d'origine :
Quelle est l'origine de la rentrée littéreraire ?
Réponse du Guichet

Nous ne connaissons pas avec exactitude l'origine de la rentrée littéraire et, en fonction des hypothèses évoquées, celle-ci oscille entre la fin du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle.
Bonjour,
Il est difficile de dater l’origine exacte de la rentrée littéraire et de nombreux chercheurs et chercheuses ont essayé de comprendre l’émergence et le pourquoi de cette rentrée littéraire.
En 2013, Catherine Simon dans l’article «La rentrée littéraire,une invention française» publié dans Le Monde et consultable dans son intégralité via Europresse), enquête et interroge divers protagonistes pour tenter d’en cerner l’origine:
A quand remonte-t-elle? « Dans Le Figaro, il semble que l'expression «rentrée littéraire» apparaisse en 1936, où elle est assortie de guillemets, ce qui laisse à penser qu'elle n'est pas encore d'usage courant à cette date »,avance l'universitaire Bertrand Legendre, auteur d'Entrer en littérature. Premiers romans et primo-romanciers dans les limbes(Arkhé, 2012).« Alorslà, c'estunecolle!,hésite sa jeune consoeur Sylvie Ducas, dont l'essaiLaLittérature à quel(s) prix? Histoire des prix littéraires(LaDécouverte, 240p., 22 €) paraît ces jours-ci.Sans doute remonte-t-elle aux années 1980, quand les commerciaux de la grande distribution ont fait leur entrée dans le secteur de l'édition? »Jean-Yves Mollier, auteur de L'Argent et les lettres. Histoire du capitalisme d'édition, 1880-1920(Fayard, 1988), défend une autre thèse.« L'idée de rentrée littéraire est conceptualisée par le philosophe Ernest Renan dans les années 1880. »A chacun sa version et sa pièce du puzzle...
Si la plupart des éléments qui ont contribué, sous l'impulsion des éditeurs, à la fabrication de la rentrée(les saisons et les cénacles littéraires, mais aussi les prix, en particulier le Goncourt, créé en 1903) se sont mis en place entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe,« l'emballement »qu'on connaît aujourd'hui est en revanche récent, concède Jean-Yves Mollier. Quelle que soit sa date de naissance,la rentrée littéraire française, par la ferveur qui l'accompagne, est unique au monde.
Et même si« son impact sur le marché n'est pas fondamental », c'est « comme un grand coup de lumière »,s'enthousiasme Mario Androse, l'éditeur d'Umberto Eco.
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Ce« culte », rendu annuellement« à la Littérature et, surtout, à la Littérature française»,demeure une« particularité »hexagonale, vu« surtout depuis les Etats-Unis, mais aussi depuis Londres, Berlin ou Milan »,confirme, dans un courriel au « Monde des livres »,lasociologue américaine Priscilla Parkhurst Ferguson, professeur à l'université Columbia (New York).
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C'est à«la fin des années 1990 et au début des années 2000 »,note Jean-Yves Mollier, que la rentrée d'automne - qu'elle serve à vendre des livres ou à célébrer«la Littérature »- a été marquée par une production accélérée de livres, notamment des romans.La« concurrence acharnée »entre éditeurs a conduit à cette« spirale imbécile »qui veut qu'un tombereau de plusieurs centaines de romans submerge, en l'espace de quelques semaines, journalistes et libraires, insiste le chercheur. Cette année, note cependant Erik Fitoussi,«la plupart des éditeurs ont réduit la voilure ». On retrouve, grosso modo, pour cetterentrée2013, le niveau de l'an 2000 - 555 titres, selon les chiffres du magazine Livres Hebdo.
« Qu'il y ait 550 ou 700 livres, c'est pareil,balaye Bernard Pivot, membre de l'Académie Goncourt.Larentréeressemble à une course cycliste : sur les 500 champions qui prennent le départ,une vingtaine vont réussir l'échappée. Dans cette formidable bataille, bien des injustices sont commises. Plus les armées sont nombreuses et plus il y a de cadavres... »,analyse l'inventeur d'« Apostrophes », émission phare de la télévision publique de 1975 à 1990.Une seule chose a changé, observe le chroniqueur du Journal du dimanche:« Depuis 1998, le Goncourt recrute ses lauréats exclusivement dans le «vivier» de septembre - plus jamais dans celui du printemps. »
« Bons ou mauvais, c'est aux critiques et aux lecteurs d'en décider. Mais je ne vois pas au nom de quoi on leur dénierait le qualificatif de littéraire? »,s'amuse Patrick Kéchichian, critique à La Croix et ancien du « Monde des livres ». Certains de ces titres, dits « populaires » ou « grand public », sont d'ailleurs édités à l'automne, participant de facto à la rentrée. A l'instar de L'Extraordinaire Voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea(Le Dilettante), de Romain Puertolas : cette« fable loufoque »a déjà fait l'objet de« plus de vingt contrats, signés à l'étranger »,assure Patricia Pasqualini, agent littéraire à Paris.« Un livre marrant, léger comme un téléfilm »,commente Erik Fitoussi. Pourquoi s'en offusquer?« Le but premier de la rentrée, c'est de faire lire »,rappelle Patrick Kéchichian.
Le spectre est large, du futur Goncourt aux romans « de gare », etlarentrée2013 s'annonce grosse de surprises et de pépites. Ne boudons pas ce plaisir si français! Que labagarre commence et fleurisse le talent...
La bibliothèque nationale de France consacre un dossier, «le phénomène de la rentrée littéraire» dans lequel sont mises en ligne des conférences de chercheurs et chercheuses se penchant sur la question. Ainsi, Jean-Yves Mollier, mentionné dans l’article de Catherine Simon revient sur l’origine de la rentrée littéraire et évoque diverses hypothèses, de la mise en parallèle entre rentrée théâtrale, évoquée par Mallarmé en1874 et rentrée littéraire jusqu’à l’institutionnalisation de la littérature en 1903 avec la naissance du Prix Goncourt et la mise en place progressive d’une centaine de prix.
Pour approfondir la question, nous vous laissons écouter toutes ces interventions. Par ailleurs, nous vous suggérons ces lectures qui contribueront à enrichir votre réflexion sans pour autant apporter des précisions sur l'origine de la rentrée littéraire.
La France nation littéraire / Priscilla Parkhurst Ferguson ; trad. de l'anglais par Rossano Rosi
La littérature à quel(s) prix ?: Histoire des prix littéraires / Sylvie Ducas
La corruption sentimentale. Les rentrées littéraires : essai / Maxime Benoît-Jeannin