Comment étaient conservés les grains à la fin du Moyen âge ?
Question d'origine :
Cher Guichet,
Je souhaiterais savoir comment étaient conservés les grains à la fin du Moyen âge (15ème siècle).
J'ai lu ici ou là que que les silos enterrés étaient encore en usage à cette période, mais est-ce que c'était la technique majoritaire ?
Quand les grains n'étaient pas stockés dans des silos, j'imagine que la céramique pouvait constituer un contenant approprié. Y en avait-il d'autres (des tissus par exemple) ?
Merci pour vos lumière !
Réponse du Guichet
La conservation des grains en silo semble avoir perdurée même au Moyen Age. D'ailleurs, elle est toujours utilisée de nos jours.
Bonjour,
Il semble que vous ayez déjà fait quelques recherches qui correspondent aux éléments que nous avons trouvé de notre côté. Les silos semblent en effet, être le moyen de stockage le plus fréquemment utilisé, et ce dès l’antiquité. A ceux-là, les Gaulois combinaient des greniers pour stocker les céréales. Des vestiges ont été retrouvés par les archéologues comme nous l’explique le site de l’INRAP:
Le grain est conservé dans deux types de structures complémentaires :
- Les silos sont de grandes fosses excavées dans le sol. Le grain y repose à l’abri de la lumière et de la chaleur en atmosphère confinée, saturée de gaz carbonique. Le grain entre en dormance ; il conserve son pouvoir germinatif et ses qualités diététiques durant plusieurs années.
- Les greniers ont l’aspect de petits bâtiments surélevés, distincts des espaces d’habitation. Au contraire du silo, le grain y est entreposé dans une ambiance ventilée ; des pelletages réguliers en assurent le séchage. Le contrôle de l’humidité et de la température empêche la prolifération des insectes, le développement de moisissures et la germination prématurée du grain.
Les Gaulois réutilisent ensuite comme poubelles les fosses-silos qui ont servi à conserver les récoltes. Une fois vidées, elles sont rapidement comblées avec toutes sortes de déchets. Parmi ces rejets d'origine domestique, on trouve parfois des graines. Ces résidus constituent des témoins privilégiés des préparations alimentaires et des activités agricoles qui se sont déroulées dans le périmètre du site.
La page Wikipedia traitant du stockage des céréales apporte aussi des informations sur la conservation de ces denrées:
En France méditerranéenne, on note un abandon massif de la pratique de l’ensilage à la fin du Ier siècle av. J.-C. qui réapparaît au IIIe siècle-IVe siècle et sera ensuite largement utilisée au haut Moyen Âge. En Espagne, le silo va être largement utilisé jusqu’au IIe siècle av. J.-C. pour disparaître presque totalement au début de l’époque impériale.
L’abandon total du silo durant le Haut-Empire tant en Gaule qu’en Espagne marque le déclin des techniques de stockage en atmosphère confinée. Ce mode de conservation apparaît de plus en plus comme un principe barbare, sans doute peu compatible avec un contrôle administratif des réserves et la consommation de pains à pâte levée dont le grain ensilé pouvait gâter le goût. Pourtant on trouve encore des exemples tardifs de grande ampleur comme le Piano delle Fosse del Grano dans les Pouilles.»
En Europe au Moyen Age, il semble que les techniques héritées de l’antiquité soient encore en vigueur. Pas de révolution donc à ce sujet, ni d’abandon d’un système de conservation des grains qui a fait ses preuves.
Le terme horreo vient du latin horreum, et désigne un grenier construit en bois ou en pierre, qui repose sur des piliers. Cet édifice séparé du reste des habitations s’utilise pour stocker tout type de produits agricoles comme le maïs, les pommes de terre ou les fèves ; on peut également y ranger divers outils agricoles.
Héritage technique de l’Empire romain, l’horreo est décrite par Varron: « D’autres enfin construisent des greniers qui sont comme suspendus. On en voit de ce modèle dans l’Espagne citérieure, et dans certaines contrées de l’Apulie. Ces greniers sont éventés non seulement des côtés par les courants qui viennent des fenêtres, mais encore par l’air qui frappe dessous en leur plancher ». L'horreo est toujours visible dans le Nord-Ouest de l’Espagne, en Navarre ainsi qu’au nord du Portugal.
