En quoi consistait le jeu "la bête noire" à l'époque révolutionnaire ?
Question d'origine :
Bonjour,
Je lis, dans une lettre adressée par un noble à sa femme, à l'occasion d'un déplacement, qu'avec des amis, en soirée, ils ont joué à "La bête noire".
En qui consistait ce jeu à l'époque révolutionnaire ?
Merci !
Réponse du Guichet
Un jeu de cartes avec des variantes de nom et de règles
Bonjour,
Nous avons trouvé mention du jeu de la bête, et du jeu de la bête (h)ombrée, dans deux dictionnaires du XVIIIème siècle, celui de Diderot Dictionnaire raisonné des sciences des arts et des métiers, publié pour la première fois en 1751, ainsi que l’Encyclopédie méthodique, dictionnaire des jeux, publiée en 1792.
Ce jeu connaît des variations de langage et de fonctionnement : jeu de la bête, jeu de la bête hombrée ou ombrée. Nous postulons que le jeu de la bête noire que vous évoquez se réfère à ces deux jeux, en particulier à celui de la bête ombrée (les deux adjectifs étant proches). Ces jeux sont tous deux des jeux de cartes. Autre postulat, des variations selon les régions, qui peuvent faire évoluer le nom du jeu ou même certaines règles…
L’encyclopédie méthodique ou dictionnaire des jeux définit ainsi le jeu de la bête en 1792 (page 9 à 11 en ligne) : « sorte de jeu de cartes auxquelles peuvent jouer ensemble 2, 3, 4 ou 5 personnes. On se sert de 32 cartes dont la plus haute est le Roi et la plus basse le 7. On se sert aussi de fiches et de jetons qui valent un prix convenu. […] » Le joueur qui gagne un tour emporte la mise de chacun et récupère une fiche. Nous vous laissons le soin de prendre connaissance du long développement des règles et manière de jouer.
La page suivante de l’encyclopédie (page 12) définit quant à elle le jeu de la bête ombrée. «C’est un jeu de cartes auquel on joue entre 2, 3, 4 ou 5 personnes. On se sert d’un jeu de piquet ou d’un jeu de 32 cartes dont la plus haute est le Roi et la plus basse le 7. On se sert aussi communément de jetons pour former l’enjeu, à moins qu’on ne joue aux écus. Dans ce cas-ci les écus s’emploient au lieu de jetons. L’enjeu de chaque joueur est d’un jeton, mais celui qui distribue les cartes met un jeton de plus. [S’ensuivent les tours de jeu].» La bête représente ici si nous avons bien compris une extra-mise, qui peut être raflée par un des joueurs gagnants, et qui est créée par les joueurs perdants.
Le jeu de la bête est également défini dans l’Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences des arts et des métiers, Denis Diderot 1751 volume 4, en ligne page 773.
Par ailleurs, voici les informations que vous pourrez aussi trouver en ligne, plus contemporaines :
- un site internet Photons pions et gluons, notamment dédié aux jeux de société. Vous y trouverez un long développement sur le jeu de la bête hombrée, qui pour l’auteur correspond à l’ancêtre du jeu de Bridge: « [Un] jeu traditionnel aux termes savoureux [qui] exige tout à la fois un solide sens du jeu de la carte et un certain instinct de flambeur ».
- un article en ligne de Laurent Thirouin intitulé la Marquise au jeu du Roi – Madame de Sévigné – Actes du colloque international du tricentenaire de la mort de Madame de Sévigné, 1996, Grignan, pages 249 à 264, qui commente un texte de Madame de Sévigné autour du jeu de Reversi en vogue alors.
Comme le dit l’auteur, « Les observations de Mme de Sévigné fournissent un témoignage précieux pour décrire cette forme particulière de sociabilité que constitue le jeu au XVIIe siècle, et réfléchir sur son rôle dans la société aristocratique ».
- enfin, dans l’ouvrage Jeux de l’Humanité, 5000 ans d’histoire culturelle des jeux de société , disponible à la Bibliothèque municipale de Lyon, Ulrich Schädler consacre un chapitre au jeu au tournant de la Révolution française, entre 1778 et 1815. Cette lecture permet de mesurer la diversité des jeux et leur nombre, ainsi que l’évolution sociale qu’ils accompagnent.
Bonnes lectures !