Que soignait-on à "l'institut orthopédique et pneumatique du Dr Pravaz" ?
Question d'origine :
Que soignait-on à "l'institut orthopédique et pneumatique du Dr Pravaz", qui se situait au 38 quai des Étroits (quai Jean Jacques Rousseau), et dont il ne reste qu'une porte murée et un parc à l'abandon ?
Réponse du Guichet
Préfigurant la kinésithérapie, le Dr. Pravaz, dans son institut, utilisait la rééducation fonctionnelle pour soigner les maladies de l'appareil locomoteur (l'orthopédie). Le « pneumatique » dans le nom de son institut fait sans doute référence à l'usage dans ces méthodes de « bains d'air comprimé », utilisé en particulier dans le traitement de la « phtisie ».
Le Docteur Pravaz
Dans son index biographique, La médecine à Lyon des origines à nos jours fournit la notice suivante pour le Dr. Pravaz :
Pravaz Charles-Gabriel, 1791-1853, Fondateur de l'institut orthopédique et pneumatique de Lyon (1835-1853), Inventeur de la seringue hypodermique (1853) qui, dans son modeste institut orthopédique réduisit, le premier au monde, les luxations congénitales de la hanche, réputées alors incurables.
Pravaz, aujourd'hui un peu oublié, fut un pionnier dans le traitement des maladies de l'appareil locomoteur. Il fut notamment le premier à soigner la luxation congénitale de la hanche, à l'époque réputée incurable. Son modeste institut quai des Étroits établit l'orthopédie médicale en France, et ses travaux inspirèrent largement ses collègues. Malgré ses innovations, et la reconnaissance de ses collègues Lyonnais, le Dr. Pravaz finit sa vie dans la solitude.
Un précurseur lyonnais méconnu
Dans une récente conférence, le Professeur Gabriel Despierres évoquait la biographie de Charles Gabriel Pravaz. Plus connu comme concepteur de la seringue qui porte son nom et l'invention de l'aiguille creusé à injection, il naquit en 1791 à Pont-de-Bauvoisin. En 1833, il publie un ouvrage intitulé De la gymnastique appliquée au traitement de quelques maladies notamment les déviations vertébrales. Il ouvre en 1835 à Lyon, dans le quartier de Fontanières, l’Institut Orthopédique et Pneumatique de Bellevue. Poursuivant ses conceptions thérapeutiques, il y traite les scolioses sur un lit orthopédique mobilisable par l’action du patient, réduit les luxations congénitales de hanche par tractions douces, immobilisation suivie d'exercices de pédalage couché sur une «machine locomotive». Il met au point d’ingénieux appareils dont le musée d'Histoire de la Médecine conserve les maquettes originales.
Âprement controversées à son époque, stigmatisées par Dupuytren, les initiatives et les méthodes de Pravaz tombent dans l’oubli; avec le recul des années, on peut cependant affirmer qu’elles préfiguraient notre moderne kinésithérapie.
( Ibid., p.208)
Il ne fut pas un officiel, c'est-à-dire qu'il ne travailla ni à l'Hôtel-Dieu, ni à la Charité et qu'il n’appartint pas à l’École Préparatoire de Médecine. Il vivait un peu en solitaire dans sa clinique orthopédique située non loin du Confluent de la Mulatière. À son actif, on doit mettre la création, non pas de la seringue à injections, comme on le dit souvent, mais de l'aiguille creuse, sans laquelle la seringue ne serait rien, et surtout la création de l’orthopédie médicale à Lyon et même en France, réalisant les premières réductions de luxation congénitale de la hanche, contre l’avis de Dupuytren. Il était membre de la Société de Médecine et tous ses collègues l’appréciaient fort, le soutenant contre ses confrères parisiens ou montpelliérains qui ne lui pardonnaient pas ses découvertes.
