Question d'origine :
Est ce que l'IA remet en cause la transition bibliographique ? Ne va t'on pas encore vers un nouveau modèle de gesion de l'information ?
Réponse du Guichet

N'ayant pas de don spécial de voyance, il nous sera difficile de répondre à vos questions car nous sommes dans une phase justement de transition où les projections abondent sans que l'on puisse finalement valider ou écarter telle ou telle hypothèse. Une chose est certaine : L’intelligence artificielle entraînera forcément une évolution.
Bonjour,
Nous ne pouvons que nous accorder avec Jean-Philippe Moreux (voir « L’IA, précieuse auxiliaire des bibliothèques, dans Prologue, le magazine d’ALCA), "on manque de recul et ce ne sont que les prémices".
Nous ne savons dons pas si l’intelligence artificielle sonne le glas de la transition bibliographique ; au mieux pouvons-nous avancer l’hypothèse qu’elle sera forcément facteur d’évolutions dont émergera un nouveau mode de gestion de l’information.
Le site du programme Transition bibliographique, lancé en 2015 par l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (Abes) et la Bibliothèque nationale de France (BnF), n’indique rien à ce propos.
Il est vrai que finalement, l’Intelligence artificielle est employée depuis des années dans de nombreux domaines. Ainsi, Jean-Philippe Moreux revient sur ces différents points :
L’IA peut apporter la capacité de traiter en masse et automatiquement de grandes quantités de données. Cela permet de réaliser des tâches qui, sans ce levier de l’IA, seraient impossibles à accomplir humainement. L’OCR, c’est-à-dire la reconnaissance optique de caractères [Optical Character Recognition en anglais, NDLR], est une forme d’IA. Ce sont des logiciels qui cherchent à transcrire automatiquement des textes imprimés et qui existent depuis les années cinquante. Ces OCR ont rendu de grands services aux bibliothèques sauf qu’on ne parlait pas d’IA à l’époque. C’est une sorte d’effet de mode conjugué aux avancées technologiques de ces cinq dernières années. Aujourd’hui, ces IA peuvent servir à lire et à retranscrire des images ou des voix, à traduire des textes ou à analyser quasiment tout type de production humaine. En bibliothèque, on imagine facilement qu’elles vont pouvoir enrichir les collections en aidant à les indexer, à les cataloguer et en faisant de la transcription de manuscrits imprimés, de la vidéo, de la musique ou d’autres contenus qui sont ingérés tous les jours via le dépôt légal numérique ou les programmes de numérisation. Ces technologies vont pouvoir enrichir la description d’une vidéo, par exemple, ou la découper en séquences tout en générant des descriptions spécifiques pour chacune d’entre elles, dire qui parle et quel est le sujet, ou encore transcrire les dialogues automatiquement.
(…)
Des bibliothèques ont commencé à appliquer ces techniques pour des tâches de catalogage, sur l’indexation documentaire d’imprimés et de documents numériques. L’expérience prouve que les catalogueurs n’ont pas été renvoyés chez eux, car ces experts de l’indexation contribuent à l’entraînement des IA et à leur contrôle. Ce que l’IA indexe, le catalogueur vient le vérifier ou lever des doutes sur la fiabilité. Cela permet d’automatiser les tâches les plus fastidieuses.
La Bibliothèque nationale de France expérimente l'Intelligence artificielle pour effectuer un certain nombre de taches :
Comme le projet de fouille, tous les projets de la BnF impliquant l’IA sont directement reliés aux outils et projets existants, par exemple à la refonte de l’outil de catalogage dans le cadre de la transition bibliographique, ou encore à la gestion physique des collections et au projet de construction du nouveau site de conservation à Amiens.
Elle cite ainsi les
chantiers catalogue (facilitation de tâches liées au traitement des documents, et optimisation d’un système de catalogage qui dispose déjà de certains mécanismes d’automatisation)
le BBF présente un entretien avec David R. Lankes qui donne un point de vue sur Les bibliothèques et l’IA vues des États-Unis
Quelles sont pour vous des applications probables de l’IA en bibliothèque ? Pensez-vous que des activités classiques, comme le catalogage, seront affectées par l’IA ? Y a-t-il des bibliothèques aux États-Unis qui développent leurs propres outils qui intègrent l’intelligence artificielle ?
D. L. : Bien sûr, le catalogage en sera affecté. En effet, l’efficacité a toujours été un leitmotiv du catalogage. Depuis la mise en œuvre d’un catalogue dérivé dans les années 1970, la question d’utiliser le moins de ressources possible tout en fournissant le plus de métadonnées utiles se pose. Nous pouvons reconnaître que le catalogage requiert des qualités intellectuelles humaines, mais il ne faut pas nier que, face au catalogage par dérivation, les rangs des catalogueurs se sont éclaircis, pratiquement cantonnés aux bibliothèques universitaires et nationales. Nous devons également reconnaître que, pour de nombreuses activités quotidiennes, les index générés machinalement à partir de textes, d’images, de musique sont non seulement plus rapides et fréquents, et, eu égard au vaste nombre de requêtes, de qualité supérieure.
Dans son Rapport d’activité 2023, l’ABES mentionne :
Les progrès récents de l’Intelligence Artificielle (IA), particulièrement dans le domaine de l’apprentissage automatique (machine learning ), laissent envisager, à terme, deux objectifs opérationnels : d’une part, le traitement automatique de vastes ensembles de notices, actuellement négligées faute de ressources humaines suffisantes ; d’autre part, la conception d’un outil d’aide à la décision, à la disposition des catalogueurs pour le choix des sujets.
En 2023, une part significative de l’activité du Labo de l’Abes a été dédiée à l’évaluation de l’utilisation de l’IA dans les processus d’automatisation pour l’indexation automatique RAMEAU et la classification Dewey. Un partenariat avec une société externe a permis à l’équipe d’accélérer ses travaux.
La méthodologie pour l’évaluation des résultats de l’IA a constitué un sujet intéressant. En effet, il est bien connu que deux indexeurs ne choisiront pas nécessairement pour la même indexation pour un document identique, ce qui soulève la question de la « vérité » à laquelle comparer les résultats de l’indexation automatique. L’indexation existante dans le Sudoc ne pouvant être considérée comme une « source de vérité »absolue, nécessitait donc d’adopter une approche nuancée, ce qui s’est traduit par des ré-indexations et une évaluation « à l’aveugle » des indexations humaines et automatiques.
En combinant plusieurs modèles, y compris un modèle destiné à évaluer les résultats des deux autres modèles conjoints, les résultats obtenus sont très prometteurs : quasiment jamais « hors sujet », la précision de la réponse varie entre 70 % et 95 % selon les stratégies adoptées.
En tout état de cause, cette expérimentation démontre la pertinence de l’utilisation de
l’IA pour les travaux d’indexation automatique.
Nous vous suggérons également les lectures suivantes :
L’indexation matière en transition : de la réforme de Rameau à l’indexation automatique : introduction et conclusion / Etienne Cavalié, 2019
Les bibliothèques face au monde des données, Véronique Mesguich, 2023
Pour ouvrir les réflexions :
Un mémoire de Master, L’usage de l’intelligence artificielle en indexation vidéo : entre amélioration et bouleversement des pratiques / Maëllie Hurstn, 2021 - Sous la direction de Laurent Duplouy
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