Je voulais savoir ce que Lagrange avait dit à S. Germain lors de leur première rencontre
Question d'origine :
Bonjour,
Je voulais savoir ce que Lagrange avait dit à Sophie Germain la première fois qu'il l'a rencontrée et découvert qu'une femme se cachait sous le nom d'Antoine Leblanc.
Par avance merci !
Réponse du Guichet
Si les portes du bureau du mathématicien Joseph-Louis Lagrange lors de sa rencontre avec Sophie Germain nous restent closes, la biographie romancée de la journaliste et biographe Sylvie Dodeller restitue en quelques paragraphes la teneur de l'entretien, une belle illustration des bienfaits du croisement entre littérature et histoire.
Bonjour,
La perspicacité et le talent d'un certain Antoine Augustin Le Blanc aux cours de Joseph-Louis Lagrange à Polytechnique ont suscité la curiosité du mathématicien. Par échange de billets interposés, le prête-plume de Sylvie Germain, sort du lot et impressionne le professeur par ses observations et ses démonstrations mathématiques. Il maîtrise les fonctions dérivées, les intégrales ou le calcul infinitésimal et ainsi, selon la légende communément admise, aurait été convoqué par le scientifique pour une rencontre.
C'est en tout cas notamment la thèse de la journaliste et biographe Sylvie Dodeller dans son livre Sylvie Germain : la femme cachée des mathématiques (2020) ou de Dora Musielak dans Sophie's Diary, a mathematical novel (2012) qui, toutes deux expliquent que Sylvie Germain aurait emprunté une identité pour correspondre avec le mathématicien, s'appuyant pour cela sur les archives de l'école Polytechnique et de l'école des Ponts-et-Chaussées, et introduisent le personnage de A.A Le Blanc.
Voici comment Sylvie Germain raconte dans son livre le moment de la première rencontre entre les deux mathématiciens. Elle aurait eu lieu dans son bureau de l'école polytechnique, institution habituellement fermée aux femmes, et en compagnie de la Mme Germain, sa mère. Ce petit passage, certes romancé, relate la teneur de l'entretien et donne une vue d'ensemble sur ce qui s'y serait dit. Si l'échange ne peut être reconstitué mot à mot historiquement, le roman et la littérature, lorsque adossés à des sources, permettent de reconstituer la scène :
Et c'est ainsi que Sophie Germain est entrée à Polytechnique. C'est une façon de parler, évidemment. Sa présence dans les murs de l'école a duré le temps d'un rendez-vous avec Lagrange, même pas en tête à tête, puisqu'elle ne peut faire un pas au-dehors sans être accompagnée par Mme Germain, sa mère et son fidèle Chaperon.
(...)
Sophie a la gorge complètement nouée, même un couinement de souris ne pourrait s'en échapper. Elle est complètement impressionnée qu'elle se sent minuscule, insignifiante, incapable d'intéresser un si grand savant.
Et elle se trompe.
Le génie qui la reçoit dans son cabinet de travail avec un fort accent italien est un homme singulièrement doux, courtois, presque timide. Il l'interroge avec beaucoup de bienveillance sur son parcours d'autodidacte et son intérêt pour les mathématiques. Entre deux questions, il fouille dans un tiroir, en sort une liasse de billets qu'il pose devant elle. Elle rougit lorsqu'elle aperçoit la signature de Le Blanc et s'interrompt. Mais Lagrange la rassure, il ne l'a pas fait venir ici pour évoquer la supercherie, dont il n'a cure, mais pour parler de ses équations. C'est tout ce qui compte à ses yeux. Certaines sont remarquablement bien menées, d'autres démonstrations méritent quelques simplifications qu'il aimerait lui montrer. Surtout, il est curieux de savoir ce qui lui a fait penser à utiliser cette fonction d'Euler pour résoudre ce problème. Tous deux se penchent sur les billets...
Sophie sort de cet entretien gonflée à bloc.
Joseph Louis-Lagrange l'a encouragée à aller plus loin et l'a confortée dans sa vocation. Il a vu en elle une graine de mathématicienne.
Source : Sylvie Dodeller, Sophie Germain : la femme cachée des mathématiques (extrait lisible sur Google Books).
Bonne journée,