Que fait la garde nationale lors de la restauration et du second empire ?
Question d'origine :
Cher guichet,
En quoi consiste exactement l'activité de la Garde nationale que ce soit sous la Restauration, ou sous le Second Empire (tous les hommes de 25 à 50 ans)?
Réponse du Guichet
La garde nationale, dont l'existence durera un siècle, a connu de multiples variations dans ses attributions, même si elle était principalement destinée au maintien de l'ordre et de la tranquillité publique. Les régimes politiques ont passé, la garde s'est maintenue, a périclité, s'est renouvelée. Voici des repères pour mieux comprendre son périmètre et ses activités durant la période allant de 1815 à 1871... Le tout agrémenté de quelques références qui vous permettront d'approfondir le sujet.
La garde nationale est créée en juillet 1789. Sur l’Encyclopédie Universalis, l'historien Jean Tulard rappelle que c’est par le décret du 14 octobre 1791 que l’obligation de service dans la garde est instaurée, pour les « citoyens actifs de 18 à 60 ans ». L’institution est au départ limitée à Paris. Une ordonnance de Juillet 1816 stipule que la garde est « une obligation pour tous les français de 20 à 60 ans, imposés ou fils d’imposés aux contributions directes. Les listes de gardes sont constituées par les conseils de recensements, qui différencient le contrôle ordinaire et le contrôle de réserve, le premier concerne les citoyens aisés et le second les citoyens pour qui le service est une charge et ne peut être requis qu’exceptionnellement. Au service ordinaire sont appelés ceux qui ont les moyens de supporter les frais d’habillement et d’armement, et qui disposent de temps, soit des hommes aisés, ce qui donne à la garde son caractère de milice bourgeoise ». (source: franchearchives.gouv.fr). C’est en septembre 1818 qu’elle est étendue à l’ensemble du territoire français ; mais, ajoute Tulard, « son recrutement reste limité aux contribuables les plus imposés ».
L’historienne Mathilde Larrère, dans un article pour la Vie des idées, rappelle le caractère fluctuant du rôle et des perceptions attachés à cette institution : « elle est une force de l’ordre, essentiellement chargée de la tranquillité publique, armée et en uniforme, mais non soldée, non professionnelle, et sous autorité civile. Sur le siècle de son existence (1789-1871), elle a connu des flux et des reflux, des organisations différentes selon les régimes, parfois d’un côté de la barricade, parfois de l’autre, ouvrant ou fermant ses rangs aux ouvriers et paysans, centrale ou marginale dans la vie politique ».
Ainsi, le rapport entre les pouvoirs qui se succèdent au XIXe siècle et la garde nationale est pour le moins ambigu. Dans un article du magazine Histoire, Mathilde Larrère analyse ces relations complexes :
« La garde nationale perdure tout au long du siècle. Elle renaît dans les périodes de guerres, de révolutions, de changements de régime. Sa renaissance apparaît souvent comme un réflexe de défense devant l'ampleur du danger ou la vacance du pouvoir, que ce soit face aux armées ennemies, en 1814 ou en 1870, ou lors des révolutions, en1830 et 1848. Les candidats affluent alors, et forment des compagnies dans toutes les communes de France. Au réflexe de défense s'ajoute bientôt l'enthousiasme pour le nouvel ordre politique. En 1814, quand la monarchie est restaurée, en 1830, au début de la monarchie de Juillet, ou encore en 1848, à l'avènement de la IIe République, de nombreux citoyens s'inscrivent dans les rangs de la milice, manifestant ainsi leur soutien aux nouveaux régimes. Mais les pouvoirs, une fois rétablis, légalisés et légitimés, préfèrent s'appuyer sur des forces de l'ordre professionnelles, plus sûres : ils s'appliquent rapidement à limiter cette institution populaire, que beaucoup de gardes quittent d'ailleurs d'eux-mêmes, le danger et l'euphorie passés, pour retourner vaquer à leurs activités quotidiennes ».
