Dans la franc-maçonnerie écossaise, pourquoi dit-on que l'apprenti à "3 ans passé" ?

Bonjour,

Comme le dévoilent plusieurs textes maçonniques, tel le manuscrit de Regius, datant de 1390, la tradition initiatique dont s’inspire la maçonnerie, prend ses racines en Égypte. Une étude plus approfondie des rites et des symboles permet de cerner l’impact de la spiritualité égyptienne sur l’univers maçonnique. Au Moyen Age, l’alliance entre les moines et les confréries artisanales rendit possible la construction des cathédrales. Ces deux ‘temps’ de la franc-maçonnerie charrient un bagage d’inspirations multiples et hétéroclites qui a nourri les différents rites.

Le ternaire est un symbole majeur présent dans nombre de croyances et de cultures, riche en significations. La vénération dont il a fait l’objet émane de sa puissance unificatrice. Si le deux divise, le trois réunit. Il exprime donc le retour à l’unité, ouvre la voie du milieu et permet de sortir de l’antagonisme. Comme le précise le Dictionnaire des symboles, mythes et croyances de Corinne Morel, c’est le premier nombre impair (un n’étant pas vraiment considéré comme un nombre), considéré très actif et énergétique, dont la symbolique se rapporte à la couleur rouge.

Les triades de différents panthéons exploitent la puissance unificatrice du trois. Pour ne citer que les plus connues, la Trinité dans la tradition catholique, la loi du ternaire privilégiée par la Kabbale. Selon ses préceptes, tout élément procède du trois, qui associe le créateur (sujet), la création (verbe) et la créature (objet). Brahma, Vishnou et Shiva forment la Trimurti des Hindous. La grande Triade des taoïstes inclut le Ciel, la Terre et, au milieu, l’Homme. 

En Égypte, ce qui nous intéresse tout particulièrement, à partir du Nouvel Empire (1500 - 1000 av. J-C) et surtout à la Basse Epoque, les théologiens ont conçu les triades, c.a.d. des groupements de dieux par trois, dans le but de renforcer à la fois le culte des dieux que le pouvoir royal. Parmi les plus vénérées, la triade dite d’Abydos, où se répandait son culte, composé d’Isis, Osiris et Horus. Ce dernier fut leur fils, né de l’union posthume entre les deux divinités.

La forme finale du Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA) est en 33 grades. L’âge de l’apprenti est 3 ans, sa batterie est formée de trois coups et lors de son initiation, il gravit trois marches ou trois séries de marches.

"Son nombre est le trois car c’est le premier véritable nombre et le degré d’Apprenti le premier", précise Marie Delclos dans son livre Franc-Maçonnerie et nombres. Elle rappelle également qu’à ce stade, l’Apprenti peut penser au trois, au père, à la mère et à l’enfant, voire à la triade Osirirs, Isis et Horus. Arrivé au bout de sa période d’apprentissage, l’Apprenti assimile de nombreux symboles et les met en œuvre. C’est en poursuivant sa formation dans le degré suivant qu’il comprendra plus profondément la signification des nombres. Ils feront partie du domaine des arts libéraux qu’il va devoir explorer. Par la suite, le futur Maçon retrouvera ce nombre jusqu’au trente-troisième degré et en découvrira de nouveaux sens.

Pour aller plus loin : 

Les 100 mots de la franc-maçonnerie, Alain Bauer et Roger Dachez, éd. PUF, 2017 ;

Le Livre de l'Apprenti, Pierre Dangle, MdV Editeur, 2017 ; 

Dans le secret des bâtisseurs égyptiens, Franck Monnier, éd. Errance et Picard, 2023.

Bonne lecture !