Quels sont les impacts écologiques du soutien d'étiage en été et en hiver ?
Question d'origine :
Bonjour,
A-t-on des informations scientifiques sur les impacts écologiques du soutien d'étiage, en été et en hiver ?
Merci !
Réponse du Guichet
Petit tour d'horizon en quelques documents des différentes conséquences environnementales et biologiques liées aux altérations hydrauliques provoquées par le soutien d'étiage et les retenues d'eau.
Bonjour,
Le soutien d'étiage est l'action d'augmenter le débit d'un cours d'eau en période d'étiage (débit minimum d'un cours d'eau calculé pour une période) à partir d'un ouvrage hydraulique (barrage réservoir ou transfert par gravité ou pompage) (Glossaire Eau et Biodiversité d'après le Ministère chargé de l'environnement et l'OFB).
Explication : A partir d'un barrage ou d'une retenue, le soutien d'étiage consiste à ajouter au débit naturel trop faible d'un cours d'eau (en raison d'une sécheresse pas exemple) un débit supplémentaire obtenu en déstockant l'eau accumulée en période de pluie.
Cela permettrait une gestion plus équilibrée de la ressource et garantirait la pérennité des différents usages de l'eau pour l'activité humaine : eau potable, agriculture, industrie ou activités de loisir. Mais cette modification sur courant alternatif du régime hydraulique pourrait aussi avoir des conséquences sur la faune et la flore aquatique. Elles ne sont pas pléthoriques, mais en voici une très intéressante :
Impact cumulé des retenues d’eau sur le milieu aquatique. Expertise scientifique collective (HAL Open Science, Synthèse du rapport, 2016) : composé en réponse aux réformes engagées par la loi Grenelle 2 sur le volume de prélèvement des eaux et la modification des études d'impact des infrastructures associées. Les altérations hydrauliques et leurs conséquences, positives ou négatives, sont documentées à la p.64 dans un tableau reprenant les conclusions de Poff et Zimmerman en 2010. Ce tableau se présente comme une méta-étude, synthèse d'une centaine d'articles scientifiques. Quelques exemples de ce qui est observé dans le tableau :
Une plus grande amplitude des débits extrêmes haut et/ou bas entrainerait sur les organismes aquatiques une perturbation des cycles de vie, une réduction de la richesse en espèces dont une perte notable d'espèces sensibles.
Une augmentation de la variabilité du débit causerait sur les plantes ripariennes (relatives à la rive d'une rivière) une diminution de leur survie, de leur germination et de leur croissance.
Et voici l'une des conclusions d'appoint au tableau, qui s'oppose au constat du Comité français des barrages et des réservoirs :
Des travaux suggèrent notamment que les impacts écologiques sont plus particulièrement prégnants lorsque la retenue conduit à une désynchronisation du régime hydrologique par rapport au régime naturel notamment vis-à-vis des périodes de hautes eaux et de basses eaux, les nouvelles conditions hydrologiques ne permettant pas aux espèces de clore leur cycle biologique dans des conditions satisfaisantes. A cet égard, les retenues gérées pour le soutien d’étiage, qui sont généralement considérées comme bénéfiques pour le fonctionnement écologique des cours d’eau dans la mesure où elles atténuent la sévérité des étiages, peuvent générer des impacts non négligeables sur les compartiments biologiques. Le maintien artificiel de hauts débits estivaux se révèle néfaste à la reproduction des poissons et au développement des jeunes stades de poissons.
Des conséquences négatives de la modification de la saisonnalité des débits générée par des retenues ont également été observées sur les populations d’amphibiens via la dégradation de leurs conditions de reproduction, comme par exemple chez la grenouille nord-américaine Rana boylii.
Ces retenues peuvent également avoir un impact thermique sur le cours d'eau en aval, impact généralement proportionnel à la taille de la retenue ou du barrage :
En aval des retenues, les poissons et les macro-invertébrés sont les plus impactés par les modifications thermiques mais de manière très variable selon le type de retenue et son mode de gestion. En général, pour les petites retenues ou pour les plus grandes retenues, lorsque ce sont les eaux de surface qui sont restituées, on constate un réchauffement printanier et estival du cours d’eau qui génère des impacts conséquents sur les communautés biotiques telles que la disparition locale d’espèces d’eaux froides (salmonidés et cottidés), la colonisation par les espèces thermophiles, et l’altération des cycles biologiques en lien avec les modifications du régime thermique.
Sans aborder frontalement l'impact des techniques de soutien d'étiage, cette étude collective Débits écologiques, la place des modèles d'habitat hydraulique également publiée en 2016 traite en partie des conséquences des variations hydrauliques sur les écosystèmes environnants. L'étiage d'une rivière peut notamment avoir des conséquences majeures sur la composition chimique de l'eau (p. 18).
L'interview de Christian Amblard pour Reporterre : Les retenues d'eau aggravent la sécheresse et la vulnérabilité de l'agriculture pourrait aussi vous intéresser, extrait :
Là où l’eau est la plus utile, c’est quand elle est dans les sols. En Espagne, où de nombreuses retenues ont été construites, toutes les études montrent qu’en définitive, les barrages aggravent la sécheresse, en favorisant l’évaporation, et parce qu’ils entretiennent l’idée qu’on est dans un système où l’eau est abondante. Résultat, cela ne pousse pas les agriculteurs à une utilisation rationnelle, économe de la ressource.
Or, un réseau hydrographique qui s’assèche, c’est tout un écosystème, puis tout un climat local qui s’en retrouvent modifiés. C’est un début de désertification en quelque sorte.
Cette article de La Dépêche sur les enjeux du débit de l'eau de la Garonne vous sera aussi instructif.
En vous souhaitant de bonnes lectures,
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