Question d'origine :
dans la fin des terroirs d'Eugen Weber, il parle des victimes d'une partie de soule... quel est le bilan
Réponse du Guichet

Eugen Weber aborde brièvement le jeu de Soule et sa violence dans son ouvrage La fin des terroirs. Mais il s'en tient à des propos généraux, et s'il évoque une partie de soule prévue lors de Mardi gras 1851, c'est pour préciser que celle-ci a été empêchée par un important déploiement de forces de l'ordre. La consultation des sources auxquelles il se réfère ne nous a hélas pas permis d'en apprendre plus sur cette partie.
Bonjour,
Dans le chapitre 21 de La fin des terroirs, Eugen Weber analyse la progressive disparition des festivités traditionnelles, il aborde brièvement le jeu de soule, dans un paragraphe consacré aux efforts des autorités pour empêcher la tenue de jeux qui donnaient lieu à des affrontements réguliers. Il mentionne en effet le caractère violent de cette activité, et les vestiges de sa pratique qui subsistent notamment dans les patronymes et toponymes de certaines régions. Mais nous n’avons pas trouvée de description d’une partie de soule en particulier, et moins encore de décompte des victimes. Il s’en tient à des propos assez généraux, et la seule partie spécifique qu’il décrit est justement une partie que les autorités ont réussi à empêcher (provisoirement) pp. 549 – 550 de l’édition 1983:
Pour les paysans, les jeux n’étaient pas des jeux, surtout quand il y avait compétition. […] Par-dessus tout, quand il s’agissait des divers jeux de ballon ressemblant grosso-modo au rugby ou au hockey, et qui étaient très souvent joués par des équipes de village ou de hameau. De la Bretagne à la Picardie, la soule (choule) ou ses variantes subsistèrent jusqu’à la fin du siècle, et dans quelques endroits plus tard encore, malgré les nombreuses tentatives pour l’interdire. La popularité du jeu se reflète encore dans de nombreux noms de famille, de la Bretagne à l’Artois (come Chouleur, Cholet, La Cholleux, Le Choulloux, Le Solleux) dans des noms de lieux (par exemple, la vallée de la Solle dans la forêt de Fontainebleau) et dans les usages linguistiques (en Normandie, lancer un chien contre quelqu’un se dit chouler un chien contre). Le jeu était saisonnier, et on ne le jouait que du carnaval jusqu’au mois du Carême, ce qui indique qu’il ne s’agissait pas d’une simple distraction, même sanglante. Bien sûr, il reflétait les rivalités communales et les perpétuait en créant de nombreuses frictions. Un jeu de soule durait de nombreuses heures, et se terminait avec un grand nombre de joueurs blessés, voire avec des morts. Il n’est pas surprenant que les autorités l’aient désapprouvé, faisant de leur mieux pour le supprimer. Et globalement, elles y parvinrent. Dans le nord-ouest de l’Orne, à Bellou-en-Houlme, où le jeu annuel (joué avec une balle en cuir bourrée de son qui pesait quelques six kilos) impliquait plusieurs centaines de participants et près de 6000 spectateurs attirés par sa réputation sanglante, il fallut quatre brigades de gendarmes pour arrêter la partie à Mardi gras, en 1851. Le jeu fut joué en cachette le dimanche suivant, et pendant quelques années encore, mais la clandestinité lui enlevait beaucoup de ses attraits. Il fut abandonné, comme sa contrepartie voisine de Saint-Pierre d’Entremont, également délaissée dans les années 1850 après d’importantes démonstrations de force de la part des autorités.
Nous avons consulté les sources auxquelles se réfère ce paragraphe:
Marcel Hemery, Le jeu de la Choule dans l’Oise, Bulletin folklorique d’Ile de France, pp. 3-11
Olivier Perrin et Alexandre Bouet, Breiz-Izel ou la vie des Bretons de l’Armorique, Seghers, 1986
Jules Lecoeur, Esquisses du Bocage normand. Condé-sur-Noireau, 1883
Hélas, celles-ci ne nous ont hélas pas permis de déterminer d’où provenaient les informations sur cette partie particulière, ni d’obtenir un bilan de celle-ci.
Vous souhaitant bonnes lectures,
Le département civilisation