Quels hommes n'étaient pas mobilisés lors de la Seconde Guerre mondiale ?
Question d'origine :
Bonjour, pendant la guerre 39 45 quels hommes n'étaient pas mobilisés à la guerre ? Ce n'est pas tant l'âge qui m'intéresse mais de savoir si c'est une question de charge de famille, si c'est cela à partir de combien d'enfants... Merci !
Réponse du Guichet

L'exemption ou pour être plus juste, "l'affectation spéciale" était liée aux métiers. Par la suite, l'âge et le nombre d'enfants rentreront en compte, mais ce ne sont pas là les principaux critères.
Bonjour,
La mobilisation concernait le plus grand nombre mais très rapidement, des affectations spécialisées pour faire tourner l’industrie de l’armement furent mises en place. Face au mécontentement, ces affectations spécialisées touchent par la suite le milieu agricole et si elles se basent à l’origine sur la spécialité du métier, elles finissent par englober des tranches d’âge ainsi que le nombre d’enfants.
Jean-Louis Crémieux Brilhac a étudié ces différentes situations dans ces ouvrages Les français de l’an 40. Ainsi, dans le tome 1, La guerre oui ou non?, l’auteur rapporte :
L’effort de mobilisation imposé à la nation en septembre 1939 est colossal : aucun des autres belligérants occidentaux ne subira une contrainte comparable. L’Etat-major, dans sa fringale d’effectifs, a mobilisé toutes les classes d’âge soumises à obligation militaire, y compris l’inégalité de la seconde réserve, soit plus de cinq millions d’hommes, (.. ;) douze classes d’anciens combattants se retrouvent sous les drapeaux y compris des hommes de quarante-huit à cinquante ans. Et l’on a en même temps mobilisé les ouvriers spécialisés dont le maintien en usine avait pourtant été jugé indispensable à la « mobilisation industrielle ».Dès la mi-septembre, on a dû convenir que les usines de guerre vidées de leur personnel étaient hors d’état de répondre aux besoins d’armement. De sorte qu’une des tâches prioritaires des premiers mois de la « drôle de guerre » est d’arracher aux armées tous les spécialistes dont les usines ont besoin pour tourner.
Mais il explique les lourdes incidences psychologiques de ces rappels à la vie civile :
Alors que pour Dautry, pas un spécialiste de plus de vingt-cinq ans n’aurait dû quitter les arsenaux, les poudreries, les aciéries et les principales usines de fabrication de guerre, pour le Français moyen, pas un homme de trente ans ne devrait être ailleurs qu’au front.
(…)
Pendant six mois un flux ininterrompu va ramener des ouvriers mobilisés en usine : opération trop voyante qui portera finalement sur 550 000 hommes. Tout compte fait, plus de 1200 000 mobilisables auront été exemptés d’obligations militaires du fait de leur profession
Les affectations spéciales sont alors fortement condamnées et mal vécues pour ceux restés au front.
Parallèlement, l’auteur rappelle que :
Les efforts et les interventions pour échapper au devoir militaire, pour se faire réformer, pour avoir une planque, ou plus modestement pour obtenir une permission agricole, sont de plus en plus voyants .. ;
Le mécontentement est important et la grogne des paysans se fait sentir, conduisant à ouvrir la liste des bénéficiaires de ses affectations spéciales :A la veille de la mobilisation, les directeurs départementaux des services agricoles avaient présenté, comme la loi les y autorisait, des listes de spécialistes à maintenir à la terre ; trois mille chefs de culture seulement ont bénéficié d’une affectation spéciale en agriculture : presque tous dirigeants d’exploitations de cent cinquante hectares…
(…)
Dès octobre 1939, il [Daladier] a annoncé la démobilisation des classes 1909 à 1911, celles des hommes de quarante-huit à cinquante ans, puis on a démobilisé les pères de cinq enfants, et un décret publié le 13 janvier, stipule que les plus de quarante ans seront affectés aux formations dites de l’intérieur.
(…) Le 7 janvier 1940, la Commission de l’agriculture de la Chambre demande à l’unanimité que l’affectation spéciale à la terre ne reste pas le privilège des gros exploitants …
(…)
Le 27 janvier, le Sénat obtient la promesse de mise en affectation spéciale, dans leur village, des artisans ruraux mobilisés (…) après le premier envoi des agriculteurs à la terre, ces renforcements se ont réduits à 30 000 hommes
(…) Au début de février, il fait savoir que les cultivateurs de quarante-cinq à quarante-huit ans, ceux des classes 1912 à 1915, seraient renvoyés chez eux en « affectation contrôlée » d’ici le 1Er mars…
Finalement au 1er juin 1940, le nombre des affectés spéciaux à l’agriculture atteindra 244 000 dont 5000 artisans ruraux, sur un total de 1 600 00 affectés spéciaux.
La lecture du Tome 2 Ouvriers et soldats et notamment du paragraphe intitulé « récupérer les spécialistes » vous permettra de compléter ces premières informations.
L'ouvrage Histoire militaire de la France. 2 : De 1870 à nos jours apporte de semblables informations.
Nous vous laissons aussi parcourir :
Histoire militaire de la France. 04 : De 1940 à nos jours / [sous la dir. générale de] André Corvisier ; sous la dir. de André Martel
Le grand état-major financier : les Inspecteurs des finances 1918-1946
Bonne journée,