Puis-je illustrer un faire part de décès avec une image du Petit Prince ?
Question d'origine :
Je souhaiterais faire figurer sur un faire-part de décès une image du Petit Prince.
Est-possible ? Si oui , Y-at-il des droits d'auteur et combien?
Merci de votre réponse
Réponse du Guichet
En France des droits d'auteur s'appliquent à l’œuvre de Saint-Exupéry jusqu'en 2032. Les illustrations originales de l’œuvre ont aussi été déposées en tant que marque et sont par conséquent protégées. Heureusement l'exception de copie privée vous permet d'utiliser la reproduction de tout ou partie de l’œuvre dans un contexte privé.
Bonjour,
Vous retrouverez en détail toutes les modalités légales protégeant en France l’œuvre d'Antoine de Saint-Exupéry dans cette précédente réponse du Guichet du Savoir. En voici un petit récapitulatif qui vous permettra d'en comprendre la complexité :
Alors que le Petit Prince est tombé dans le domaine public dans de nombreux pays du monde le 1er janvier 2015, l’œuvre est toujours protégée dans l’hexagone jusqu'en 2032. Deux dérogations prolongent les droits patrimoniaux de l’œuvre. Elles se basent sur l'ancienne durée légale de 50 ans post mortem auctoris (70 ans depuis 1997) :
L'auteur est "mort pour la France" (abattu en combat aérien le 31 juillet 1944), ce qui prolonge de 30 ans la durée de protection de l’œuvre.
Un délai d'exploitation des œuvres s'applique en France pour celles ayant subies les dommages économiques d'une ou des deux guerres mondiales. Il est de 8 années supplémentaires pour celles publiées entre le 1er janvier 1921 et le 31 décembre 1947 inclus. Total : 50 + 30 + 8 = 88 ans soit 2032.
Deuxième difficulté, les illustrations du Petit Prince ont été déposées en tant que marques. L’œuvre aura beau tomber dans le domaine public, son exploitation ne sera pas totale et demeurera protégée. Une fois enregistré en tant que marque, les ayants droits peuvent en renouveler la protection tous les 10 ans, sans aucune limite. Ce qui pose question quant à l'idée même de domaine public. Voir ces articles de Liberation et de Capital sur la marque "Petit Prince".
Voilà pour ce petit préambule général qui, il faut l'avouer, ne donne pas tellement envie de prendre à la légère l'utilisation du texte ou des illustrations de cette œuvre ultra protégée. Nous vous rappelons que toute utilisation à des fins commerciales de l’œuvre ou de l'image du Petit Prince sans autorisation des titulaires de la marque est à exclure (Chapitre III - Code la propriété intellectuelle).
Mais fort heureusement cette protection trouve des exceptions dans le droit français. Il existe notamment une exception de copie privée consacrée à l’article L.122-5 du Code de Propriété Intellectuelle, selon lequel :
Lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire : Les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, à l’exception des copies des œuvres d’art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l’œuvre originale a été créée et des copies d’un logiciel autres que la copie de sauvegarde établie dans les conditions prévues au II de l’article L.122-6-1 ainsi que des copies ou reproductions d’une base de données électronique.
Tout repose donc sur cette notion "d'usage privé du copiste non destiné à une utilisation collective". Heureusement la jurisprudence a tranché en 2005 (Portail droit & technologies - Le régime de l’exception de la copie privée en droit français) en délimitant notamment les cercles privés et professionnels :
Selon la jurisprudence, la copie est privée lorsqu’elle bénéficie au cercle de la famille, entendu comme un groupe restreint de personnes qui ont entre elles des liens d’amitié ou de famille (CA Montpellier 10 mars 2005). (...).
Au vu de cette définition, la copie privée n’est pas destinée à un public étendu comme étant composé d’un nombre indéterminé de personnes, lorsque l’usage est professionnel il échappe à ce cercle de famille et il est impossible de qualifier la copie de privée (Cass 1ere civ. 20 janv. 1969).
L'utilisation de l’œuvre de Saint-Exupéry devrait donc être possible dans le cadre d'un faire-part de décès. Si vraiment vous ne souhaitez prendre aucun risque, nous vous conseillons de vous adresser directement aux ayant-droits de l’aviateur afin de solliciter leur accord.
Bonne journée,