Question d'origine :
En maçonnerie, que représente Babylone ? Que représente Jérusalem ? Y aurait-il un lien entre les deux ?
Réponse du Guichet

La Franc-maçonnerie s'est inspirée des récits bibliques pour forger ses principes et rituels. Babylone représenterait ainsi l'ignorance et le chaos avec son arrogante "Tour de Babel", alors que Jérusalem associée au Temple de Salomon, symbole de construction de soi et d'élévation spirituelle, incarnerait la connaissance et la sagesse, un idéal à atteindre pour le franc-maçon.
Bonjour,
Même si la franc-maçonnerie est née au sein d’une Europe unanimement chrétienne, l’hébraïsme tient une place importante dans les rituels francs-maçons notamment à travers les hauts grades. Les rituels maçonniques sont en effet construits autour d’épisodes bibliques, notamment celui de l'exode des juifs vers Babylone puis de leur retour à Jérusalem avec la construction du Temple de Salomon.
Que représente Babylone ? Voici un extrait de planche maçonnique qui répond à votre question :
Dans votre monde biblique, Babylone est la ville pécheresse par excellence… La rayonnante Babylone devient par la grâce de l’imagination la ville de toutes les malédictions… Sa grande ziggurat symbolise l’orgueil des hommes et leur incapacité à s’entendre et à s’aimer… Nabuchodonosor est l’archétype du roi maudit… Dans l’apocalypse de Jean, que vous connaissez bien vous les Maçons d’éternité, Babylone incarne la ville du diable, elle est « la grande prostituée »…. C’est l’antithèse de Jérusalem… Une ville qui d’ailleurs fut curieusement détruite au moment même où Babylone atteignait son apogée !
source : Babylone
Entre 597 et 538, Nabuchodonosor, roi de Babylone, prend Jérusalem et brûle son Temple. Le peuple juif va connaître l'exil à Babylone. "Cinquante ans plus tard, lorsque Cyrus, roi de Perse, conquerra la Babylonie, une partie des Hébreux retournera en Palestine pour bâtir un deuxième Temple, tout en demeurant sous la tutelle des Perses." Ce Temple de pierre est voué à accueillir l'Arche d'Alliance, un coffre contenant les Tables de la Loi.
Le parcours du franc-maçon est souvent représenté comme un chemin initiatique symbolisant le retour des exilés de Babylone vers Jérusalem. Le temple emblématique du Roi Salomon à Jérusalem devient le symbole de la connaissance, de la vérité, de la perfection. "Le Franc-maçon dans sa position intermédiaire entre terre et ciel travaille au rapprochement du terrestre et du céleste. L’on dit qu’il a les pieds sur terre et la tête dans les étoiles, il est sous la Voûte céleste dans sa loge près du fil à plomb. Il travaille donc à la réalisation de ce temple éternel absolu."
source : Lafrancmaconnerieaucoeur.com
L’un des principaux mythes maçonniques est le mythe de la construction :
Le mythe de la construction est consubstantiel à la franc-maçonnerie ; elle puise une part de sa symbolique dans l'histoire de diverses constructions, réelles ou légendaires, comme celles des pyramides, de la tour de Babel, du temple de Jérusalem ou des cathédrales. Si le modèle du temple dit de Salomon est celui retenu par la mythologie maçonnique, la construction que pratique le franc-maçon spéculatif s'opère dans un mouvement plus large que l’historien Yves Hivert-Messeca qualifie en 2017 de « constructivisme maçonnique ». Ce constructivisme se base sur les principes de la construction, la déconstruction et reconstruction libre dans le même temps d'un homme ou d'une femme, d'un édifice spirituel et d'un monde meilleur. Le mythe prend ainsi deux directions complémentaires, l'une épistémologique, philosophique, spirituelle, et l'autre culturelle, philanthropique et critique. Ce mythe, par sa force interprétative multiple et adaptable, propose un ensemble d'interprétations à élaborer patiemment, seul ou avec les autres.
Dans les anciens devoirs, le mythe de la construction n'apparaît pas dans le manuscrit Regius (1390) où il n'est fait mention qu'une seule fois du roi Salomon. Le manuscrit Cooke (1410) propose pour sa part un récit mythologique qui devient la base de la légende opérative du temple de Salomon. Cette vulgate est reprise de manière quasi identique par le manuscrit Grand Lodge no 1 (1583) et le manuscrit Watson (1687). Les manuscrits Drumfries (1710) et Graham (1726) reprennent la même trame, en y rajoutant des détails accentuant le caractère chrétien et la religiosité du récit mythique.
Dans la première édition des constitutions d'Anderson en 1723, le mythe s'approprie les éléments bibliques, mais propose le but de la construction comme l'édification d'un « lieu de prière pour toutes les nations », donnant une dimension d'universalité du temple qui tend à rejoindre l’universalisme maçonnique. Dans celle de 1738, le caractère maçonnique du mythe et de la construction est accentué en faisant de Salomon le grand-maître maçon à Jérusalem, la construction et ses protagonistes sont comblés de nombreuses vertus. L'édition de 1738 récupère les écrits bibliques sans se soucier de véracité historique dans un but de glorification, d'antériorité et de légitimation.
