Question d'origine :
Bonjour,
J'aurais aimé avoir des informations sur l'Histoire du mariage civil: à quel moment est-il apparu, quels liens avec le mariage religieux, quels objectifs, etc? Merci!
Réponse du Guichet
Si l'édit de Versailles signé par Louis XVI en 1787 donne pour la première fois le pouvoir à un officier civil de prononcer un mariage, le mariage civil apparaît pour la première fois dans la loi du 20 septembre 1792.
Mais le mariage civil tel que nous le connaissons aujourd'hui est largement l'héritier du Code civil promulgué par Napoléon en 1804.
Bonjour,
Vous souhaitez en connaître plus sur l'histoire du mariage civil.
En France, l’édit de Versailles, signé par Louis XVI le 7 novembre 1787, est généralement considéré comme la première institution d’une alternative civile au mariage religieux.
Le Roi cherche ici à régler les problèmes posés par la révocation de l’édit de Nantes un siècle plus tôt, en Octobre 1685. En effet, les protestant étaient autorisés par ce texte à être mariés par les ministres de leur culte.
Or, si les fidèles sont autorisés à rester en France «en attendant qu’il plaise à Dieu de les éclairer comme les autres», les pasteurs, eux, sont censés avoir quitté le pays. Ce qui rend officiellement impossible les mariages, et crée des situations inextricables.
Voici ce qu’écrit Didier Boisson, professeur d’histoire moderne à l’Université dAngers, à ce propos dans son article La réécriture de textes de lois aux XVIIe et XVIIIe siècles. Généalogie de l’édit de Versailles de 1787:
Pour comprendre ce texte, il faut remonter à l’arrêt du conseil du 15 septembre 1685 concernant les mariages de ceux de la RPR. Cet arrêt rappelle très fortement l’arrêt du conseil du 16juin 1685 sur les baptêmes:
«Et Sa Majesté désirant aussi donner moyen à ceux des religionnaires desdits pays qui se voudront marier de le pouvoir faire commodément. Sa Majesté a ordonné et ordonne que par les mêmes ministres qui seront établis par les intendants […] les religionnaires se pourront faire marier pourvu toutefois que ce soit en présence du principal officier de justice de la résidence où demeureront et auront été établis lesdits ministres. En la célébration desquels mariages, lesdits ministres ne pourront faire aucun prêche, exhortation ni exercice de ladite RPR que ce qui est marqué dans les livres de leur discipline, ni qu’aucuns religionnaires autres que les proches parents des personnes qui seront à marier, jusqu’au 4edegré y puissent assister.»
[…]Cependant, un mois après cet arrêt du conseil, l’édit de Fontainebleau est promulgué. Ce texte ne mentionne à aucun moment une quelconque obligation d’un mariage catholique qui serait faite aux Nouveaux Convertis. Cependant, l’édit de Fontainebleau a-t-il une incidence sur l’arrêt du 15septembre? L’abroge-t-il, comme le soutiennent le conseil du roi et la plupart des historiens? Ou, si l’on suit Paul Bonifas, «l’édit révocatoire ne rend pas impossible l’exécution de l’arrêt de septembre, qui n’a pas été abrogé. Mais les protestants n’ont pas réclamé ce droit par crainte des persécutions36». Cependant, un siècle plus tard, Malesherbes prétend trouver dans l’arrêt du conseil du 15septembre 1685 la preuve que LouisXIV, «tout en révoquant l’Édit de Nantes, n’avait pas voulu rejeter les protestants hors de la nation», «argument habile, susceptible de toucher LouisXVI, hésitant et timoré37». Claude Rulhière analyse ainsi l’absence d’article sur le mariage dans l’édit de Fontainebleau:
«Le roi ne se crut pas en droit d’ordonner à des hérétiques de recevoir ce sacrement, ni à son clergé de le leur conférer; et jamais le clergé, sous ce règne, n’osa demander au roi de déclarer que le simple contrat n’auroit pas pour eux une validité suffisante. […] Mais cet édit […] ne renferme aucun règlement par lequel le législateur se soit rétracté. Cet arrêt n’étoit ni confirmé ni abrogé.»
