Les bombardements ont-ils commencé avant 1942 ?

Bonjour,

Il faut d’abord souligner que cette stratégie de bombardements n’est pas nouvelle que ce soit du côté des Alliés ou du côté de la Luftwaffe. En effet, il s’agit d’une stratégie déjà bien utilisée depuis la Première Guerre mondiale. Avec la guerre, de vrais progrès techniques tel que le viseur de bombardement se développa, permettant alors ainsi d’inscrire l’aéronautique à l’arc des armes de guerre. Se construisirent alors pendant l’entre-deux guerres de vraies armées de l’air. Ainsi, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale on est déjà bien alertés que l’aviation est un enjeu majeur pour gagner la guerre. Ce point culminera à la fin de celle-ci avec les bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki en août 1945.

Avec les inventions importantes que sont le turboréacteur, le radar et la fusée missile, les raids aériens deviennent des armes de destruction majeures. Tout cela accompagne une volonté grandissante des puissances à vouloir frapper stratégiquement et militairement les villes de bombardements.

Conceptualisée dans les années 1930, cette stratégie militaire est animée par deux objectifs. Le premier objectif est matériel : le but est d’anéantir les industries essentielles pour l’effort de guerre ainsi que des points stratégiques tels que les ponts et chemins de fer afin de faire cesser les hostilités de l’adversaire. Le second objectif est psychologique : on se rend compte qu’en provoquant des destructions massives, l’adversaire est diminué moralement. Les Allemands sont les premiers à avoir bien compris ce principe et en avoir fait une caractéristique principale du Blitzkrieg.

Les raids aériens deviennent alors avec la Seconde Guerre mondiale le phénomène d’une vraie stratégie militaire de guerre. On compte alors sur le sol français 1 570 villes bombardées par les Alliés entre juin 1940 et mai 1945. Les bombardements s’intensifient et sont les plus nombreux en 1944 avec le « Transportation Plan » qui a pour but de retarder les divisions blindées allemandes avec le bombardement massif des axes routiers et gares, en ville notamment, afin de préparer le Débarquement de Normandie.

Toutefois, si la mémoire collective a su mettre en avant les bombardements de 1944 et de la Libération, il faut néanmoins souligner l’existence d’autres raids aériens alliés qui ont lieu dès les débuts de l’Occupation en 1940. Parmi ceux-ci, le célèbre bombardement de Dunkerque ou « Opération Dynamo » selon son nom de code britannique. Alors que les Alliés sont encerclés par les Allemands lors de la campagne de France dans la poche étroite de Dunkerque, ils décident de profiter de cette occasion pour se retirer du sol français pour évacuer les hommes au Royaume-Uni. Ainsi, le 27 mai 1940 dans le feu de cette action, la ville de Dunkerque est bombardée incessamment pendant près d’une semaine jusqu’au 4 juin à la fois par les Allemands mais surtout par les Alliés qui tentent bien que mal d’évacuer leurs soldats de la poche vers la Manche. Cet événement fait près de 1 000 morts dont la majorité est civile. La ville est détruite en grande partie.

Parmi d’autres raids dévastateurs et qui ont lieu avant la fin de la zone libre en novembre 1942, on peut citer celui de l’usine Renault à Boulogne Billancourt en mars 1942. Détournée au profit de l’effort de guerre allemand, l’usine devient une cible privilégiée des Alliés qui n’hésitent pas à lâcher des nombreuses bombes sur le site. Louis Renault s’attache à reconstruire rapidement les infrastructures mais le site est de nouveau bombardé lourdement en avril et septembre 1943…

De même et pour des raisons similaires, il y eût également le bombardement du Creusot le 17 octobre 1942 par la Royal Air Force. Site bombardé une deuxième fois le 20 juin 1943.

Enfin, le 9 novembre 1942 soit trois jours avant la prise de la zone libre par les Allemands, la ville de Saint-Nazaire est également bombardée massivement par les Alliés. Il s’agissait d’un port stratégique très important où les Allemands construisaient et réparaient une partie de leur flotte navale et sous-marine. La ville fut détruite quasiment entièrement.

Ainsi, les bombardements Alliés avant l’Occupation totale de la France ont existé même si ils se sont largement intensifiés une fois que la zone libre fut envahie et surtout lors du Débarquement en Normandie. L'historien français Henri Amouroux dans La Grande Histoire des Français sous l'Occupation estime que les bombardements anglo-américains ont fait environ 52 000 victimes pendant l'épisode normand contre 7 458 civils français pendant les bombardements de toute l’année 1943.
 

Le film débute à Paris en 1942 avec une frappe aérienne alliée. Est-ce alors possible ou est-ce anachronique ?

Nous pouvons estimer que la Grande Vadrouille n’est pas anachronique sur ce point même s’il paraît évident qu’un bombardement sur la ville de Paris de la part des Alliés avant 1942 est un événement fictif (sauf s’il s’agit du bombardement de l’usine Renault cité plus haut). La ville et sa banlieue sont toutefois bombardées à plusieurs reprises en 1943 avant de s’intensifier en 1944 et plus particulièrement à la Libération.

Nous vous conseillons quelques lectures pour approfondir le sujet : 
 

• Cet article de l'historien Jean-Charles Foucrier sur les bombardements avant le Débarquement de Normandie
• La stratégie de la destruction : bombardements alliés en France, 1944 de Jean-Charles Foucrier, éditions Vendémiaire, 2017.
• Les Français sous les bombes alliées  : 1940-1945 d'Andrew Knapp, éditions, Tallandier, 2014. 
• Au-delà des plages : la guerre des Alliés contre la France de Stephen Alan Bourque, éditions Passés Composés, 2019. 
• Le gouvernement du ciel : histoire globale des bombardements aériens de Thomas Hippler, éditions Les Prairies ordinaires, 2014.
• L'atlas des missions aériennes : de la Première Guerre Mondiale à la Guerre du Golfe, Glénat, 2004. 

En vous souhaitant d'agréables lectures ! :)