Au XVIIIe siècle, le mythe de la construction autour du temple maçonnique sert à l'élaboration d'un espace d'échanges et de débat inter-confessionnel. Les constitutions évoquent l'idée d'un chantier où la quête des vestiges supposés de la maçonnerie et la transmission d'une lointaine tradition maçonnique par les francs-maçons de la première Grande Loge d'Angleterre servent à l'invention d'une langue faite de signes et de mots de reconnaissance, ainsi que d'une parole qui permet aux protagonistes du chantier de se reconnaître, de travailler et de continuer l’œuvre dans l'harmonie.
source : Wikipedia
Le franc-maçon est à la recherche d'une quête spirituelle non seulement personnelle mais à visée universelle :
In fine, ce qui intéresse le Maçon réside moins dans l’édifice achevé que dans le processus de construction. C’est-à-dire qu’il s’agit moins de la convoitise d’un résultat que de la quête elle-même sans souci de conquête. Le Maçon doit d’abord se construire lui-même et apprendre à manier les outils à sa disposition, le maillet et le ciseau, l’équerre et le compas, le niveau et le fil à plomb. Il doit retrouver symboliquement les gestes ancestraux que maîtrisaient les constructeurs du Temple. La référence à une tradition aussi ancienne que celle de la construction du Temple de Salomon montre la permanence chez l’être humain du questionnement sur sa condition et sur son devenir. Elle indique aussi la méthode à suivre, celle du geste simple, comme les coups de maillet sur le ciseau. Une pratique qui ramène à l’essentiel et qui permet d’identifier le superflu. L’homme est devenu homme à partir de l’instant où il a commencé à s’interroger, à chercher à ne plus gesticuler en vain pour économiser les mouvements inutiles. C’est ce processus d’apprentissage du doute que l’Apprenti se voit incité à reprendre lors de son entrée dans la franc-maçonnerie. Cette parole que je m’apprête à prononcer, cet achat qui me tente, ne sont-ils pas superflus ? Voilà l’interrogation qui s’imposera au jeune Maçon, presque contre sa volonté. En se questionnant, en réitérant mille fois le geste, il apprendra à polir la pierre brute, c’est-à-dire à se débarrasser des aspérités qui l’encombrent depuis toujours. L’analogie avec la démarche psychanalytique saute aux yeux. Au cours de l’analyse, le sujet cherche à prendre progressivement conscience des blocages qui peuplent son subconscient pour supprimer les freins et les névroses qu’ils peuvent provoquer dans sa réflexion et son comportement. La construction du Temple de l’Homme relève d’une logique similaire. [...] Par la répétition d’un geste simple, élémentaire, ou par le repliement sur soi, l’homme apprend presque malgré lui à s’épurer de ses scories. Il s’observe agissant et cet acte monotone le ramène à l’essentiel. Une forme de distillation de l’être jusqu’à que ne subsiste plus que son essence première. À ce titre, la franc-maçonnerie est une ascèse intellectuelle. L’homme ainsi dépouillé de ce qui l’encombre peut prendre sa place dans l’édifice collectif. Il devient une pièce du Temple, parfaitement ajusté à l’ensemble de la construction au sein de laquelle il doit s’insérer. Le but de la franc-maçonnerie ne saurait se borner à l’amélioration individuelle. Le franc-maçon travaille à l’amélioration intellectuelle et morale de l’humanité. Ainsi le veut l’histoire de l’Ordre. Ainsi disposent les Constitutions des obédiences françaises. Le Maçon ne doit donc pas se replier sur lui-même, mais s’impliquer dans la cité. S’il cherche l’amélioration personnelle, ce n’est pas par nombrilisme et pour se retirer au sommet d’une montagne, pour contempler avec mépris le monde à ses pieds. Le Maçon, s’il pratique l’ascèse, n’est pas un anachorète, un de ces mystiques qui se réfugiaient en haut d’une colonne, dans les premiers siècles du christianisme, en vue de se retrancher du monde. Le Maçon rêve d’une humanité plus juste et plus éclairée. Et il ne fait pas qu’en rêver. Il se doit de concourir à la construction du Temple de l’Humanité, sachant aussi que, dans ce domaine, il n’existe pas de paradis sur terre, mais que cette triste réalité n’interdit pas de croire au progrès, à une amélioration de la société grâce au travail acharné de quelques-uns.
source : Du Temple de Salomon au Temple de l’Humanité / Gaël CARNIRI La chaîne d'union, 2019/2 N° 88, p.41-51
De nombreux rites et cérémonies maçonniques s'inspirent ainsi de la Bible, notamment de la reconstruction du Temple de Salomon. Pour exemple ici, le grade de l'Arc Royal :
Dès sa naissance, le grade de l’Arc Royal s’appuie à la fois sur la construction du premier et du second Temples de Jérusalem.
Le candidat Maître Maçon comparaît dans la Grande Loge qui se tient à Babylone, où il va recevoir les enseignements nécessaires pour se faire reconnaître comme constructeur compétent à son arrivée à Jérusalem. Il s’agit de la cérémonie du Passage des Voiles. [...]
Le fil conducteur de la cérémonie est bien connu par ceux qui pratiquent les grades au-delà de celui de Maître, que ce soit au Rite Français, au Rite Écossais Rectifié, au R∴E∴A∴A∴ etc. En effet, le candidat incarne un de ces Juifs exilés à Babylone qui, à la suite de Zorobabel, reviennent sur la terre de leurs ancêtres et veulent participer à la reconstruction du Temple de Jérusalem. La première étape – préparatoire à ce retour vers la terre promise – est l’admission du candidat Maître Maçon dans la Grande Loge qui se tient à Babylone, où il va recevoir les enseignements nécessaires pour se faire reconnaître comme constructeur compétent à son arrivée à Jérusalem.
source : Le grade de l’Arc Royal : tout pour la reconstruction du Temple / Bernard Dat - La chaîne d'union, 2008/3 N° 45, p.84-95.
A lire aussi :
Hébraïsme et franc-maçonnerie. Heurs et malheurs d’une filiation incertaine / Roger Dachez - La chaîne d'union, 2010/1 N° 51, p.52-60.
Le Temple, espace-temps symbolique de la franc-maçonnerie
Le temple symbolique des francs-maçons / Dominique Jardin, Roger Dachez
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