Au XIXe siècle, comment étaient enregistrées les constructions nouvelles ?
Question d'origine :
Bonjour,
Au XIXeme siècle les permis de construire tel que nous les connaissons n'existaient pas.
Au niveau de l'administration, comment étaient enregistré les construction nouvelles, un projet était-il déposé, une autorisation était elle demandée.
Merci de votre participation.
Réponse du Guichet
Si le permis de construire n'est obligatoire en France que depuis 1943, il existait auparavant quelques réglementations à respecter. L'édit du grand voyer de France du 16 décembre 1607 imposa aux constructeurs le respect du principe de l'alignement. Le premier texte faisant mention d'un permis de construire est le décret relatif aux rues de Paris du 26 mars 1852. Il impose aux Parisiens de faire une demande de « permis à bâtir » avant toute nouvelle construction. Ceci dans l'intérêt de la sécurité publique et de la salubrité de la ville. Au XIXe siècle la situation était différente dans chaque ville, certaines n'exigeant rien, d'autres imposant des "permis de bâtir" par arrêté du maire.
Bonjour,
Le permis de construire a été institué et s'est généralisé à toutes les communes de France par la loi d'urbanisme du . Il est la conséquence de la préoccupation croissante des pouvoirs publics pour le contrôle des constructions urbaines et de la volonté de mieux encadrer la libre construction sur une propriété privée.
C'est au XIXe siècle qu'apparaissent les premières lois concernant la construction et l'urbanisme. Auparavant, toute nouvelle construction devait néanmoins respecter des principes d'alignement.
Anne-Catherine Marin explique :
Le permis de construire tire son origine des préoccupations anciennes du pouvoir en matière d'aménagement des voies publiques, privilégiant des considérations architecturales et de sécurité, mais aussi de police de la salubrité, apparue au XIXe siècle.
Alignement et sécurité, salubrité, règlements communaux
• Edit d'Henri IV, 16 décembre 1607 : impose aux constructeurs de respecter les principes de l'alignement.
• Décret du 26 mars 1852, rues de Paris : tout constructeur de maisons, avant de se mettre à l'œuvre, devra demander l'alignement et le nivellement de la voie publique au devant de son terrain et s'y conformer. Il devra pareillement adresser à l'administration un plan et des coupes cotées des constructions qu'il projette et se soumettre aux prescriptions qui lui seront faites dans l'intérêt de la sécurité publique et de la salubrité.
L'article 9 prévoit que ces dispositions pourront être appliquées à toutes les villes qui en feront la demande par des décrets spéciaux [...]
• Loi du 5 avril 1884 : loi sur l'organisation municipale (article 98 : les alignements individuels, autorisations de bâtir et autres permissions de voirie sont délivrées par l'autorité compétente après avis du maire).
• Loi du 15 février 1902 : loi relative à la protection de la santé publique (article 11 : Dans les agglomérations de 20 000 habitants et au-dessus, une habitation ne peut être construite sans un permis du maire) .
La loi de 1902 prévoit l'élaboration dans chaque commune d'un règlement sanitaire [...] . Certaines communes n'ont pas attendu la loi de 1902 et ont imposé des « permis de bâtir » par arrêté du maire.
source : Marin Anne-Catherine. Le permis de construire : l'exemple de Saint-Etienne. In: La Gazette des archives, n°190-191, 2000. Les archives des architectes. pp. 291-296
Avant ces premières lois, on constate une situation assez hétérogène selon le lieu et la période concernée.
Voici ce qu'indique l'ouvrage intitulé La recherche historique en archives XVIe-XVIIe-XVIIIe siècles de Paul Delsalle en page 165 :
Le cheminement administratif est variable sous l’Ancien Régime, il semble que les autorités locales n’interviennent que dans deux cas : villes nouvelles (quartiers nouveaux, ensembles urbains nouveaux) ; alignements des façades. A Lille, dès le XVIe siècle, celui qui veut construire doit fournir aux autorités de la ville « ung grief de la forme du bastiment qu’ils prétenderont faire et de la largeur d’icelle ». Notons que l’expression « permis de construire » est fréquente dans les registres lillois au XVIIIe siècle. A Dunkerque, le propriétaire adresse au bourgmestre et aux échevins une demande, parfois accompagnée d’un plan (élévation de la façade). Les commissaires aux ouvrages de la ville se rendent sur place et donnent leur avis. Les autorités confirment.