Les plus anciens encore visibles datent du xve siècle et certains sont de construction récente. Il existe encore quelques rares structures analogues en France, notamment en Périgord. On trouve des équivalents presque exacts (par leur forme, mais pas nécessairement par leur fonction) de ces horrea ibériques sous la forme des greniers à riz, des meules et des gerbiers pyramidaux surélevés dans la province du Gilan, en Iran.
Cet article disponible en ligne fournit également de précieux renseignements sur la question du stockage domestique des denrées:
Dans l’habitat des villes médiévales du Sud-Ouest, comme ailleurs, les grains paraissent avoir toujours été l’un des produits le plus communément stockés.
Les inventaires dressés par les notaires l’attestent et les règlements urbains octroyant aux autorités des droits de perquisition en cas de disette ou de cherté laissent entendre qu’il était habituel que des réserves en soient constituées chez les particuliers. Ce que confirme l’archéologie, dès lors que les conditions permirent la conservation des traces de celles-ci.
Pour en revenir à la question du stockage, il en serait apparemment de même du silo excavé, structure archaïque vouée par excellence à la conservation des grains qui avoisinent presque toujours l’habitation rurale et son four. En effet, en l’état actuel des connaissances, cet aménagement n’apparaît ordinairement pas dans les horizons d’occupation des deux derniers siècles du bas Moyen Âge au sein des quartiers enserrés dans l’enceinte des très grandes villes ou des agglomérations profondément urbanisées.
La ville bipolaire de Limoges semble toutefois faire exception. Il s’y distingue effectivement deux cas témoignant, aux XIIIe-XIVe siècles, de l’usage de structures identifiées comme étant des silos à l’intérieur des enceintes. Mais, même dans cette ville, ces deux cas restent pour l’instant uniques pour le Moyen Âge final, alors que pour les périodes antérieures du haut Moyen Âge jusqu’aux X-XI siècles apparaissent, souvent en périphérie de la Cité épiscopale, plusieurs concentrations de silos.
Il en est en revanche autrement dans beaucoup de petites agglomérations ainsi que dans l’espace des faubourgs et des banlieues rurales de grandes villes. Dans les bourgs et les petites villes du Bordelais comme dans l’ensemble des pays de Gascogne, l’habitude de stocker en silo demeura souvent encore plus tardivement en usage. Dans les contrées rurales du sud-ouest aquitain, des témoignages révèlent même sa persistance jusqu’à des dates encore plus tardives. Ce qui ne saurait surprendre en raison des garanties de conservation extrêmement sûres qu’offre ce mode de stockage, notamment pour la préservation des semences de l’année à venir.
Toutefois d’une mise en œuvre à l’évidence moins aisée que celle de l’entreposage hors sol, en fûts, sacs, arches ou grenier, il n’est pas étonnant non plus que son usage soit précocement tombé en désuétude en milieu urbain. D’une part la sécurité de l’enceinte annihilait l’intérêt de sa discrétion, le silo tenant par certains côtés de la cache, caractéristique qui explique entre autres l’attachement des ruraux à son emploi jusqu’à des dates tardives. D’autre part, privilégiant une conservation à long terme, il répondait mal aux besoins des foyers qui, par choix ou contraintes, achetaient le grain au marché par petites quantités au gré de leurs nécessités.
À côté de l’évolution de la maison vers une organisation étagée, plus discrète mais néanmoins marquante, l’abandon du stockage en silo souterrain serait un témoignage des ruptures induites dans les usages domestiques dès lors qu’au sein d’une agglomération l’occupation atteignait une densité de niveau pleinement urbain.
En se référant à l’estimation donnée par les historiens de la consommation des grains pour un an, représentait environ 7 ou 8 sacs. Même dans le cas de foyers beaucoup plus larges, les quantités à entreposer pour garantir les besoins d’une ou de deux années ne formaient par conséquent jamais un volume considérable. Les stocks pouvaient donc aisément être entreposés au sein même de la maison.
En outre, le stockage pouvait également se faire suivant les maisons, dans les greniers ou les caves, dans des contenants en céramique, ou dans des coffres et fûts. Des sacs suspendus pouvaient encore être utilisés, mais la durée de conservation était alors moindre, et l’usage différent.
Ces techniques de conservation tendent à être de nouveau à la mode. Sans énergie, ni pesticides les archéologues tentent de reconstituer ce mode de stockage dans des fosses souterraines. Une solution à nos problématiques contemporaines venant du Moyen Age ? Pourquoi pas !