Je cherche des informations sur l'émigration/immigration dans l'espace schengen
Question d'origine :
Quels sont les pays de l'espace schengen vers lequels émigrent/immigrent le plus de personnes détentrices de la nationalité du même espace ?
Réponse du Guichet

Les migrations intra-européennes sont peu étudiées et les chiffres sont difficiles à trouver. On peut toutefois affirmer que l'Allemagne est le principal pays d'accueil des migrations intra-européennes. Les pays de l'Est comme la Roumanie, la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie mais aussi certains pays du Sud comme l'Italie, la Grèce et l'Espagne sont les principales terres d'émigration de travailleurs européens.
Bonjour,
Un premier article explique pourquoi les statistiques de flux intra-migratoires sont difficiles à établir.
Parce que les États de l’UE sont pour la plupart membres de l’espace de libre circulation de Schengen (en 2023, les exceptions sont la Bulgarie, la Roumanie et Chypre), leurs ressortissant·es sont exempté·es de la demande d’un titre de séjour. Or, précisément, l’attribution des titres de séjour est, dans la plupart des pays, la source majeure d’information statistique pour mesurer les flux d’immigration. En France, par exemple, le fichier AGDREF (Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France) est ainsi la seule source de données utilisée pour présenter l’évolution des flux d’entrée par origine, à la fois par l’Institut national d’études démographiques (Ined) dans son article annuel de conjoncture démographique, publié dans la revue scientifique Population, et dans le rapport annuel au Parlement sur les étrangers en France, préparé par la Direction générale des étrangers en France (DGEF) du ministère de l’Intérieur.
Au grand public comme aux parlementaires, les principales publications sur l’immigration, scientifiques ou administratives, donnent donc à voir une vision tronquée des flux d’entrées, dans laquelle les Européen·nes sont quasiment absent·es. Ils en représentent pourtant une part majeure.Comment le savoir ?
C’est ce que donne à voir une série au long cours sur la distribution des titres de séjour (voir Figure 1). On y voit que, jusqu’en 2004, les Européen·nes sont incontestablement les premiers attributaires de titres de séjour en France, mais qu’ils et elles ont brutalement disparu (ou presque) des statistiques officielles de l’immigration depuis 2005.
Par ailleurs, depuis que le recensement de la population prend la forme d’enquêtes annuelles (au lieu d’opérations exhaustives pseudo-décennales), l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) est en mesure de fournir une estimation annuelle des entrées. Ces chiffres, communiqués à Eurostat, mais qui ne sont repris ni dans les chroniques démographiques de l’Ined ni dans le rapport au Parlement, confirment que les pays européens – bien qu’ayant disparu des statistiques des titres de séjour – demeurent les principaux pourvoyeurs d’immigré·es en France (Voir Figure 2).
En dépit de ce poids relatif, la libre circulation apporte relativement peu d’immigré·es à la France en comparaison des autres pays de l’Union européenne également membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), pour lesquels des estimations sont annuellement réalisées (Figure 3). La France est même l’un des pays les moins attractifs pour ses voisins. En proportion du nombre total d’immigré·es, la libre circulation apporte à l’Allemagne plus de deux fois plus d’immigré·es. En nombre, elle lui en apporte cinq fois plus (338 milliers contre 64 milliers en 2020).
source : TUCCI Ingrid, SIBLOT Yasmine, BEAUCHEMIN Cris et al., « Revisiter les migrations européennes », Hommes & Migrations, 2023/2 (n° 1341), p. 8-12.
Dans un articles quoique plus ancien, quelques orientations sont apportées :
Plutôt qu’une Europe en mouvement, l’impression qui se dégage du paysage migratoire intra-européen est celle d’une collection de flux relativement spécialisés du point de vue géographique (les pays d’Europe de l’Est et du Sud produisent les flux majoritaires, tandis que les pays d’Europe du Nord en sont les principaux destinataires) et plus encore d’un point de vue social et professionnel. Les articles rassemblés dans ce numéro rendent compte d’un certain nombre de profils précis d’Européens mobiles (étudiants Erasmus allemands en Espagne, ouvriers polonais en Grande-Bretagne, chercheurs italiens en France, etc.) qui sont à la fois la preuve que les mobilités professionnelles se jouent désormais à l’échelle européenne dans certaines branches économiques et pour certains types de compétences, et l’indice qu’au-delà de ces « figures » largement relayées dans les médias comme dans le discours public, l’horizon d’un marché européen de l’emploi reste lointain et hypothétique.
Pour autant, la crise économique que traverse la zone euro depuis 2010 est marquée par un accroissement très fort de certaines migrations, en particulier vers l’Allemagne et dans une moindre mesure vers le Royaume-Uni, et en provenance de Pologne, de Roumanie, de Bulgarie et de Hongrie, mais aussi de plus en plus en provenance d’Italie, de Grèce et d’Espagne. Cela tendrait, selon certains économistes, à signaler l’intégration progressive d’un marché de l’emploi à l’échelle de l’Union, sans que les effets économiques multiples à moyen terme (redistribution du « capital humain » au détriment de certaines régions, report de réformes nécessaires pour l’adéquation entre système de formation et marché de l’emploi à l’échelle nationale, creusement des écarts de compétitivité entre pays, etc.) ne puissent clairement être évalués.
Hérité de près de deux siècles d’histoire migratoire intra-européenne, le paysage actuel des migrations européennes de ressortissants européens est donc marqué par trois grandes caractéristiques : ces migrations sont de relativement faible ampleur, et elles se caractérisent par une grande diversité tant sur le plan géographique que sur le plan social. Enfin, elles sont paradoxalement encore relativement méconnues, ce qui laisse la place à des discours politiques et médiatiques dans lesquels la prise de position idéologique l’emporte parfois sur la présentation objective des processus migratoires.
source : Les migrations intra-européennes d’hier à aujourd’hui / Hadrien Dubucs et Stéphane Mourlane
A lire aussi, cet article de Aurore Flipo, « Les migrations de travail intra-européennes entre ruptures et continuités », Hommes & migrations, 1317-1318 | 2017, 69-77.
Nous retiendrons les chiffres publiés dans ce rapport concernant les migrations de travailleurs : Annual Report on Intra-EU Labour Mobility 2022. Il indique :
Le stock de citoyens étrangers de l’UE est resté relativement stable entre 2020 et 2021, avec environ 10,2 millions de citoyens de l’UE en âge de travailler résidant dans un pays de l’UE différent de leur pays de citoyenneté.
• La composition des migrants de l'UE par nationalité est restée globalement la même depuis 2016, les Roumains restant le groupe individuel le plus important. En 2021, un peu plus de 2 millions étaient roumains (27 %), 920 000 polonais (12 %) et 811 000 italiens (10 %).
• Plus de 40 % des migrants européens en âge de travailler (3,4 millions) résidaient en Allemagne, restant le pays de destination le plus important pour les citoyens de l'UE en 2021.
• Le Luxembourg avait la proportion la plus élevée de migrants de l'UE en proportion de leur population totale, soit 42 %, suivi de Chypre avec 14 %55.
Vous retrouverez l'ensemble des ressources sur les migrations en Europe proposées sur le portail des données migratoires : Données sur la migration en Europe.
Bonne journée.
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