Racine et Corneille ont-ils rédigé les livrets de ces ballets ?
Question d'origine :
Bonjour. Je lis dans Isa Belli, Dansons quand même, Paris, Paul Mourousy, 1949 que le ballet L'Union de l'Amour et des Arts a été écrit par Racine.
Pouvez-vous confirmer et me signaler par la même occasion si cet auteur a rédigé les livrets d'autres ballets et si Corneille en aurait fait de même ?
Merci déjà pour votre réponse.
Réponse du Guichet

Nous avons effectué une recherche sur Gallica, bibliothèque numérique de la Bibliothèque Nationale de France.
Isa Belli (1920 – 1986) que vous citez dans votre question était une historienne d'art italienne. Elle était également professeure aux universités de Cassino et de Rome. Son livre que vous évoquez «Dansons quand même» a été publié en 1949 et il ne nous a pas été possible de le consulter.
Par contre, nous avons retrouvé sur Gallica la trace du ballet "L'Union de l'Amour et des Arts" écrit par Pierre-René Lemonnier (1731-1796).
Bonjour,
Le ballet héroïque "L'Union de l'Amour et des Arts" est un ballet héroïque en 3 entrées qui a été représenté par l'Académie royale de musique le 7 septembre 1773. Pierre-René Lemonnier, l'auteur du livret, était un dramaturge et librettiste français. D’abord secrétaire du comte de Maillebois, il fut écuyer conseiller du roi, ensuite commissaire ordinaire des guerres au département de Paris, et plus tard secrétaire de l’intendance de Paris.
Vous avez raison, certains librettistes pour le ballet sont aussi poètes ou écrivains, tels que Théophile Gautier ou Jean Cocteau pour ne citer qu’eux. Ici vous trouverez une liste classée par ordre alphabétique de tous ceux qui ont écrit pour le ballet.
Concernant Jean Racine (1639 – 1699), nous n’avons trouvé aucune trace d’activité de sa part en tant que librettiste pour le ballet, ni même pour l’opéra. Peu d'adaptations de ses pièces seront faites plus tard pour l'opéra, contrairement à l’œuvre de Pierre Corneille. Dans cet extrait d'un article "Corneille et Racine à l’Opéra" de Concertclassic que vous pouvez retrouver dans son intégralité ici , on peut lire :
La dramaturgie économe - en rôles, en rebondissements, en assauts rhétoriques - de Racine se prêtait moins bien à l’adaptation lyrique que les drames politiques et tragi-comédies de Corneille , souvent tentés par le lieto fine (la «fin heureuse») réclamé par la scène italienne du Settecento. Mais cette objection n’est valable que pour certains textes de Racine; d’autres, plutôt mélodramatiques et riches d’action (Britannicus et Bajazet, notamment), auraient pu inspirer des opéras haletants. S’ils ne l’ont pas fait, c’est sans doute que le «génie» propre à Racine résistait à cet usage: ses sujets et ses personnages ne semblent pas adaptés à un autre moule que celui de la tragédie
Et pourtant, Racine s’intéressait à la musique ! On trouve dans le dictionnaire de la musique quelques traces de projets d'écriture pour la musique :
C'est seulement vers la fin de sa carrière, et en liaison avec son retour à la religion, qu'il s'est rapproché de la musique. Jusque-là, diverses tentatives d'écrire des livrets d'opéras étaient restées sans suite marquante : vers 1674, à la suite d'une brouille entre Lully et Quinault, son librettiste attitré, Madame de Montespan aurait demandé à Racine d'écrire pour le maître italien. Avec l'aide de Boileau, il aurait ainsi esquissé une Chute de Phaéton. La réconciliation de Quinault avec Lully vint enterrer le projet. En 1677, il aurait travaillé de nouveau avec Boileau sur un sujet proposé par Louis XIV. Les mêmes, en 1683, écrivent pour une fête un petit opéra, dont apparemment on n'a pas de traces. En 1685, Racine rédige pour Lully le livret, celui-là conservé, mais assez anodin, d'une cantate, l'Idylle de la paix, destinée à une cérémonie offerte à Louis XIV, dans le château de Sceaux, et qui chante les louanges de ce roi guerrier, présenté comme un pacificateur. L'Iphigénie de Racine avait été jouée en 1680 à Saint-Germain avec des interludes musicaux, mais son premier contact important avec la musique se produit quand il écrit, en 1688-89, Esther, un drame biblique pour les demoiselles de Saint-Cyr, qui le créent en janvier 1689. Il conçoit alors cette pièce sur le modèle de la tragédie grecque, réalisant un ancien projet, qui était « de lier (…) le chœur et le chant avec l'action, et d'employer à chanter les louanges du vrai Dieu cette partie du chœur que les Anciens employaient à chanter les louanges de leurs fausses divinités ». Esther comporte donc des airs et des chœurs de jeunes filles israélites, écrits pour ensemble vocal et voix solistes, et mis en musique par Jean-Baptiste Moreau, maître de musique du roi.