Il faut ainsi attendre la déclaration du 13décembre 169839 pour voir inscrit dans la loi la demande de se marier dans l’Église catholique. Cette obligation est reprise dans la déclaration du 14mai 172440. Malgré ces deux textes, les réformés contractent des mariages jugés souvent illégitimes jusqu’à l’édit de Versailles de 1787 qui permet ainsi la réhabilitation de ces unions.
Comme l’indique Jean-Claude Bologne dans son Histoire du mariage en occident, «cet édit de tolérance institue une première alternative civile au mariage religieux: si le curé refuse de marier un couple, le juge pourra le faire à sa place.»
Mais ce texte, s’il est une première entaille au pouvoir de l’Église en matière d’état civil, ne correspond pas à proprement parler à la naissance du mariage civil.
Celui-ci sera mis en place à l’occasion de la loi du 20 septembre 1792, qui règlemente l’état civil des citoyens, afin de rendre effectif la constitution du 3 septembre 1791, qui affirme dans son Titre 2, article 7:
«Le pouvoir législatif établira pour tous les habitants, sans distinction, le mode par lesquels les naissances, les mariages et les décès seront constatés: et il désignera les officiers publics qui en recevrons et conserveront les actes»
Rita Hermont-Belot, directrice d'études à L'EHESS, revenait en 2016 sur le contexte de la création du mariage civil dans un article pour la revue l'Histoire. Elle y revient sur le contexte de cette loi. Les premières années de la révolution sont le théâtre d’âpres luttes entre le clergé et le pouvoir politique. Ces luttes se manifestent évidemment dans le cadre de la reconnaissance des mariages.
Jean-Claude Bologne, toujours dans son histoire du mariage en occident, l’illustre par le fait que certains prêtres refusent de reconnaitre la capacité des officiers municipaux à prendre en charge les mariages, et requièrent toujours un mariage religieux avant le mariage civil, qui n’est pas reconnu comme tel. Après la déportation des prêtres réfractaires, les mariages conclus devant les assermentés ou les officiers municipaux seront déclarés nuls par Rome, et soumis à une seconde bénédiction, qui ne sera possible qu’après le concordat de 1801, qui rétablira le mariage religieux. Mais le consulat imposera l’année suivante l’antériorité du mariage civil, toujours en vigueur aujourd’hui.
Plus étonnant, il montre aussi que le mariage civil est contesté également parmi les révolutionnaires. Certains patriotes récusent également le mariage civil, au nom d’un mariage de droit naturel. Celui-ci ne serait pas «formé par la loi, mais seulement par la volonté et l’intention des parties». Le mariage serait alors définit par ses fruits: «l’union légale mais stérile n’aura plus droit au nom de mariage si la stérilité vient d’un refus d’enfanter. En revanche, «toutes les fois que nait un enfant, la loi doit présumer qu’il y a eu intention de la part des père et mère de remplir le vœu de la nature et les obligations qui y sont attachées, conséquemment qu’il y a eu mariage, à moins que l’intention contraire ne soit vérifiée.»
Il résume ainsi le processus d’apparition du mariage civil:
«On voit donc que le mariage civil s’est définit, en fin de compte, avec beaucoup de modération entre les feux de deux thèses extrémistes, archaïques et utopiques. Il est surtout l’aboutissement logique de la philosophie du XVIIIe siècle qui avait fait passer le contrat entre deux individus avant l’institution immuable. Que celle-ci soit civile ou religieuse, elle imposait des restrictions à la liberté qui n’étaient plus acceptables.»
Le Code Napoléon construira le mariage civil sur ces bases, mais en en faisant une institution qui dépasse le simple contrat, dans la mesure où certains aspect, tels la fondation d’une famille, dépasse le couple lui-même. Il abolira notamment le divorce par consentement mutuel. Il posera en cela les principaux fondements du mariage civil actuel.
Pour en savoir plus sur les évolutions qui ont parqué cette institution pendant ces deux siècles, vous pouvez lire l'article Du mariage civil au mariage pour tous : deux siècles d’évolution, sur le site Vie publique.