Est-ce que dans le monde les copies sont corrigées en rouge par les professeurs ?
Question d'origine :
Bonjour !
J'aimerais savoir si dans tout les pays les copies sont corrigées en rouge par les professeurs et en vert par les élèves.
Merci
Julien
Réponse du Guichet
Si le rouge semble être utilisé par des enseignant.e.s des quatre coins du monde pour la correction des copies, son usage est de plus en plus décrié et remplacé par d'autres couleurs ou des crayons à papier. Le rouge est jugé trop agressif, stressant et vecteur d'émotions négatives chez l'enfant. Quant au vert son usage ne semble pas être universel pour la correction des élèves. De manière générale, on peut dire que les pratiques de correction varient considérablement d'un pays à l'autre et même d'un établissement à l'autre au sein d'un même pays.
Bonjour,
L'utilisation de la couleur rouge pour les corrections est très ancienne. Un article intitulé Une tablette égyptienne de 4000 ans, criblée de fautes et corrigée en rouge nous apprend que cette pratique remonterait à l'Antiquité !
Le MET de New York abrite ainsi certains trésors insolites, comme cette tablette d’exercices, qui permettent de démystifier un peu le rapport à la langue des anciens. Produite entre 1981 et 1802 av. J.-C., la tablette est enduite de gesso, une sous-couche traditionnelle qui en uniformise la surface.
Ces planches étaient régulièrement blanchies à la chaux pour être réutilisées et faisaient office d’outil pour les élèves scribes. Comme l’indique le musée, la pièce de bois porte encore des traces d’écritures antérieures à la rédaction fautive. Le texte principal, composé par le scribe négligent, est un modèle de lettre classique, que l’élève était sans doute supposé mémoriser.
4000 ans plus tard, on aperçoit toujours distinctement le trait rouge d’un professeur sûrement un peu fatigué…
Comme le confirme l’égyptologue Hayes, William C, l’exercice a été réalisé par un jeune homme nommé Iny-su, fils de Sekhsekh, qui se dit « serviteur du domaine ». Après un long préambule, dans lequel les dieux de Thèbes et des villes adjacentes sont invoqués, la lettre évoque finalement la livraison de diverses parties d’un navire.
Cette tablette n’est pas la seule pièce du Metropolitan Museum of Art à proposer une graphie peu professionnelle. Une autre planche, datant de 2030 av JC, montre des hiéroglyphes mal formés à l’espacement irrégulier, sans doute un exercice de calligraphie pour grand débutant.
Son usage aurait une réelle dimension historique, notamment dans l'imprimerie, même s' il a pu varier au cours du temps. C'est ce que nous résume un billet intitulé "Petite histoire de la correction en rouge" dont voici quelques extraits :
Les mentions de corrections en rouge dans les manuscrits médiévaux sont très rares, et cette pratique semble avoir disparu tout à fait avec l’invention de l’imprimerie, et ce, pour plusieurs siècles.
Cependant, dans les premiers temps de la typographie, où l’on ne connaissait pas encore les errata, l’imprimeur anglais William Caxton [v. 1422 – v. 1492] corrigeait dans les tirages définitifs, à la plume et à l’encre rouge, les fautes d’impression qu’il avait commises4.
Le manuscrit de la traduction des Psaumes (1517) par Martin Luther (1483-1546) porte également des corrections en rouge5. On peut en voir une page sur Alamy.
Plus tard, on a aussi observé la présence de quelques marques au crayon rouge, de la main de César de Missy, dans un manuscrit de Voltaire, la pièce Mahomet, datée de 17426. Missy était alors chapelain de l’église française de Saint-James à Londres, et Voltaire souhaitait qu’il l’aide à y faire éditer sa pièce.
Le rouge des épreuves
Selon Michel Pastoureau7, le rouge est la « couleur première » (penser à l’art pariétal), bien avant de devenir une des trois couleurs primaires. Aristote le situe « à mi-chemin entre le blanc et le noir, aussi éloigné de l’un que de l’autre ». « Sans rival pendant des siècles, voire des millénaires », il est « symboliquement plus fort que n’importe quelle autre couleur ». Le rouge de la justice, de la faute, de la punition, entre autres, avait tout pour se glisser entre le blanc du papier et le noir de l’encre. Son symbolisme explique, d’ailleurs, pourquoi il est parfois mal perçu par les écoliers, comme par certains auteurs.