Pour l’Ancien Régime, on décèle au moins trois types de situation :
- Les villes qui ne conservent aucun permis de construire, couvent parce que la procédure n’existait pas.
- Les villes qui conservent divers types de documents qui se rapportent aux constructions, mais qui ne sont pas des séries de permis de construire : transactions (séries BB et DD) et ordonnance générale de voirie, avec tarifs (CC).
- Les villes ayant des séries de dossiers ou de registres relatifs aux autorisations de construction : demandes d’alignement, autorisations de bâtir, registres aux visitations de maisons, registres aux permissions de bâtir et réparer, registres aux résolutions du Magistrat, registres de conclusions de l’hôtel de ville, etc. (série BB)On peut difficilement parler de « dossier » pour cette époque. Les registres ou les liasses ne contiennent que des informations brèves. En règle générale, c’est la lettre envoyée par le demandeur qui contient, en marge souvent, l’avis du technicien et le verdict des autorités. Il y a rarement un plan, qui n’est autre qu’un dessin sommaire, souvent sans mesures, de la façade. Parfois, le permis se limite à quelques lignes inscrites dans un registre.
Pour la ville de Lyon, les archives municipales semblent conserver des arrêtés d’alignement du XVIIe siècle, des permissions de voirie, des autorisations de construction neuve, et bien entendu, les permis de construire du XXe et XXIe siècle.
Nous vous conseillons de vous rendre aux archives municipales directement pour connaître l'état de leur fonds si c'est sur la ville de Lyon que vous souhaitez travailler.
C'est à partir du XVIIe siècle que les villes vont progressivement décider de régir l'urbanisme des cités, en réglementant la construction. Le respect des règles d'urbanisme passe souvent par la police, les tribunaux mais est aussi le fait de coutumes professionnelles des constructeurs. Nous vous invitons à lire dans son intégralité l'article écrit par Robert Carvais à ce sujet. En voici quelques courts extraits :
Le droit de l’urbanisme est traditionnellement un droit réglementaire dès l’Antiquité et tout au cours de l’Ancien Régime. Cependant, même si nous estimons qu’une conscience juridique s’éveille particulièrement au cours du XVIIe siècle, nous ne saurions la résumer au célèbre édit de décembre 1607 sur les attributions du grand voyer, la juridiction en matière de voirie, la police et l’alignement des rues, tant cette multiplication réglementaire est avant tout locale, d’ordre pratique, d’origines et de formes variées. Certes, la législation royale ne saurait être omise, mais elle fut en la matière presque marginale en nombre, bien qu’importante pour Paris. En dehors des nombreuses décisions judiciaires prises – bien sûr au nom du roi – sous forme de règlements et qui mériteraient une étude approfondie, en deux siècles il existe moins d’une dizaine de textes royaux principalement centrés sur des considérations d’urbanisme parisien : l’édit précédemment susvisé, la déclaration royale du 16 juin 1693 relative à l’exercice de la voirie parisienne, l’édit du roi du 18 juillet 1729 concernant les périls éminents, la déclaration du 17 mars 1780 interdisant l’exploitation des carrières sous la capitale, celle du 10 avril 1783 sur les alignements et ouvertures de rues et les lettres patentes du 25 août 1784 concernant la hauteur des maisons définie dorénavant par rapport aux largeurs des rues. [...]