( Ibid., p.110)
Avant de venir à Lyon en 1836, Pravaz à Paris étudie les scolioses (gymnastique, diététique) dans un opuscule de 1827. Quelques années plus tard à Montpellier, Delpech, qui a créé un établissement hospitalier de même type que celui de Pravaz, publia un traité dont les principales idées sont puisées dans le mémoire de Pravaz qui se consola de ce plagiat : «je dois me féliciter de ce que les considérations répandues dans mon opuscule aient paru d’une telle justesse à Monsieur Delpech, que s’identifiant avec elles il ait fini par les regarder comme sa propriété!» Pravaz est connu car le premier il a réduit de manière orthopédique et progressive des luxations congénitales de la hanche. Dupuytren en 1826 avait conclu à l'incurabilité de cette affection, alors que Duval, Lafond, Humbert, avaient fait des tentatives. Pravaz avant 1833 avait pratiqué des autopsies soigneuses : Pravaz comprit comment après la réduction, le cotyle primitivement insuffisant peut devenir capable de retenir la tête comme une cavité normale.
Pravaz malgré ses découvertes de la seringue et de l’aiguille creuse, la création de son Institut privé d’orthopédie, ses études sur la scoliose et la réduction réussie de luxation congénitale de hanche, finit sa vie isolé.
( Ibid., p.414)
Les bains d'air comprimé
Le Dr Pravaz est l'auteur de nombreux traités en rapport avec l'exercice de la médecine orthopédique. Au milieu d'ouvrages tels que Institut orthopédique et pneumatique de Lyon : pour le traitement des difformités de la taille et des membres, des luxations congénitales du fémur, des surdités catarrhales, etc ou Méthode nouvelle pour le traitement des déviations de la colonne vertébrale . précédée d'un examen critique des divers moyens employés par les orthopédistes modernes, on trouve un Essai sur l'emploi médical de l'air comprimé (Gallica), un Mémoire sur l'emploi du bain d'air comprimé associé à la gymnastique dans le traitement du rachitisme, des affections strumeuses ou encore un Mémoire sur l'emploi de la compression au moyen de l'air condensé, dans les hydarthroses, et sur la possibilité de réduire certaines luxations spontanées de la hanche, dont la lecture devrait vous renseigner sur le détail des méthodes orthopédiques utilisées par l'institut du Dr. Pravaz, et l'introduction de l'air comprimé dans ces méthodes par le biais des «bains pneumatiques» - consistant à affecter le système respiratoire et la circulation sanguine, en procédant à une modification de la pression athmosphérique, au moyen d'un appareil de sa fabrication. Le récit suivant évoque la guérison d'une jeune patiente atteinte de phtisie (avant que cette maladie ne soit associée à la tuberculose, les symptômes de cette pseudo-maladie se manifestant par un fort affaiblissement physique, il n'était pas incongrue qu'une malade qui en était atteinte fut confié au Dr. Pravaz ) par des bains d'air comprimé :
Au mois de décembre 1835, un médecin distingué de Lyon, M. le docteur Trolliet, qui connaissait par quels moyens hygiéniques je secondais le traitement mécanique des jeunes sujets affectés de déviation de l’épine , fit confier à mes soins une jeune personne de treize ans, appartenant à sa clientèle, moins pour être traitée dans mon établissement d’une légère déformation de la taille, que pour y recevoir des soins prophylactiques impérieusement exigés par ses antécédents héréditaires, la faiblesse de sa constitution et une habitude de fluxion vers les organes thoraciques qui la retenait au lit chaque année pendant la durée presque entière de l’hiver. Sa maigreur, la conformation et l’étroitesse de sa poitrine présageaient trop quel sort lui était réservé, si l’on ne parvenait à arrêter l’invasion ou les progrès imminents d’une affection à laquelle plusieurs de ses ascendants avaient succombé ; elle fut soumise à l’entrainement hygiénique, tel que je l’ai indiqué plus haut.
