Pourrait-on penser que le meurtre du maitre Iram ait pour origine un conflit de "droit du travail" ?
Question d'origine :
Bonjour à tous,
Je reviens vers vous pour une autre question, et vous remercie d'avoir répondu à la précédente.
Pourrait on penser que le meurtre du maitre Iram ait pour origine un conflit de "droit du travail" ? (comme nous le dirions aujourd'hui). En effet, pourrait on envisager que les 3 mauvais compagnons qui tuent le maitre Iram soient des travailleurs exploités par un patron qui les sous estime et leur refuse une "augmentation de salaire" ?
Ne seraient ils pas en quête d'une reconnaissance que seul le maitre est habilité et disposé à leur accorder ou non ? '
De fait, ce meurtre n'aurait il pas pour source la reconnaissance ?
Merci beaucoup de votre aide
Réponse du Guichet
Voici quelques pistes de réflexion quant au mobile de la légende du meurtre d'Hiram.
Bonjour,
Commençons par rappeler les faits :
" La légende d'Hiram en franc-maçonnerie est le thème qui sert au rite de passage que vit le compagnon pour accéder à la « Maîtrise ». Au début du XVIIIe siècle, on voit apparaître dans les rituels du troisième grade de la franc-maçonnerie un mythe maçonnique reprenant le personnage biblique d'Hiram.
Après son apparition au début du XVIIIe siècle, la légende d'Hiram sera contée avec de très nombreuses variantes selon les pays, les époques, les rites maçonniques, voire les auteurs. Mais il est toutefois possible d'y repérer un certain nombre d'éléments communs à la très grande majorité d'entre elles:
Le cadre de la légende est le chantier du Temple de Salomon, avant la fin des travaux. Hiram en est l'architecte et possède un secret. Il inspecte régulièrement le chantier. Les ouvriers du chantier sont divisés en trois catégories qui sont celles des grades maçonniques : apprentis, compagnons et maîtres.Trois ouvriers criminels tentent d'extorquer son secret à Hiram sans attendre de le recevoir de manière régulière. Pour cela, ils se postent aux trois portes du Temple, chacun d'eux bloque successivement le passage à Hiram et exige qu'il révèle son secret mais à chaque fois Hiram refuse et cherche une autre issue. À chaque fois un des conjurés le frappe et le troisième coup est fatal. Les criminels emportent alors le corps hors du Temple et l'enfouissent. " (Source Wikipedia)
De plus, les articles concernant ce mythe fondateur insistent tous sur la portée initiatique et ésotérique de l'épisode.
Ainsi, l'article La mort devance la vie, La symbolique de la mort et de la résurrection comme accès à la vie éternelle de Jacques Trescases explique :
" Les assassins d’Hiram sont trois compagnons : les siens : c’est donc en nous-mêmes que nous devons chercher les compagnons félons ; le message est identique à celui déjà donné par la présentation du miroir lors de l’Initiation. Les ennemis de l’extérieur peuvent nous faire souffrir, même nous tuer. Seuls ceux de l’Intérieur peuvent nous atteindre et nous faire chuter. Les assassins d’Hiram sont en nous-mêmes. La symbolique de la mort d’Hiram révèle une stupéfiante prescience de la psychologie des profondeurs.
Le mobile affiché : c’est le mot de Maître que les trois compagnons veulent arracher au Maître. Banalement, ce mot leur attribuerait une augmentation de salaire : plus de prestige ; plus de rémunération et de reconnaissance. C’est le règne de l’ambition et de la vanité.
Plus profondément, ce qu’ils veulent, c’est le « fruit de la connaissance », c’est-à-dire devenir arbitres du Bien et du Mal, s’innocenter de tout acte prédateur, sans regret ni remords. Ils veulent voir reconnaître comme juste et légitime ce qui correspond à tous leurs désirs, même les plus nocifs.
Hélas, l’enfer du Subconscient (symboliquement « les ténèbres ») n’apporte pas les félicités espérées.
L’enchaînement des fausses motivations provoque l’agressivité d’autrui, la culpabilité ou l’ennui, car les satisfactions espérées deviennent plates et décevantes dès que leur objet se trouve réalisé (mythe de Don Juan). Hiram mort, le mot est perdu, le bonheur de vivre est perdu. Les suicidés de l’âme deviennent souvent des prédateurs de la vie, donc s’inscrivent à l’encontre de sa progression.
Mais Hiram ne meurt pas, car c’est le principe de vie ; simplement refoulé au fond de l’Inconscient, il pourrit la vie, car la poursuite de plus en plus effrénée d’objectifs illusoires ne parvient pas à masquer la désespérance qui résulte de la perte du sens de la vie. Les suicidés de l’âme sont conduits au suicide réel, lequel n’est pas nécessairement immédiat, ni même déplaisant : tous les alcooliques, les drogués, les boulimiques de la bouffe, de l’esbroufe, du sexe, des honneurs ou du pouvoir, ne sont que des suicidés en sursis tentant de masquer leur désespoir par ces divers « trompe-la-mort».