Lors de la Seconde Restauration :
Jean Tulard rappelle qu’entre 1815 et 1830, La monarchie restaurée s'appuie sur elle contre une armée soupçonnée de bonapartisme jusqu'à la guerre d'Espagne en 1823. Pendant la Restauration, c’est surtout à Paris que l’utilité de la garde semble décisive pour le pouvoir.
L’ouvrage de Louis Girard, la Garde Nationale (1789-1871), raconte dans le détail le rôle et les activités de la Garde parisienne durant la période: « Il y avait en février 1818 133 postes de police à Paris, soit 18 de plus qu’en 1813. La tâche du maintien de l’ordre s’était compliquée. Le préfet de police Anglès s’en plaignait : “sous l’ancien gouvernement, on tremblait, mais il n’en est plus de même. Aujourd’hui, la police ne peut plus guère agir sans l’assistance de la force armée” […]. Des 133 postes, 49 permanents et 8 de nuit étaient tenus par la garde nationale […]. Pour un poste de sentinelle, il fallait 4 soldats, mais 6 ga.rdes nationaux, les factions de ces derniers étant moins longues. Chaque légion faisait le service dans son arrondissement et, à tour de rôle, prenait les “postes généraux” tels que l’état-major ou le château. Les gardes s’absentaient souvent des corps de garde pour prendre leurs repas ou faire un tour au bureau ou à la boutique. Mais leur service de patrouille était meilleur: ils connaissaient les rues, leurs habitants, savaient leur parler mieux que les jeunes soldats ignorants de la ville et de ses mœurs […]. Le gouvernement, pour motifs politiques, tenait à la participation des gardes à un certain nombre de cérémonies publiques qui ne laissent pas d’être assez nombreuses ; ainsi pour 1819 : anniversaire de la mort de Louis XVI, 12 avril et 3 mai; 10 et 17 juin (fête et octave du Saint Sacrement), 8 juillet (second retour du roi)…».
Nous vous invitons à consulter tout le chapitre IX de ce livre qui contient bien d’autres descriptions précises de cette activité durant la Restauration.
A partir de 1820, la garde nationale décline lentement pour des motifs bien expliqués par Louis Girard. Et en 1827, la garde est dissoute, notamment suite à des manifestations d’opposition au président du Conseil Villèle lors d’une revue passée par Charles X.
Dans l’article du magazine Histoire déjà cité, Mathilde Larrère revient longuement sur l’activité de la Garde Nationale durant la monarchie de Juillet (1830-1848) que le roi Louis-Philippe s’efforcera de soutenir et de "choyer".
En ce qui concerne la période du Second Empire, Tulard indique qu' « Après le coup d'État du 2 décembre, la garde nationale n'est maintenue que dans quelques villes. L'uniforme redevient obligatoire. Les préfets veillent au recrutement. La garde n'est plus qu'une milice sédentaire, un corps de parade sans influence politique. Elle retrouve cette influence, mais de toute autre façon, aux origines de la Commune de 1871, puis elle est supprimée en août 1871 ». Louis Girard abonde en ce sens: « Cette garde, armée de vieux fusils à piston, semble bien n’être plus convoquée que pour des cérémonies. Enfin on lui demande, comme de tout temps, d’assurer des quêtes et souscriptions diverses […]. On sent désormais qu’une raillerie rituelle est de mise ».
Enfin, le site commune1871.org précise: « Pendant le Second Empire, la garde nationale parisienne est peu active. Elle est réduite à 14000 hommes et 60 bataillons. Après la déclaration de guerre à la Prusse fin juillet 1870, Napoléon III décide de doubler ses effectifs, mais le recrutement est lent parmi la population bourgeoise de la capitale ».
Pour aller plus loin :
Roger Dupuy, La Garde nationale. 1789-1872, en Folio Histoire Poche (malheureusement indisponible à la bibliothèque de Lyon).
George Carrot, La Garde nationale (1789-1871). Une force publique ambiguë, édité par L'Harmattan. Le livre s'arrête largement sur la période 1789-1815, mais pas uniquement. Il revient sur le fonctionnement de cette institution qu'il juge un peu oubliée et dont l'étude serait pourtant à même d' "éclairer quelques-unes des caractéristiques des institutions françaises contemporaines".
Bonnes lectures !