Quels sont les livres représentés dans les bibliothèques des prisons et hôpitaux ?
Question d'origine :
Quels livres y a-t-il dans les bibliothèques de prisons et d'hôpitaux?
Réponse du Guichet
Chaque bibliothèque carcérale ou hospitalière dispose d'une collection unique. Il existe en revanche un cadre législatif précis et des spécificités aux collections en raison de la particularité de ces établissements. Ces bibliothèques sont régies par les mêmes impératifs que les bibliothèques de lecture publique mais la politique documentaire s'adapte aux publics ciblés.
Bonjour,
Le protocole Justice-Culture signé en mars 2022 par le garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti et la ministre de la culture Roselyne Bachelot a renforcé le développement de l'offre culturelle dans les établissements pénitentiaires et notamment le pôle lecture au travers des espaces bibliothèques. Initiative d'importance lorsque l'on sait que près d'1 détenu sur 4 (23%) était en situation d'illettrisme en 2023 et que l'apprentissage de la lecture repose en grande partie sur le tissu associatif mobilisé dans les prisons (Lire en prison, la grande évasion grâce aux associations comme "Lire pour en sortir", France Info, 22 mars 2023).
Chaque nouvel établissement pénitentiaire se doit de promouvoir la lecture à l'aide d'une offre variée. Par exemple, la bibliothèque Bernard Duval du centre pénitentiaire de Caen-Ifs met à disposition des détenus une collection de 6000 ouvrages : mangas, romans policiers, polars, récits de voyage, classiques de la littérature… Le choix est large (« Quand on lit, on s’évade de nos cellules » : la bibliothèque de la prison d’Ifs a été inaugurée - Le Courrier de l'Ouest, 26 avril 2024). Les mangas semblent avoir le vent en poupe selon l'article, tendance qui ne fait que refléter les nouvelles habitudes de lecture des Français dans la population générale : Mangas : un succès retentissant en France (France info, 8 mars 2024).
Les bibliothèques carcérales s'adaptent aux gouts mais aussi aux caractéristiques de ce public spécifique pour constituer leurs collections. Mais ces bibliothèques n'ont pas toutes des fonds comparables, ces derniers varient en fonction des financements dont la prison dispose et de la nature des partenariats qui existent avec les collectivités locales qui les fournissent (bibliothèques municipales, médiathèques etc.) (Carenews, 2017). Le même article dressait la liste des ouvrages les plus lus par les détenus cette année là, beaucoup de "classiques", quelques ouvrages plus récents ainsi que plusieurs livres ayant pour sujet le milieu carcéral : Les 15 livres les plus lus par des lecteurs en prison, de Giono à Sattouf.
Les bibliothèques enrichissent aussi leurs collections à la demande des détenus en se fournissant en librairies. Des fonds sont alloués par le CNL (Centre national du Live), comme à la prison du Fresnes en région parisienne. Cet article du média Le Bonbon avait enquêté sur les habitudes de lecture des prisonniers en 2020 :
« On a beaucoup de demandes de biographies – notamment celles de footballeurs, de versions livre de films et séries, de bandes dessinées, de livres sur le grand banditisme, de livres en langue étrangères –, on a notamment un gros manque d’ouvrages en roumain et en langue arabe. Pour les acquérir, on passe par des centres culturels. Et ça fonctionne plus à la demande. » « On nous a demandé ça ce matin (Francesco sort un un morceau de feuille de cantinage (sorte d’épicerie de la prison) de sa poche au dos de laquelle sont notés l’Alchimiste, Confucius) l’Alchimiste, et tous les bouquins de Paulo Coelho sont particulièrement demandés, appuie Pascale Cornet-Pérès, mais aussi beaucoup Christian Jacq, Orwell, Victor Hugo. On peut aussi avoir des demandes plus atypiques : récemment, un détenu nous a demandé un livre de botanique, pourvu qu’il y ait les dénominations latines ». Côté presse, les "best seller", ce sont France Football et Jeune Afrique chez les hommes, Gourmand et Femme Actuelle chez les femmes.
Pour corroborer ces exemples et aller un peu plus loin nous avons parcouru l'ouvrage le plus récent disponible dans nos collections sur ce sujet : La bibliothèque une fenêtre en prison publié par l'AFB en 2015. La constitution de la politique documentaire des bibliothèques carcérales répondrait aux mêmes exigences que celles des bibliothèques de lecture publique. Mais elle impose aussi, en raison de la spécificité du public, une sélection de documents adaptés (p. 97 à 99) :
Le bibliothécaire professionnel doit être le garant de la qualité de la collection de la bibliothèque. En effet, au delà des nombreuses sollicitations des personnes détenues, du personnel ou des intervenants extérieurs pour enrichir ou donner un avis sur les collections, le bibliothécaire professionnel doit s'efforcer d'adopter une politique documentaire cohérente, soucieuse et respectueuse des questions de diversité, de pluralité et de laïcité.
Parce que l'accès à la culture et à la lecture constitue au même titre que la santé ou l'éducation, un service de droit commun, la bibliothèque se doit aussi de proposer des collections (supports et contenus) similaires aux collections proposées à l'extérieur dans les bibliothèques de lecture publique. Cela permet aussi de répondre aux enjeux de réinsertion des personnes détenues en établissant un lien continu entre l'extérieur et l'intérieur.
(...)
Mais il est évident que la politique documentaire pour les bibliothèques en prison doit être reliée aux spécificités du public qui fréquente ces bibliothèques. Pour tous les aspects de la politique documentaire, il faut avant tout prendre en compte le fait que beaucoup de personnes détenues sont des personnes éloignées du livre, voire en situation illettrisme. C'est pourquoi on privilégiera, notamment dans les documentaires, des niveaux de vulgarisation qui s'apparentent au premier et second degré (collège).
(...)
Liste des genres à privilégier en prison :
la bande dessinée
la poésie
les revues
les livres en langues étrangères
les ouvrages juridiques vulgarisés
les ouvrages de "citoyenneté", autour de la réinsertion
les récits de vie
Attention néanmoins, cet article du média Actualitte alerte sur la censure sourde qui s'appliquerait aux bibliothèques de prison ainsi que sur l'encadrement parfois drastique de la circulation des livres pour empêcher toutes formes de trafics (Double peine : les prisonniers condamnés à un accès limité aux livres, 2020).
Les bibliothèques en milieux hospitaliers n'ont pas reçu autant d'attention que leurs homologues en prison. Retrouvez néanmoins de nombreuses ressources sur le site spécialisé : établissements-santé-livreslectures : Conventions, encadrements juridiques, recommandations et études sont à votre disposition.
Les recommandations du Ministère de la Santé en 2008 (PDF accessible sur le lien ci dessus) insistaient notamment sur la nécessité d'une offre de qualité et variée. Les documents doivent s'adapter aux besoins des patients et proposer une offre adaptée (livres audio, livres en gros caractères etc.). Hôpital oblige, les collections font une place importante aux livres de vulgarisation en sciences médicales.
Pour un exemple actualisé et pertinent nous vous suggérons vivement la lecture de la Charte documentaire des collections de la médiathèques des Hôpitaux de Bordeaux (2021), en lien également sur le même site. Fouillez dans tous ces documents, ils sont d'une grande richesse sur le sujet.
Bonne journée,
DANS NOS COLLECTIONS :
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