Ce fut le même compositeur qui devait faire la musique de la seconde pièce biblique de Racine, Athalie, écrite en 1691 pour la même destination que la première, à la demande de Madame de Maintenon. Dans la préface d'Athalie, l'auteur réaffirme son intention d'« imiter des Anciens (Grecs) cette continuité d'action qui fait que le théâtre ne demeure jamais vide », en se servant de la musique et des chœurs pour lier l'action. La pièce comporte notamment une scène de prophétie où le grand prêtre Joas, introduit par une « symphonie » de l'orchestre, prédit la ruine du Temple de Jérusalem et la venue du Sauveur. Cette scène, disait Racine, justifiait l'intervention d'interludes symphoniques par « la coutume qu'avaient plusieurs prophètes d'entrer dans leurs saints transports au son des instruments », et l'on y voit Joas lui-même inviter les instruments à jouer (« Lévites, de vos sons prêtez-moi les accords »).
En 1694, retiré de la carrière dramatique, Racine écrivit encore quatre très beaux Cantiques spirituels que Jean-Baptiste Moreau mettait en musique la même année (À la louange de la Charité, Sur le bonheur des justes et le malheur des réprouvés, Plaintes d'un chrétien, Sur les vaines occupations des gens du siècle). Louis Marchand, Michel Richard de La Lande, Pascal Collasse, et d'autres devaient après Moreau s'attaquer à ces textes très propices à la musique. Le Cantique de Jean Racine, de Gabriel Fauré, œuvre de ses débuts, utilise non pas un de ces cantiques, mais un des Hymnes traduits du bréviaire romain, écrits sans doute par Racine dans sa jeunesse à Port-Royal.
Le génie de Racine est lié à sa langue, plutôt qu'à son « dramatisme ».
Les participations de Racine pour l'opéra et pour le ballet sont plutôt retranscrites dans les livrets. Vous trouverez ci-dessous les quelques opéras marquants qui ont été inspirés par ses tragédies :
Andromaque de Sacchini (1761) et celle de Paisiello (1797)
Hippolyte et Aricie : premier opéra de Jean-Philippe Rameau (1683 – 1764) sur un livret de L'abbé Simon-Joseph Pellegrin (1663-1745) d'après la tragédie «Phèdre»
l'Athalie de Gossec (1791), et celle de Boieldieu (1810)
Bérénice de Piccinni (1765)
Britannicus de Graun (1751)
Esther de Haendel (1720) et une adaptation de Darius Milhaud (Esther de Carpentras, 1937)
Mithridate de Porpora (1730) puis de Graun (1750) et Mozart (1770).
Le ballet Phèdre de Georges Auric (1950), sur un argument de Jean Cocteau d'après Racine
Les Plaideurs de Félicien Wolff (1913 -2012)
Pierre Corneille (1606 –1684) n’a pas directement écrit pour l’opéra ou le ballet. On a par contre adapté nombre de ses pièces de théâtre à l’opéra : Le Cid, Médée et Jason, Polyeucte, Andromède …
C’est son frère Thomas Corneille (1625 -1709) qui exerçait le métier de librettiste. Ses trois livrets d’opéra "Psyché" (1678), "Bellérophon" (1679) et "Médée" (1693) font de lui, avec Philippe Quinault et Jean Galbert de Campistron, un des plus importants librettistes français du 17e siècle.
Nous espérons vous avoir aidé dans vos recherches et nous vous remercions pour votre confiance.
A bientôt !
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