Pourquoi les doudous les plus courants sont les lapins ou les oursons ?
Question d'origine :
Bonjour,
J'aimerais savoir pourquoi les doudous les plus courants sont des lapins ou des oursons.
Pourquoi les autres animaux ont moins la côte ?
Merci pour vos recherches !
Réponse du Guichet
Notre réponse porte avant tout sur pourquoi l'ours en peluche connaît un tel succès...
Bonjour,
Toutes les études montrent effectivement que l'ours en peluche est plébiscité du plus grand nombre.
Aussi, pour comprendre cet engouement, nous reviendrons sur l’apparition de l’ours en peluche :
Les premières peluches apparaissent, l’ours en étant la figure la plus emblématique. Apparu concomitamment, en 1903, en Allemagne et aux États-Unis (le Teddy Bear), il reste, dans un premier temps, d’allure sauvage, avant de présenter, dans l’entre-deux-guerres, ses premières rondeurs, représentatives du transfert affectif dont il peut être l’objet, reconnu par les psychanalystes.
Source : Michel Manson, Hélène Meyer-Roudet Hélène, « Histoire de la culture enfantine à travers le jouet », Enfances & Psy, 2020/1 (N° 85), p. 25-34.
L’ours en peluche semble particulièrement apprécié dans le cadre d’un transfert affectif et il faut donc chercher du côté de la psychanalyse pour comprendre l’engouement qui lui est porté.
L’ouvrage Sous la peau de l'ours l'humanité et les ursidés : approche interdisciplinaire (2017) dont nous présentons des extraits explique le principe de transfert, à l’origine du succès de l’ours en peluche :
Dans les années 1940, l’ours est à son apogée et s’impose comme le jouet par excellence pour les petits. De nombreux fabricants de poupées se reconvertissent dans la création d’ours en peluche. Les petits garçons reçoivent de préférence en cadeau un personnage de la nature, un ourson, alors que les petites filles reçoivent une poupée …
Une étude commentée par le Nouvel observateur du 11 octobre 2013 montre que l’ours reste, plus d’un siècle après son apparition, la star des ventes parmi les animaux en peluche, et qu’ensuite arrive le lapin, puis curieusement l’hippopotame. La couleur de l’ours en peluche est indifférente, ce qui importe est son aspect humanoïde. Il ne doit être ni trop petit ni trop grand. Ses bras doivent être articulés afin de permettre à l’enfant d’assouvir son besoin d’embrassement et de possession. Sa bouille doit être aimable, souriante et ses yeux vif. De surcroît, plus il est velu, plus grand est son succès.
Les jouets donnés aux enfants, peluches en particulier, ont été interprétés en 1951 par le psychiatre et psychanalyste Donald W. Winnicott, comme des objets transitionnels. Un objet transitionnel est un objet matériel donné au bébé ou au jeune enfant qui sera adopté à partir du quatrième mois notamment pour l’endormissement. Cet objet d’attachement que peut-être le « nounours » ets bien transitionnel en ce sens qu’il ne fait pas corps avec l’enfant mais n’es pas non plus totalement en dehors de lui.
(…) certains auteurs de contes pour enfants, tel Solotareff et Nadja, perçoivent bien ce dédoublement de l’enfant projeté sur l’ours (…) dans un conte intitulé « Otto, autobiographie d’un ours en peluche », l’auteur va jusqu’à considérer l’ours comme un double, non plus seulement de l’enfant mais également de l’adulte.
(…= en effet, de l’animal sauvage initial, l’ours devient un animal de foire dominé par l’homme, répondant aux attentes de ce dernier, perdant progressivement sa sauvagerie, et finissant par se retrouver le compagnon docile auprès du petit d’homme sous forme de peluche. ON peut voir dans ce changement progressif du statut de l’ours, le symbole d’une socialisation que l’enfant devra lui-même acquérir pour s’insérer dans le monde des adultes ; non pas qu’il doive perdre sa nature profonde mais il doit apprendre à la dompter en devenant à son tour grand et fort ! D’autres animaux peluches peuvent jouer ce rôle tel le chien, le lapin, le singe … mais aucun d’entre eux n’a une identification aussi forte que l’ours dans l’imaginaire humain.
