Au 16ème siècle le calcio, ancêtre du football, était-il joué régulièrement à Lyon ?
Question d'origine :
Bonjour le Guichet du savoir !
Courant 16ème siècle, l’ancêtre du football moderne, le calcio était un sport célèbre joué par l'aristocratie florentine voire même les papes de l'époque, et était très suivi par la population. On connait les liens forts qui unissaient Lyon et Florence à cette époque. Est-ce qu'on sait si le calcio était joué à Lyon régulièrement ? Et où à Lyon ?
Sur Wikipédia il y a la référence d'un match célèbre à Lyon en 1575 en l'honneur du roi Henri 3.
Merci beaucoup par avance !
Réponse du Guichet

Malgré les liens politiques et commerciaux qui unissent la ville de Lyon et de Florence, la partie de Calcio organisée à Lyon en pleine Renaissance en 1575 par des marchands florentins n'aurait pas connue de réplique officielle avant...la fin du XXème siècle.
Bonjour,
Le Calcio est parfois présenté comme l'ancêtre du football contemporain. On lui donna le nom de Calcio (coup de pied), puisque ce jeu avait aussi la particularité de se pratiquer avec les pieds. En effet, deux équipes de 27 joueurs s'affrontaient pour une durée d'une heure sur un terrain rectangulaire aux dimensions assez similaires à celles d'un stade de foot. Leur objectif était de faire passer le ballon par dessus l'extrémité opposée du terrain et pour cela tous les coups étaient permis...ou presque. A la différence du football, le jeu à la main était toléré dans certains cas, notamment pour porter la balle, mais les joueurs avaient l'obligation de propulser et d'arrêter le ballon avec les pieds. Ses règles ont été définies très tôt dans de nombreux traités, dont l'un des plus célèbres reste celui de Giovanni Bardi en 1580. Mais certaines d'entre elles furent amenées à changer avec le temps !
Les équipes se faisaient face en disposition pyramidale et étaient démarquées par une ligne centrale. Une équipe se composait de 15 avants répartis en trois groupes : les ailiers (corridori), les avants (innanzi) et les avants-centres (antiguardia). Ils étaient soutenus plus bas par les une chaîne de 5 destructeurs (sconciatori), chargés de stopper les avances de l'équipe adverse et de récupérer les ballons. Comme l'indique Horst Bredekamp dans son ouvrage de référence, Le football florentin : les jeux et les pouvoirs à la Renaissance, les destructeurs étaient alors comparés, en raison de leur physique, "aux éléphants des combats de l'Antiquité où à la cavalerie moderne" (p. 13). Enfin à l'arrière se trouvaient les donneurs avant (datori innazi), qui devaient autant récupérer les balles de l'adversaire que de relancer en direction des avants en cas de récupération du ballon. Ils étaient suppléés par les donneurs arrière (datori addietro) : "ultime verrou de sureté des les "cas de vie ou de mort" (N-P). On y place les joueurs les plus rapides et les plus courageux" (Bredekam p. 13)
Mais c'est aussi l'origine sociale des participants qui distingue le Calcio du football moderne. Comme l'indique à nouveau H. Bredekamp "le rang social des amateurs qui s'y exerçaient, comme par ses règles du jeu, le calcio fiorentino était moins un précurseur du football qu'une variante indépendante, incluant des éléments de rugby" (p.9). Les joueurs faisaient le plus souvent partie de la noblesse et des familles aussi prestigieuses que les Médicis y "jouaient un rôle prépondérant" (p.6).
Si ce sport a connu un véritable engouement en Toscane, entre le 16ème et le 18ème (il prit fin en 1739), il a peu a peu perdu en popularité sans pour autant complètement tomber dans l'oubli. Les parties les plus dantesques, comme celles sur la Piazza di Santa Croce (p. 15), entourées d'un public déchainé et de nombreux musiciens, et le très célèbre match quasi fondateur de la discipline, pendant le siège de Florence en 1530, ont très largement marquées les esprits. Ou encore, les matchs qui se sont déroulés sur l'Arno, le fleuve gelé de Florence, et qui sont aussi avérés par Bredekamp (p. 47). Ils se seraient déroulés durant le carnaval 1559, où les hommes portaient des vêtements de femmes, et pendant l'hiver 1605-1604 peu avant Noël.
Néanmoins, tous ces détails marquants ne font que souligner l'absence d'informations que nous possédons et le peu de retentissement local qu'à pu avoir l'épisode lyonnais en 1575 (oui, contrairement à de nombreuses sources internet qui placent le match en 1574). L'auteur le mentionne à la p. 201, faisant simplement remarquer que ce Calcio avait été organisé en l'honneur du roi de France Henri III qui revenait d'un voyage en Pologne via l'Italie mais sans que nous sachions pour autant sur quelle place s'est tenue la rencontre. Comme le veut la légende, le roi aurait qualifié ce spectacle de : "trop petit pour qu’on l’appelle la guerre, trop cruel pour qu’on l’appelle un jeu" (Lyoncapitale - Lyon et le Calcio Storico : une histoire de quatre siècles, 2020) et les marchands n'auraient pas organisé de nouveaux matchs dans la ville.
C'est plus de 400 ans plus tard, dans le cadre des célébrations de la coupe du monde de football 1998 qu'une nouvelle rencontre entre lyonnais et florentin s'est jouée à Lyon, au moment de la compétition. Mais LyonCapitale et cet article du Parisien - Les ratés du mondial à Lyon (juin 1998) relatent une journée catastrophique où le match, qui avaient couté cher à la ville, dû être rapidement annulé après s'être transformé en véritable pugilat après seulement quelques minutes de jeu. Toutefois, selon un article du Progrès (Calcio Storico, l'important fut de participer, juillet 1999) lisible sur la plateforme Europresse, un match retour aurait été organisé à Florence en 1999 dans de meilleures conditions, bien que les joueurs lyonnais très inexpérimentés se soient inclinés sur le lourd score de 10 à 0.
En effet, si les Italiens continuent à s'imposer très largement dans la discipline c'est, en plus d'être quasiment les seuls à la pratiquer, que le Calcio est redevenu peu à peu à la mode à partir des années 1930, en plein régime fasciste. De nos jours, un tournoi est organisé au coeur de Florence à chaque année au moins de juin et fait se rencontrer 4 équipes représentants4 quartiers historiques de la ville. Pour en savoir plus sur cet événement aussi viril que spectaculaire, nous vous suggérons la lecture de ces articles du Figaro : À Florence avec les derniers gladiateurs (2013) et Calcio storico de Florence : un sport violent et historique aux racines médiévales (2022). Enfin, pour mieux vous représenter la discipline de nos jours qui a beaucoup évolué vous pouvez regarder cette vidéo de la finale de 2016 ou ce clip, datant probablement du début des années 2010. Les coups sont lâchés sans retenus, par devant et par derrière, sans ou avec ballon, en l'air ou on sol...On préférera pour notre part regarder tout ça derrière notre ordinateur.
Bonne journée,