Quels étaient les modes de scrutin municipal à Lyon entre 1870 et la loi PLM de 1982 ?
Question d'origine :
Quels étaient les modes de scrutin municipal à Lyon entre 1870 et la loi PLM de 1982 ?
Cher GDS,
Les médias parlent depuis la fin de l'année 2023 du souhait du président Macron de mettre fin au mode de vote par arrondissement à Paris, Lyon et Marseille, instauré par la loi PLM de 1982 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_PLM
Plusieurs députés ont déposé une proposition de loi dans ce sens :
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b1962_proposition-loi
Ces trois articles du Monde permettent d'illustrer le contexte :
- « La seule chose que je veux pour Paris, c’est qu’un électeur puisse avoir les mêmes droits et compter autant à Paris qu’à Amiens, à Besançon, ou ailleurs, a repris Emmanuel Macron, mardi. Et donc que le gouvernement et le Parlement puissent décider d’une réforme en profondeur de la loi “Paris-Lyon-Marseille” pour revenir au droit commun. »
- La loi dite « PLM » (pour Paris, Lyon, Marseille) de 1982 a créé neuf arrondissements dans la capitale des Gaules.
Expression pour le moins surprenante, puisque Lyon a eu 5 arrondissements dès 1852, nombre régulièrement augmenté ensuite, pour atteindre 9 en 1964.
Mais que signifie "revenir au droit commun" ? A t-on jamais voté à Lyon pour les élections municipales autrement que par arrondissements, y compris avant la loi PLM ?
Les maires de Lyon élus depuis la création des arrondissements, en 1852, et avant la loi PLM, en 1983, sont relativement peu nombreux (7 en 113 ans) :
- Hénon en 1870
- Barodet en 1872
- Gailleton en 1884 (nommé par le gouvernement en 1881). Elu en 1888, réélu en 1892, 1896.
- Augagneur en 1900. Réélu en 1904.
- Herriot en 1908 (élu après démission d'Augagneur en 1905). Réélu en 1912, 1919, 1925, 1929, 1935, 1945, 1947, 1953
- Pradel en 1959 (élu après décès d'Herriot en 1957). Réélu en 1965, 1971
- F. Collomb en 1977 (élu après décès de Pradel en 1976)
Une première recherche dans deux ouvrages de la Documentation régionale donne quelques indices sur leur mode d'élection.
24 maires de Lyon pour deux siècles d'histoire
https://catalogue.bm-lyon.fr/ark:/75584/pf0000601680.locale=fr
- p. 178 : en 1892, Augagneur conduisait une liste dans le 2e arrondissement
- p. 180 : en 1896, Gailleton se présentait dans le 1er arrondissement
- pp. 181-182 : en 1904, Gailleton conduisait une liste dans le 2e arrondissement
- p. 196 : en 1908, la SFIO présentait ses listes dans tous les arrondissements
- p. 196 : en 1919, mention d'élections par arrondissement
- pp. 197-198 : en 1925, mention d'élections par arrondissement
- p. 200 : en 1931, élection partielle d'un seul candidat, suite au décès de Richerand
- p. 215 : en 1959 "on changea la loi électorale pour une élection par arrondissement, avec interdiction de servir du nom du leader pour mener une liste", d'où l'invention du célèbre sigle P.R.A.D.E.L (Pour la Réalisation Active Des Espérances Lyonnaises)
7 maires de Lyon depuis 1900
https://catalogue.bm-lyon.fr/ark:/75584/pf0001899225.locale=fr
- p. 11 : en 1900, Augagneur emporte tous les arrondissements
- p. 67 : en 1959, une loi électorale tente de barrer la route du succès à Pradel, en imposant l'élection par arrondissement
- p. 67 : en 1965, Pradel enlève tous les arrondissements
- p. 68 : en 1971, Pradel gagne tous les arrondissements
Des sondages dans Le Progrès numérisé sur Gallica montrent également des élections par arrondissements en 1884 et 1908, par exemple : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bd6t5978708x/
La loi n° 64-620 du 27 juin 1964 relative à l’élection des conseillers municipaux des communes de plus de 30.000 habitants, chapitre Ier, article 2, indique que :
- "Les membres des conseils municipaux de Paris, de Lyon et de Marseille sont élus par secteur.
Le nombre des secteurs et le nombre des conseillers à élire dans chaque secteur sont déterminés par le tableau annexé à la présente loi."
Pour Lyon, les secteurs correspondent aux arrondissements, le 5e étant divisé en deux secteurs, dans l'attente de la création du 9e, 12 août 1964.
Ma question est donc : quels étaient les modes de scrutin municipal à Lyon entre 1870 et la loi PLM de 1982 ? Et quels textes ont défini ces modes ?
Je ne suis pas particulièrement pressé et la recherche peut être longue : peu importe si la réponse m'arrive au delà du délai habituel de 72 heures.
Si la recherche nécessite l'usage de périodiques, on trouvera les dates des différentes élections municipales en cliquant sur les liens de cette page :
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lections_municipales_en_France#Scrutins
Merci d'avance.
Réponse du Guichet
La vie politique lyonnaise semble être ponctuée de rebondissements. Nous vous en donnons un bref aperçu mais il vous faudra poursuivre les recherches.
Cher Alain,
Votre interrogation nécessitera de vous plonger dans les revues du XIXe siècle et de vous armer de patience.