Hiram mort, nous sommes sous le règne du Subconscient, enfermé dans un égocentrisme affligeant, mort à la totalité de la vie, mort à l’éternité de la vie.
Nous voulons retrouver la clef du bonheur perdu, ressusciter Hiram, réveiller notre conscience endormie. Le mime de la mort d’Hiram nous fait prendre conscience que notre désir essentiel est d’accéder à la lumière, de comprendre le sens de sa vie, que l’on peut appeler symboliquement « soif de Dieu », car il implique un dépassement totalement désintéressé de soi, et exige de conformer nos pensées et notre action à cet objectif, qui nous restituera la Paix, l’Amour et la Joie. Nous sommes prêts à être relevés et à entendre, enfin, le mot de Maître, qui nous sera communiqué."
Voir également l'article Hiram, ou comment comprendre le meurtre du père / Marie Contri.
Dans l'ouvrage Hiram et le Temple de Salomon de Marc Halévy, nous apprenons :
" Les ouvriers du chantier étaient des salariés en fonction de leur mérite. Et ce mérite s'exprimait par les promotions successives reçues : l'acceptation comme Apprenti d'abord, la passage au Compagnon ensuite, et l'élévation à la Maîtrise enfin. Chacun recevait son salaire selon son grade. "
Les trois ouvriers sont donc au courant du salaire qu'il recevront, salaire basé sur leur grade. On ne peut donc pas vraiment parler de sous exploitation ou de manque de reconnaissance puisque tout semble ordonné, structuré et organisé.
" Ce que l'on devait obtenir par le mérite du travail patiemment bien fait, les trois Compagnons scélérats veulent l'obtenir immédiatement par la violence. (...) Mais que veulent donc obtenir si rapidement nos trois voyous ? De l'argent bien sûr. L'argent, maître absolu de toutes les cupidités et de toutes les vilenies. Comme si l'essentiel pouvait se vendre ou s'acheter.
Ces trois imbéciles se figurent que l'argent les rendra plus heureux alors que tout au contraire, il brisent leur vie et se condamnent à une déchéance définitive pour rien.
Quelles sont les motivations profondes des Compagnons meurtriers d'Hiram ? Le mécontentement de la paie est un alibi, un prétexte narratif. S'ils voulaient réellement extorquer les mots, les signes et attouchements des Maîtres pour gagner plus d'argent, ils ne s'y seraient pas pris aussi maladroitement.
Aux deux extrêmes du spectre des possibles, il y a d'un côté la jalousie des médiocres envers un Initié accompli, et de l'autre côté le syndrome de Judas Iscariote qui aurait vendu jésus aux Romains pour forcer celui-ci à se dépasser malgré ses angoisse et assumer son destin messianique."
Enfin l'article Assassinat d’Hiram : quand le Diable se cache dans les détails / Jean-Charles Nehr est également intéressant à parcourir :
" La légende d’Hiram, comme toute légende, fonctionne selon le même schéma en trois étapes: la première propose un récit imaginaire, invraisemblable mais porteur d’un enseignement voulu par l’auteur du récit; la deuxième donne le sens immédiat à l’histoire, en relation avec elle, sens en général moral, sociétal, philosophique ; la troisième, comporte une ou plusieurs interprétations plus ou moins cachées, qu’il nous faut découvrir.
Dans les rituels d’origine et pendant plus de cent ans, la demande des compagnons visait simplement à avoir le « mot » leur permettant d’obtenir la même paye que celle des maîtres. Dans les années 1900, une formulation nouvelle est apparue, et reste présente dans les rituels de 2002, le rituel actuellement en vigueur au GODF. La demande des compagnons n’est plus seulement : « Donne-moi, les mots, le signe et l’attouchement de Maître », mais devient: « Il y a assez longtemps que je suis compagnon : je veux être maître comme toi. Donne-moi, les mots, etc. ..
Or, cette version implique un changement radical du sens de l’histoire : jusqu’alors les trois mauvais compagnons voulaient seulement obtenir la paye des maîtres, mais là, maintenant, les trois futurs assassins veulent plus : ils veulent non seulement obtenir le statut de maître ordinaire, mais aussi, ils veulent aussi être « maître comme Hiraam », c’est à dire en obtenir le statut, et en plus prendre sa place. Ils veulent passer directement de compagnon à Hiram ! "
A consulter aussi :
Cet article, qui revient également sur qui sont les assassins d'Hiram.
Le meurtre fondamental / AD Grad
Hiram et le temple de Salomon / M Halévy
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