Comme nous l’avons vu, dans les sociétés qui le connaissent l’ours a accompagné l’homme d’une façon ou d’une autre, à tel point qu’il occupe une place de choix dans le bestiaire de l’inconscient collectif. Sa position est d’y être le Double symbolique de l’homme. Si l’on observe l’ours en peluche, on est frappé par le peu de précision apporté à ses traits. En effet, la représentation de ce plantigrade proche de l’homme par sa position assise, sa bipédie, ses traits de caractères, son côté balourd tel un petit enfant, est volontairement sommaire. Il est une figure anthropomorphique symbolisant un être humain archétypal, un « système ouvert » dans lequel il est plus facile de déposer ses fantasmes que sur une représentation plus réaliste.
L’adulte, en donnant une peluche d’ourson à se petit, confie son Double animalier à l’univers de l’enfant …
Dans Aujourd’hui France du 19 février 2023, Frédéric Mouchon présente « les pouvoirs magiques du nounours et évoque notamment l’étude de chercheurs français (des scientifiques des universités Paul-Valéry de Montpellier, d'Aix-Marseille, du CNRS, de l'IRD et de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité) ayant tenté de comprendre l’engouement porté à l’ours en peluche :
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Leur publication scientifique vient de paraître dans la revue internationale de psychologie « Journal of Positive Psychology ». Dans le cadre d'un projet de science participative, ils ont interrogé un millier de participants âgés de 3 à 72 ans sur les rapports qu'ils entretenaient ou entretiennent encore avec la peluche de leur enfance et étudié les caractéristiques morphologiques de centaines d'ours en peluche.
Pourquoi l'ours en particulier et pas un chaton, un singe ou une licorne ? « Parce que, parmi les 85 % de Français qui ont eu un doudou quand ils étaient enfants (selon une étude réalisée auprès de 12 000 personnes), 35 % ont eu des ours en peluche, explique Nicolas Mouquet, directeur du Centre de synthèse et d'analyse sur la biodiversité à la Fondation pour la recherche sur la biodiversité. C'est le roi des peluches. La plus répandue et la plus vendue. »
« Perdre Pimpou aurait été un vrai drame »
« Près d'un adulte sur deux aurait même conservé la peluche de son enfance », indique Anne-Sophie Tribot, responsable de l'étude et chercheuse à l'université Aix-Marseille. D'après les résultats de leur enquête, le lien émotionnel qu'une personne partage avec son ours en peluche préféré joue un rôle bien plus important dans le réconfort que n'importe quelle autre caractéristique.
« En d'autres termes : le nounours le plus réconfortant, c'est le mien ! » soulignent les chercheurs. « Pour les petits, le nounours rassure face à certains stress comme la séparation avec les parents à la crèche par exemple, détaille Anne-Sophie Tribot. Il permet de passer des caps difficiles. C'est à la fois un ami, un frère, une soeur. »
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Mais pourquoi les petits fondent-ils plus volontiers pour des ours ? « Parce que ce sont des mammifères qui ont des émotions, qui se tiennent droit comme nous et parce que c'est plus facile d'aimer un ours polaire qu'un moustique, explique Thierry Brassac, responsable du service de culture scientifique à l'université de Montpellier. Il n'existe d'ailleurs pas de peluche représentant un insecte ou une plante. »
Un rôle thérapeutique ?
Dans le cadre de leur étude, les scientifiques ont toutefois noté qu'il y avait ours... et ours. Au-delà de l'attachement à leur propre peluche, les participants se sont vu présenter d'autres ours et devaient noter son « pouvoir de réconfort ». Résultat : « Nous avons tendance à préférer les grands nounours, faciles à manipuler, doux, à l'odeur agréable et plaisants au regard », résument les chercheurs.
« Quand les premiers nounours ont été inventés, au début du siècle dernier, ils avaient souvent une bosse sur le dos, un museau long, étaient durs au toucher car remplis de paille, rembobine Thierry Brassac. Au fil du temps, on les a rendus plus mignons, en arrondissant leurs yeux et en agrandissant leur tête pour les faire ressembler à des bébés ours. »
« Ce travail suggère une forme de prédictibilité de leur pouvoir réconfortant qui pourrait permettre d'en élargir la liste des usages, par exemple à l'école, à l'hôpital, au travail, durant des négociations ou en situation de crise », estiment les chercheurs. « Quand des enfants sont confrontés à la maladie, on sait que les faire patienter dans une salle d'attente avec un ours en peluche permet de dédramatiser l'examen clinique », souligne la chercheuse en psychologie Nathalie Blanc.
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Les conclusions de cette recherche sont aussi présentés dans 20 minutes, Sud Ouest et Le Point.
Bonne journée,