Pour rebondir sur vos écrits, il nous semble important, dans un premier temps, de revenir sur la création des arrondissements. Pour ce faire, nous nous appuierons sur une précédente réponse, le plateau du 5e arrondissement :
La création des arrondissements de Lyon est allée de pair avec l'intégration de communes voisines. L'augmentation du nombre d'habitants de certains des arrondissements de base a contraint à des partitions. Voici les étapes de la progression jusqu'à aujourd'hui :
Le premier découpage de Lyon en arrondissements a été décidé en 1852. Le 1er arrdt a été constitué par la partie septentrionale de la ville (pentes de la Croix-Rousse, Terreaux, Tolozan), le 2e par la partie méridionale (l'essentiel de la Presqu'île); la commune de la Guillotière, alors tout récemment rattachée à Lyon, est devenue le 3e arrdt; la Croix-Rousse, le 4e; l'ancienne commune de Vaise et la partie ouest de Lyon, le 5e.
En 1867, la partie Nord du 3e arrdt a été amputée pour devenir le 6e (le 3e arrdt avait fini par rassembler plus de 100000 hbts); en 1895, le Parc de la Tête d'Or (jusque-là partie villeurbannaise) a été rattaché au 6e.
En 1912, la partie Sud du 3e est devenue le 7e arrdt. En 1959, à l'initiative de Louis Pradel, la partie Est du 7e a constitué le 8e arrdt.
Enfin, en 1964, la partie Nord du 5e, ainsi que la commune de St-Rambert-L'Ile-Barbe (entre-temps rattachée à Lyon), forment le 9e arrdt
Le site des archives municipales de Lyon précise les dates de créations des arrondissements et les textes rattachés dont le Bulletin des lois.
Pour ce qui est du mode de scrutin, nous trouvons de premiers éléments de réponse dans l'ouvrage de Justine Tentoni, Gouverner Lyon et ses faubourgs : l'organisation des élites municipales lyonnaises de 1830 à 1870 :
Elle cite notamment le quotidien lyonnais Le précurseur du 29 octobre 1831, consultable aux Archives départementales à la côte PER 703,4 qui
invite les citoyens actifs de la ville à prendre part aux premières élections municipales organisées depuis la révolution française. En mettant en place des élections municipales au suffrage censitaire élargi (droit de vote conditionné au paiement d'un impôt soit 200 francs pour être électeur), la monarchie de Juillet répond d'abord à un engagement révolutionnaire (...) après quelques mois d'hésitations, la loi organique du 21 mars 1831 règle la nouvelle vie locale de la monarchie orléaniste, permettant à un nombre inédit de citoyens de prendre part à la désignation des conseillers municipaux ... en l’absence de campagne électorale ou de liste de candidats; le scrutin a lieu selon un mode uninominal par section électorale. A Lyon, 40 conseillers doivent être élus parmi la liste des électeurs censitaires et des capacités [les capacités renvoient aux personnes qui ne paient pas le cens suffisant pour être électeurs, mais ont tout de même accès au vote grâce à leur statut].
(...) Le visage des administrateurs des faubourgs, communes indépendantes jusqu'au début de l'année 1852, ne diffère pourtant pas vraiment de lui de la ville-centre (Lyon) dans les années 1830 et 1840 : les élites locales - notamment de second rang - y trouvent aussi une place de choix. En 1848, le suffrage universel menace directement la domination notabiliare sur ces différents espaces. La possibilité pour chacun d'obtenir un mandat électif à la mairie se traduit dans les faits par une recomposition des conseils municipaux durant les débuts de la Deuxième République où, pour la première fois, des chefs d'atelier ou de simples ouvriers siègent aux côtés de la bourgeoisie lyonnaise (...) La reprise en main rapide du pouvoir bonapartiste, dès la deuxième année de la République, se traduit dans les faubourgs comme à Lyon par des dissolutions multiples des conseils municipaux et aboutit finalement, en parralèle à l'instauration du Second Empire, à u conseil municipal unique dès mars 1852, résultant de l'intégration à marche forcée des trois faubourgs à la ville de Lyon, dont les membres sont nommés par le pouvoir central.
(...) Le Second Empire montre rapidement une volonté de reprise en main des pouvoir locaux : à l'échelle nationale, le suffrage universelle est maintenu pour les élections locales,mais l'article 57 marque le retour de la nomination des maires qui peuvent être choisis en dehors du conseil élu.
(..;) A Lyon, comme à Paris, c'est de l'ensemble du droit de suffrage que sont privés les électeurs : à partir du rattachement des faubourgs à la ville en mars 1852, les quatre conseils municipaux sont supprimés, remplacés par une commission municipale unique (qui reprend à partir de 1855 la dénomination de conseil municipal) (..° Lyon est, avec Paris, la seule ville de France qui sous el Second Empire est administrée à l'échelle préfectorale : le suffrage universel lors des élections municipales est confisqué au profit d'une institution dirigée par un homme du pouvoir, le préfet, qui gère une équipe dont les membres sont nommés par lui et dont le pouvoir est, par là même, relativement limité ...
Nous vous laissons poursuivre cette lecture que vous pourrez compléter par l'identité politique de Lyon : entre violences collectives et mémoire des élites, 1786-1905 et Incarner Lyon et ses faubourgs Le parcours des élites municipales lyonnaises de 1830 à 1870.
Vous pourriez aussi vous tourner du côté des ouvrages anciens :
Les élections de 1863 mémoire pour servir à l'histoire contemporaine par Victor Pierre, 1863.
Le mouvement antijacobin et antiparisien à Lyon et dans le Rhône-et-Loire en 1793, 29 mai-15 août
Volume 2 par C. Riffaterre, 1928.
Bonnes recherches,