Au bout de quatre mois, sous l’influence d’exercices gymnastiques modérés, répétés fréquemment, de frictions rubéfiantes, d’un régime diététique substantiel, mais soigneusement proportionné aux forces digestives, sa santé s’était notablement améliorée. La conformation extérieure avait profité de l’heureux changement apporté dans l’ensemble de l’économie. Je ne vis pas dés-lors d’inconvénient à ce que le traitement fit suspendu pendant la belle saison, pourvu qu’il fut repris à l’entrée de l’hiver. Mlle M... sortit de mon établissement le 29 avril 1836, passa l’été et l’automne à la campagne, et fut rendue à mes soins le 2 décembre de la même année.
Ayant médité attentivement à cette époque le rapport de M. Magendie sur les effets physiologiques de l’air condensé, observés dans les expériences de M. Junod, je conçus la pensée d’essayer ce moyen pour aider à la guérison de ma jeune malade, que des liens de parenté me rendaient particulièrement intéressante. J’espérais qu'une respiration plus substantielle favoriserait la nutrition languissante et pourrait activer directement l’hématose, dont l’imperfection me paraissait constituer l’imminence de la phtisie tuberculeuse. Je fis construire à cet effet un appareil de petite dimension, beaucoup moins dispendieux que celui auquel j’ai été obligé de recourir plus tard lorsque la médication pneumatique a pris une extension plus grande dans ma pratique.
Après m’être soumis moi-même a l’action de l’air condensé, non-seulement sans inconvénients, mais encore avec succès, pour dissiper une légère congestion céphalique, je fis administrer chaque jour à la jeune valétudinaire deux bains d’air comprimé, sous la pression de 25 à 30 centimètres de mercure, d’un quart d’heure de durée. Le résultat ne démentit point l’espoir que j’avais fondé sur ce nouveau moyen ; au bout de quelques jours la malade en ressentit les plus heureux effets.
Elle sortait chaque fois du bain d’air avec le sentiment d’un surcroit de force et de vie. Son appétit se développa avec une telle intensité qu’on fut obligé de tenir à sa portée, pendant la nuit, un potage au bouillon de bœuf, qu’elle prenait lorsqu’elle était réveillée par la sensation de la faim. Malgré sa disposition antérieure à s’enrhumer, elle seule, entre toutes ses compagnes, échappa à l'épidémie de grippe qui a régné en 1837.
J’ai d’autant plus de raison de rapporter à l’inspiration de l’air condensé cette résistance de l’organisme à l'influence épidémique, que j’ai pu, à l'aide du bain pneumatique, faire disparaitre très promptement chez d’autres sujets, ainsi qu'on le verra plus loin, l'état de prostration et d’anorexie opiniâtre qui succède si souvent à la grippe.
source : Essai sur l'emploi médical de l'air comprimé, p.120
Sur le processus de guérison apportée par ces bains :
Ce cas fournit des données importantes sur l’un des modes par lesquels l'air comprimé peut agir utilement pour la guérison de la phtisie, lorsque l’altération organique du poumon n’est pas trop avancée. On voit en effet, la circulation artérielle se ralentir immédiatement à un point remarquable sous l’influence de la condensation de l'air. Cet état de sédation ne se maintient pas à la vérité au même degré, lorsqu'on revient à la pression ordinaire, mais chaque jour, il a une tendance progressive à ramener le pouls d’une manière permanente vers son rythme normal.
J’insisterai tout-à-l ’heure sur la haute portée de cette modification physiologique, en ce qui concerne le traitement de la phtisie, mais je ferai observer d’abord qu’elle est subordonnée physiquement à une condition qu'il est heureusement facile de remplir avec un peu d’attention; savoir la mesure du degré de pression qui convient le mieux à chaque cas.
source : Ibid. p.146
Sans rapport avec ces bains, mais témoignant de l'inventivité du Dr. Pravaz (illustration issue de La médecine à Lyon des origines à nos jours, p.208) :
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