Question d'origine :
Bonjour,
Je souhaiterais me documenter sur le génocide cambodgien.
Auriez-vous des pistes de recherche concernant:
• D'éventuels spécialistes Francophones ou anglophones des conflits ayant eu lieu dans la région au XXe siècle ainsi que leurs publications (qui traiteraient par exemple de la façon comment les populations asiatiques ont vécu la seconde guerre mondiale, la guerre d'indochine puis le génocide)
• La mémoire des victimes de ces génocides, qui se sont exilés en occident.
• Quel(s) regard(s) avaient les populations des pays d'accueil sur les difficultés rencontrées par ces exilés?
Dans une autre mesure, je serais également intéressée par la question de la transmission aux générations futures. Comment se transmet la mémoire dans les familles déracinées (Cambodge ou non) ? Avez-vous en tête des récits de personnes racontant le vécu de leurs parents ou aïeuls par devoir de mémoire ou cherchant à s'y reconnecter?
Merci d'avance pour votre aide, en espérant que ma dernière interrogation est suffisamment claire.
Réponse du Guichet
Il existe de nombreux écrits d'historiens et spécialistes sur le génocide au Cambodge, ainsi que des témoignages de réfugié-e-s et œuvres de descendant-e-s, dont vous trouverez les références dans notre réponse qui ne saurait être exhaustive.
Bonjour,
Dans la mesure où nous avons un temps limité pour répondre et où vous posez quatre questions en une, nous avons circonscrit notre réponse en nous concentrant sur le génocide au Cambodge (vous parlez des «populations asiatiques» et de «ces» génocides mais il est difficile de savoir à quoi vous faites référence) et sur la France comme pays d’accueil (cela nécessiterait plus de temps de chercher des renseignements sur d’autres pays). La France comme ancienne puissance coloniale a en effet accueilli beaucoup de réfugié-e-s cambodgien-ne-s (le pays qui en accueillit le plus est cependant les États-Unis).
Au préalable, il est important de signaler que la question est complexe et les débats sont nombreux concernant la qualification des crimes commis au Cambodge par les Khmers rouges. En effet, différentes populations ont été ciblées, d’une part les minorités vietnamienne, chinoise et musulmane (Cham) mais aussi catholique, d’autre part les personnes khmers exerçants des professions jugées trop «intellectuelles» ou des activités «occidentales» contraires aux principes «révolutionnaires» khmers. Si les premières ont été visées pour leur appartenance ethnique et/ou religieuse, les deuxièmes l’ont été pour des raisons politiques. Ainsi les spécialistes et juristes, distinguent d’un côté de «véritables» génocides (selon la définition internationale), de l’autre des crimes de guerre ou crimes contre l’humanité. Certains estiment cependant que la convergence de ces différents crimes justifie l’appellation de génocide (au singulier) pour leur ensemble. C’est en 2018 que « la Chambre de première instance des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) a condamné deux anciens dirigeants khmers rouges, Nuon Chea et Khieu Samphân, à la réclusion criminelle à perpétuité pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Pour la première fois, cette juridiction internationalisée reconnaît l’existence d’un génocide à l’encontre de deux groupes: les Chams et les Vietnamiens vivant au Cambodge. Cette décision historique fait enfin la lumière sur les crimes orchestrés par l’entreprise criminelle commune constituée de l’ensemble des membres du régime totalitaire de Pol Pot, tout en apportant une juste réparation aux victimes.» dans Justice et vérité sur le génocide cambodgien de Marie Nicolas-Gréciano
Nous avons de nombreux documents à la bibliothèque sur le génocide cambodgien dans notre rayon sur l’histoire du Cambodge. Parmi les spécialistes sur le sujet, nous pouvons citer Ben Kierman (historien américain) et ses deux ouvrages traduits en français : Le génocide au Cambodge, 1975-1979 : race, idéologie et pouvoir et Khmers rouges ! matériaux pour l'histoire du communisme au Cambodge. Il y a également Henri Locard notamment auteur de Pourquoi les Khmers rouges, ou encore David Porter Chandler (historien américain) auteur de S-21 ou Le crime impuni des Khmers rouges.
