A quel roman d'Emile Zola, Colette fit-elle référence dans "La maison de Claudine" ?
Question d'origine :
Bonjour,
Je voudrais savoir à quel roman de Zola, Colette fait allusion dans La Maison de Claudine:
« Ma mère et les livres »
"Une assez douceâtre histoire d’hérédité l’emplissait, mon Dieu, comme plusieurs autres Zola. La cousine robuste et bonne cédait son cousin aimé à une malingre amie, et tout se fût passé comme sous Ohnet, ma foi, si la chétive épouse n’avait connu la joie de mettre un enfant au monde. Elle lui donnait le jour soudain, avec un luxe brusque et cru de détails, une minutie anatomique, une complaisance dans la couleur, l’attitude, le cri, où je ne reconnus rien de ma tranquille compétence de jeune fille des champs"
Je pense à La Joie de Vivre ou à la Terre. Pouvez-vous m'aider à trouver de quel roman il s'agit?
En vous remerciant
Réponse du Guichet
Nous pensons que Colette fait référence à la scène de l'accouchement de Louise dans le roman "La joie de vivre" (1884), douzième tome des Rougon-Macquart.
Bonjour,
En effet, le livre interdit dérobé par la jeune Colette dans le secrétaire de son père semble être La joie de vivre, douzième volume de la série des Rougon-Macquart publié en 1884 par Émile Zola.
Exemple parfait de l'école naturaliste qui s'appliquait à dépeindre par le roman la réalité sociale dans toute sa dimension objective (et même ce que l'on pouvait qualifier alors de "vulgaire"), l'accouchement de Louise est décrit avec une "minutie anatomique" par Zola au chapitre X de son livre. Le calvaire de la mère et de l'enfant s'expriment avec une surabondance de détails et une crudité qui pouvaient choquer la morale bourgeoise de l'époque. Extrait :
Au milieu des muscles engorgés et tendus, entre les bourrelets rosâtres , l'enfant apparaissait. Mais il était arrêté là, par l'étranglement de l'organe, qu'il ne pouvait franchir. Cependant, les efforts du ventre et des reins tâchaient encore de le chasser ; même évanouie, la mère poussait violemment, s'épuisait à ce labeur, dans le besoin mécanique de la délivrance ; et les ondes douloureuses continuaient à descendre, accompagnées chacune du cri de son obstination, luttant contre l'impossible. Hors de la vulve, la main de l'enfant pendait. C'était une petite main noire, dont les doigts s'ouvraient et se fermaient par moments, comme si elle fut cramponnée à la vie.
Source : La joie de vivre - Émile Zola (Garnier-Flammarion, 1974) p. 322
L'intrigue semble également concorder lorsque Colette écrit : "La cousine robuste et bonne cédait son cousin aimé à une malingre amie". En effet, la relation qu'avait noués Pauline et Lazare, cousins, les prédisposait à s'unir. Mais Pauline, cède finalement sa place, en dépit de son amour à Louise, la fille d'une amie de la famille de Lazare dont la mère est décédée. Malgré la souffrance et la jalousie Pauline n'a jamais cessé de montrer sa pleine dévotion aux deux époux, continuant malgré leur union et la naissance de leur fils, Paul, à se sacrifier au profit de leur bonheur, comme le montre cette exclamation de Lazare :
- Est-ce que tu me crois assez mauvais pour ne pas comprendre que je te dois tout ? ... Depuis ton entrée dans cette maison, tu n'as cessé de te sacrifier. Je ne reparle plus de ton argent, mais tu m'aimais encore, lorsque tu m'as donné à Louise, je le sais à cette heure...Si tu te doutais combien j'ai honte, quand je te regarde, quand je me souviens ! Tu aurais ouvert tes veines, tu étais toujours bonne et gaie, même les jours où je t'écrasais le coeur. Ah ! tu avais raison, il n'y a que la gaité et la bonté, le reste est un simple cauchemar.
Source : La joie de vivre - Émile Zola (Garnier-Flammarion, 1974) p. 330.
Pour mieux vous saisir de l'intrigue, lisez la résumé détaillé du livre sur Wikipédia.
L'intégralité du chapitre X est lisible sur blog : Les trésors de lys.
Pour aller plus loin, vous pourriez lire le mémoire de diplôme d'état de Sage-femme de Camille Chaillou : Réalisme et symbolique des scènes
d’accouchement dans les Rougon-Macquart de Zola (premier lien Google à télécharger en format PDF) ou La violence dans les Rougon-Macquart / d'Annie Forest.
Bonne journée,