La richesse des ordonnances décidées par les bureaux administrateurs des affaires de la cité ajoute aux coutumes « professionnelles » des considérations d’ordre urbanistique où le « beau » côtoie l’« ordre public » à travers les critères maintes fois répétés de « nécessité et commodité » (autorisation de façades, alignements, protection des voisins, liberté de passage des chariots et carrosses, évitement des nuisances des fumées…). Nous sommes en présence ici des voies juridiques utilisées par les autorités municipales, voire royales, dans certains cas où, dès le Moyen-Âge, la ville prend conscience de son intervention dans sa propre gestion.
La différence avec les règlements techniques de construction, dont nous parlerons plus loin, réside dans la question cruciale du partage des pouvoirs dans la cité entre les autorités urbaines générales et celles plus spécifiques des métiers du bâtiment. Ces derniers sont souvent sollicités par la ville qui leur laisse entière liberté de réglementer leur profession, mais il leur arrive d’initier le débat et de préparer seuls des réformes techniques, la ville ne servant dans ce cas – mais ce n’est pas négligeable – que d’autorité suprême, habilitant les normes pour leur application. Pourtant, souvent, la ville décide en conseil de sa propre organisation tenant tant des règles touchant les normes techniques des bâtiments, que de celles réglant les aspects décoratifs de ceux-ci, comme également, et à plus forte raison, celles touchant la gestion de la chose urbaine dans ses relations avec les habitants de la cité et ses passants. [...]La naissance du droit de l’urbanisme apparaît ainsi à l’aube du Grand siècle, lorsque naît le droit français entre la promotion du droit coutumier, les progrès de la législation royale et la fondation de la science du droit administratif pensée dès l’instauration d’un lieutenant-général de police parisien dont la compétence englobera les questions religieuses.
Cette vocation intrinsèque de la ville à s’autogérer est si développée dans le cas des villes importantes qu’elle donne lieu à la création fréquente d’institutions spécifiques urbaines et assez tôt dans le temps. « La ville, avec ses institutions souvent novatrices (…) fut un laboratoire d’où sortirent une multitude d’institutions que les États modernes devaient, par la suite, assimiler » [...]Le dernier quart du XVIIe siècle est propice à une réglementation des normes de construction qui se distingue de celle issue des statuts professionnels dans la mesure où ces derniers ne traitaient qu’épisodiquement des questions techniques mais plutôt d’organisation du métier. L’idée n’est pas uniquement parisienne. On la retrouve dans de nombreuses villes de France. Cette réglementation technique de l’art de bâtir dirige l’organisation de la cité dans la mesure où les normes qui y sont consignées déterminent la structure interne des constructions, l’apparence du bâti, mais également l’agencement externe des unités les unes par rapport aux autres, même de manière primaire. Il s’établit alors une normalisation des règles de construction mais par le biais d’un passage devant les tribunaux.
À Lyon, par exemple, le 14 décembre 1688, un règlement général concernant « les œuvres de massonnerie, pierre de taille, charpanterie, employ des matériaux pour la construction des Batimens, et Toisages de tous lesdits ouvrages » est adopté par le Consulat de la ville.
Il est la transcription en un cadre juridique des usages techniques des professions de la construction et doit servir de référence à l’avenir aux bâtisseurs : « un Règlement qui servit à l’advenir de Loy et de Regle, sous le bon plaisir de sa Majesté, pour tous ceux qui entreprendront lesdits bâtimens et constructions, et dont l’observation et execution fut appuyée de toute l’autorité du Consulat ».
source : CARVAIS Robert, « L'ancien droit de l'urbanisme et ses composantes constructive et architecturale, socle d'un nouvel « ars » urbain aux XVIIe et XVIIIe siècles. Jalons pour une histoire totale du droit de l'urbanisme », Revue d'Histoire des Sciences Humaines, 2005/1 (no 12), p. 17-54
Si le sujet vous intéresse, vous pouvez demander à consulter la thèse écrite par Elisabeth Esteban : Le permis de construire du XVIIIème siècle à nos jours
Lire aussi : Architectes et voyers sous l’Ancien régime
Bonne journée.