« La mémoire des victimes » du génocide est présente dans de nombreux témoignages, le plus connu des auteurs étant Rithy Panh. Il a écrit plusieurs ouvrages (La paix avec les morts ou L'élimination ou La machine khmère rouge : Monti Santésok S-21) et réalisé de nombreux films dont le célèbre L’image manquante ou encore Les tombeaux sans noms, Exil, S21 : la machine de mort khmère rouge et La France est notre patrie (qui interroge le lien entre la France et le Cambodge). L’œuvre de Rithy Panh à la bibliothèque
Voici d’autres témoignages de victimes pour beaucoup exilées en France :
deux ouvrages de Pin Yathay L'Utopie meurtrière : un rescapé du génocide cambodgien témoigne et Tu vivras, mon fils
Rescapé malgré moi : Il m'a sauvé du génocide cambodgien / Koeun Path
Jeunesse brisée : chroniques de Borng Tha sous le Kampuchea démocratique / Sathavy Kim
Revenue de l'enfer : quatre ans dans les camps Khmers rouges / Claire Ly
Dans l'enfer de Tuol Sleng : l'inquisition khmère rouge en mots et en tableaux / Vann Nath
Apocalypse Khmère / Somanos Sar
L'enfer khmer rouge : une enfance au Cambodge / Malay Phcar, Yves Guiheneuf
Concernant le "regard des pays d’accueil sur les difficultés rencontrées par les exilés", vous pouvez consulter cet ouvrage Les réfugiés du Mékong : Cambodgiens, Laotiens et Vietnamiens en France de Karine Meslin. Comme il est dit dans le résumé: «Ces nouveaux arrivants ont bénéficié d'un a priori positif, lié à l'émotion provoquée par les images de leurs fragiles bateaux.». De la même auteure, cet article Accueil des boat people : une mobilisation politique atypique analyse la particularité de l’accueil des réfugié-e-s de cette région dans un contexte migratoire de fermeture.
Cependant, il semble que pendant longtemps, le gouvernement et une partie des intellectuels français (notamment les maoïstes tels Alain Badiou...) aient minimisé l’ampleur de la catastrophe et le fait qu’il s’agisse d’un génocide. Longtemps, le terme d’«autogénocide» a été utilisé (initié par Jean Lacouture), mais lorsqu’il a été démontré le caractère racial et religieux de certains crimes, le terme a disparu, remplacé par celui de génocide. Voir : Le Cambodge des Khmers rouges : la mémoire des survivants face aux impératifs géopolitiques
En France, le 17 avril (date à laquelle les Khmers étaient entrés dans Phnom Penh en 1975) 2018, une stèle a été érigée à la mémoire des victimes du génocide dans le 13e arrondissement de Paris dans le parc de Choisy. Voir : Choisy : une stèle inaugurée pour rendre hommage aux victimes du génocide des Khmers Rouges et Un mémorial pour les victimes des Khmers rouges inauguré à Paris
Sur cette question de l’accueil fait aux exilé-e-s en France, vous pouvez lire ces articles et ouvrages :
Les familles cambodgiennes en France : histoires de vie et reconstruction /Stéphanie Nann
Les Cambodgiens en France, entre l’image et la réalité /Stéphanie Nann
Cambodgiens, Laotiens, Vietnamiens de France : regard sur leur intégration / Claude Gilles
Enfin sur la question de la "transmission aux générations futures", voici quelques articles que vous pouvez lire ou références d’ouvrages :
Entre retour au pays et visite des lieux de mémoire : le tourisme des Cambodgiens de France, Julia Ponrouch : il aborde le cas de la deuxième génération qui visite les lieux de mémoire
Générations post-réfugiées, Les descendants de réfugiés d’Asie du Sud-Est en France, Khatharya UM, Hélène Le Bail
Cet article Seine-et-Marne : ces enfants de refugiés cambodgiens cherchent à reconstituer leur passé évoque le projet Fragments #KH50 porté par l’association Fragmentis Vitae Asia récemment créée par des descendant-e-s de réfugié-e-s pour reconstituer la mémoire collective.
Réfugiés en France, ils ont fui le génocide des Khmers rouges au Cambodge
Deux œuvres parmi d’autres d’enfants de réfugié-e-s :
une bande dessinée : L'année du lièvre de Tian (en 3 volumes)
un film : Funan [D.V.D.] / réal. & scénario de Denis Do inspiré de l’histoire de sa mère
Concernant la guerre d’Indochine, vous pouvez consulter les ouvrages d’Ivan Cadeau, de Hugues Tertrais et ceux de Philippe Franchini.
Pour une vision plus globale de la situation en Asie durant ces périodes, vous pouvez vous référez à L'Asie Pacifique au 20e siècle de Hugues Tertrais
Bonne lecture.
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