Quels pays dans le monde n'utilisent pas les chiffres arabes ?
Question d'origine :
Bonjour
lors d'une visite sur le calcul j'ai eu une question : est-ce que aujourd'hui il existe des pays dans le monde qui n'utilise pas les chiffres arabes ?
si oui lesquels ?
merci
Sabine
Réponse du Guichet
Notre système de numération est maintenant quasi universel : nous utilisons le système de numération décimale positionnelle. Mais certaines sociétés traditionnelles ainsi que des populations n'utilisant pas l'écrit ont adopté d'autres stratégies de comptage et de calcul.
Bonjour,
Le système de numération que nous utilisons actuellement (numération indo-arabe encore appelée arabe ou hindou-arabe), est un système décimal positionnel utilisant 10 chiffres (de 0 à 9) permettant de réaliser simplement toutes opérations arithmétiques. Il doit son nom au fait qu’il a été développé en Inde et qu’il est parvenu en Europe par l’intermédiaire des mathématiciens arabes.
[...]
La numération désigne le mode de représentation des nombres. Après une représentation matérielle avec les calculi, la représentation devient abstraite avec des chiffres vers 3000 av.J.C.
Une numération se caractérise de différentes manières :
- par le type de nombre représenté : cardinal (quantité : 25 voitures) ou ordinal (rang : je suis arrivé 1er)
- par la base utilisée : 2, 4, 8, 10, 12, 20 ,60, ….
- par le type de ‘chiffres’ utilisés : lettres, hiéroglyphes, symboles
- par le mode d’utilisation des ‘chiffres’ : numération additive, positionnelle, hybride
Classification des systèmes de numération : différents systèmes de numération ont été inventés, en des lieux et à des dates différentes, par chaque civilisation pour écrire les nombres (ces systèmes seront détaillés dans les prochains articles de la série) dans un but d’efficacité et de simplicité.
source : Il était une fois...la numération : Partie I : les origines et Partie II : les systèmes de numération
A lire aussi : l'article intitulé Il était une fois...la numération. Partie X quelques numérations 'insolites' qui mentionne quelques systèmes de numération originaux comme le Système numérique D’ni du jeu vidéo nommé "Myst", la numération Na’vi inventée pour les besoins du film Avatar de John Cameron par le linguiste américain Paul Frommer ou encore la numération des Shadoks !
Si le système de numération décimal est aujourd’hui le plus répandu dans le monde, d’autres systèmes de numération existent. Dans certaines sociétés traditionnelles, de tradition orales, ou chez les personnes analphabètes, d'autres systèmes de comptage et de calculs sont utilisés, tels que le système duodécimal (base 12) au Népal chez le peuple Chepang, le système de numération à base 27 du peuple Oksapmin de la Nouvelle-Guinée, ou encore le système vicésimal (base 20) au Bhoutan en langue dzongkha.
Lire aussi : Savez-vous compter sans système décimal ? qui en décrit bien d'autres et l'article intitulé Les principes de construction du nombre dans les langues tibeto-birmanes de Martine Mazaudon qui détaille le fonctionnement du système tibétain.
Les ethnomatématiciens étudient les rapports entre les mathématiques et la culture au sein des sociétés modernes. Nous vous invitons à consulter leurs travaux pour en savoir plus. Voici par exemple un extrait d'un article qui pourrait vous intéresser :
Les systèmes numériques
Il serait également intéressant de parler ici des différents systèmes numériques. C’est le comptage sur les mains (et les pieds) qui explique sans doute que la plupart des systèmes dans le monde ont une base 10, souvent en combinaison avec 5 et 20 (Ascher, 1998). Même à l’intérieur du système décimal qui est devenu mondial, Girodet (1996) constate des variations culturelles dans les marqueurs spécifiques (point, virgule, signes pour les opérations) et dans les diverses techniques opératoires pour additionner, soustraire, multiplier et diviser. L’auteur passe notamment en revue les traditions anglaise, française et japonaise.
Un système numérique qui a particulièrement retenu notre attention est le comptage sur les parties du corps, fréquent en Papouasie-Nouvelle-Guinée, par exemple celui des Yupno (Wassmann & Dasen, 1994) ou des Oksapmin (Saxe, 1981). Saxe (1982, 1999) avait déjà montré comment les Oksapmin ont adapté leur système, qui ne servait traditionnellement qu’à dénombrer des objets, pour pouvoir effectuer des additions et soustractions, ceci sous l’influence de l’introduction du système monétaire dans les années 1960. Plus récemment, Saxe et Esmonde (sous presse) sont retournés sur le terrain pour étudier plus avant l’influence du changement social sur les pratiques de quantification et de calcul. Ainsi, ils montrent comment l’utilisation du même terme « fu » a changé au cours des années. Il désignait tout d’abord soit « beaucoup » soit « le petit doigt de l’autre main » (l’équivalent de notre 27) ou « un homme complet », dans le système traditionnel. Sous l’influence du système monétaire, fu était ensuite utilisé pour l’équivalent de 20 (pour 20 shillings dans une livre, puis 20 pièces de 10 toea pour un billet de 2 Kina). Actuellement, le même terme est utilisé pour le double de n’importe quel chiffre désigné par une partie du corps, mais, semble-t-il, seulement quand il s’agit de compter de l’argent. Étant ainsi, en quelque sorte, en prise directe avec le changement historique, il sera intéressant de voir si fu va encore évoluer vers une multiplication indépendante du contenu.
Calculs, hasard et probabilités
Le programme de recherche le plus complet sur les calculs effectués hors de l’école est celui des « mathématiques de la rue » étudiées par l’équipe de Recife au Brésil (Nunes, Schliemann & Carraher, 1993), avec des enfants vendant des produits au marché, puis avec différents professionnels comme les contremaîtres ou pêcheurs, dont une partie est non scolarisée. Dans la même ville, nous avons aussi l’étude de Saxe (1991, 1998, 2001) avec les enfants des rues qui vendent des bonbons, une des rares à s’intéresser aux processus d’apprentissage.
source : Éducation informelle, ethnomathématiques et processus d’apprentissage / Pierre Dasen, Anahy Gajardo & Lysette Ngeng Université de Genève
Aujourd'hui certains systèmes sont utilisés en complément du système de numération décimale positionnelle comme par exemple le système chinois qui est en usage en Chine et au Japon. Il est utilisé pour écrire les chiffres en caractères, comme nous nous les écrivons en toutes lettres dans un texte. Le système romain est également en usage en Occident notamment pour les dates ou pour indiquer le nombre ordinal des siècles et des millénaires.
Quelques livres pour aller plus loin :
Histoire des nombres / Grégory Chambon
Histoire universelle des chiffres / Georges Ifrah
Mathématiques d'ailleurs : nombres, formes et jeux dans les sociétés traditionnelle / Marcia Ascher
Les mathématiques naturelles / Marc Chemillier
Quelques articles :
L’histoire des nombres de la prehistoire à aujourd’hui
Des ethnologues au pays des mathématiques / Eric Vandendriessche et Céline Petit
Bonne journée.