Pastoureau date l’apparition du rouge dans les épreuves d’imprimerie de la fin du XIXe siècle8. Il l’illustre par une double page d’un jeu d’épreuves de Jamais un coup de dés n’abolira le hasard9, « grand poème typographique et cosmogonique » (P. Claudel) et ultime œuvre de Stéphane Mallarmé, en 1897.
[...]
L’encre rouge était aussi employée dans l’édition musicale. En témoigne la notice d’un manuscrit de Ravel possédé par la BnF : 3 Poèmes de Stéphane Mallarmé. Il s’agit des secondes épreuves corrigées de l’édition pour chant et piano, par A. Durand & fils, 1914. « Les corrections au crayon, de la main de Jane Bathori ; à l’encre rouge du correcteur des éditions Durand11. »
[...]
Cependant, dès 1855, Théotiste Lefevre écrit que « les corrections ajoutées après coup sur une épreuve déjà lue, ou quelquefois corrigée, doivent être entourées ou écrites à l’encre rouge, afin d’éviter, pour leur recherche, une perte de temps inutile13 ».
À la suite de son confrère, le même souci est exprimé par Daupeley-Gouverneur (1880) : « […] il [le correcteur] relit cette dernière épreuve, revêtue du visa de l’auteur, en ayant soin de distinguer ses propres corrections par une encre de couleur différente14. »
On ne trouve aucune mention de la couleur des corrections dans la Circulaire des protes (bulletin de la Société des protes de province, la collection disponible en ligne couvrant la période 1895-1940).
Dans les années 1920, les rares allusions qu’y fait Louis-Emmanuel Brossard15 montrent que l’usage n’est toujours pas fixé :
• […] sur le manuscrit [en cas de bourdon], le passage omis est entouré d’une manière spéciale (au crayon bleu ou rouge, ou autrement) […].
• Le correcteur signale — au crayon bleu, à l’encre rouge ou de toute autre manière, suivant les conventions — les lettres d’œil différent.
• Sur la copie, le terme illisible est entouré d’un trait de crayon rouge ou bleu très apparent, destiné à attirer l’attention de l’auteur […].Les corrections en rouge apparaissent seulement, par l’exemple, dans les protocoles publiés par Charles Gouriou (196116) et par Daniel Auger (197617)
La correction de l'enseignant.e à l'encre rouge semble être devenue une convention quasi internationale puisqu'au gré de nos recherches, nous en avons trouvé mention en divers endroits de la planète, Royaume-Uni, États-Unis, Japon, Australie, comme en Afrique...
Cependant, aujourd'hui, son usage est remis en cause dans le système éducatif car le rouge serait jugé trop agressif et pouvant générer des émotions négatives chez les enfants. De nombreux enseignant.e.s optent pour d'autres couleurs, voire pour le crayon à papier.
La couleur verte semble également être très utilisée par les élèves pour leurs corrections mais dans certains pays, l'encre verte peut être l'apanage de personnes faisant autorité. En témoigne cette discussion en Inde où le vert est réservé aux directeurs d'école.
Les pratiques de correction peuvent ainsi varier considérablement d'un pays à l'autre et même d'un établissement à l'autre au sein d'un même pays.
Quelques documents pour aller plus loin :
- Quel effet de la couleur rouge sur les performances cognitives des élèves en cycle 2 ? / Julien Cotet
- Seeing red: Quality of an essay, color of the grading pen, and student reactions to the grading process / Richard L. Dukes, Heather Albanesi - The Social Science Journal, 23 October 2012
- Color and psychological functioning: The effect of red on performance attainment /
- The red ink : Japanese way of strength-based correction in Ghanaian schools / Vivian Maanu, Ebenezer Bonyah, Seth Amoako Atta et Lauren Jeneva Clark
Bonne journée.
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