Pourquoi les gardes nationaux ont-ils tiré sur les canuts en 1831 ?
Question d'origine :
Pourquoi, en 1831, à Lyon, la Garde Nationale, était composé autant de canuts que de négociants ? Etait-ce considéré comme une armée ? Pourquoi ont-ils tirés sur les canuts le 21 novembre 1831 ?
Réponse du Guichet

La garde nationale à Lyon comme en France est avant tout constituée de citoyens actifs, c’est-à-dire ceux qui payent suffisamment d’impôts pour pouvoir voter et donc pouvoir se payer l’équipement requis.
Par ailleurs, la garde nationale s'est rangée aux côtés des canuts et a permis leur victoire.
Bonjour,
Nous avons déjà abordé cet épisode dans diverses réponses dont Révolte des canuts. Elles ne répondent pas directement à votre demande mais présentent des sources susceptibles de vous intéresser.
Concernant la garde nationale, le Dictionnaire histoire de Lyon explique :
La garde nationale n’est pas propre à Lyon, elle a fonctionné en France de 1789 à 1871, sauf pendant la période allant de 1827 à 1830. Jusqu’en 1848, excepté durant la période 1792-1795, elle ne comprend que les seuls citoyens actifs, c’est-à-dire ceux qui payent suffisamment d’impôts pour pouvoir voter et donc pouvoir se payer l’équipement requis.
L'article publié sur Wikipedia confirme cela :
Le but de l'institution était de réunir les hommes les plus intéressés par le maintien de l'ordre et les propriétaires territoriaux ou les industriels. Seuls étaient admis au service ordinaire ceux qui pouvaient s'armer, s'habiller et s'équiper. Ils étaient peu nombreux.
Le rôle de la garde nationale est également détaillé par Annie Crépin dans La Garde nationale entre nation et peuple en armes.
Par ailleurs, les différentes sources montrent clairement que si la garde nationale a dans un premier temps tiré elle a très rapidement pris cause pour les canuts et permis leur victoire.
Ferdinand Rude évoque ainsi dans Les révoltes des canuts (1831-1834) :
Dès le matin du lundi 21, des groupes normaux se forment à la Croix-Rousse (...) Aussitôt avertie, l’autorité croit suffisant, pour disperser les attroupements d’envoyer un petit détachement de la 1ere légion de la garde nationale. Malheureusement, cette légion comptait beaucoup de fabricants, et il y en avait plusieurs dans leur détachement. Leur présence paraît une insupportable provocation aux ouvriers. Bernard et Charnier écriront plus tard dans leur Rapport présenté à M. le président du conseil des ministres par deux chefs d’atelier:
" Il ne fallait pas justement choisir, pour doubler les postes et faire police, cette 1ère légion de la garde nationale composée en partie de fabricants. On mettait ainsi en présence deux ennemis dont le moindre geste pouvait être mal interprété … "
Des sarcasmes aux insultes, des insultes aux coups, la bagarre n’est pas longue à naître (…) mais ces escarmouches ont exaspéré et encouragé les ouvriers. Certains chefs d’atelier appartiennent à la garde nationale. Il n’est donc pas difficile d’avoir des fusils: les canuts commencent à s’armer.
(…) sur ordre du comte Roguet, commandant de la garnison, et qui malade, s’est fait transporter à l’hôtel de ville, les soldats ouvrent le feu sur les ouvriers placés en sentinelle au haut de la Grande Côté.
L'auteur précise alors que
La garde nationale n’a presque pas répondu à la convocation qui lui a été adressée. Des gardes nationaux ont même donné leur fusil et leurs cartouches en secret aux insurgés. Mieux, ceux de la Croix-Rousse sont passés en grande parte dans les rangs des canuts. Ceux-ci désarment sans coup férir plusieurs postes de grades nationaux et même de troupe …
Il note "la défection de la presque totalité de la garde nationale, dont une partie adhéra même au mouvement" et relate alors que le roi, face à cette situation pris une décision :
Par un décret en date du 28 novembre, il a prononcé la dissolution de la garde nationale à Lyon et l’a invitée à rendre ses armes et à se disperser au fur et à mesure qu’elle sera remplacée par la troupe de ligne. La garde nationale a été en effet le gros souci de l’autorité centrale qui attendait d’elle tout autre chose.. (...) leur défection permit le succès de la révolte. Sans cette attitude de la garde nationale, la supériorité numérique des ouvriers n’eut pas compensé, en face de forces plus importantes, leur manque d'organisation et l’insuffisance de leur armement.
Dans La révolte des canuts, Maurice Moissonnier rapporte les dires de Bouvier Dumolart à Casimir Périer :
Je n’ai pas été compris; toutes mes prévisions en sont que trop justifiées, le sang a coulé à Lyon. Des provocations imprudentes de quelques fabricants ont fait commencer les hostilités à sept heures ce matin. Plusieurs postes de 25 hommes de gardes nationaux et d’un même nombre de soldats de la ligne ont été désarmés. Les deux bataillons de gardes nationaux de la Croix-Rousse , composés en grande majorité d’ouvriers, étaient dans les rangs des perturbateurs …