Je cherche de la documentation sur ce qui régit de façon tacite les relations sociales

Bonjour,

Le concept de normes sociales est un concept clé des sciences sociales. Il désigne les comportements (prescrits ou proscrits) attendus par la société ou un groupe social et sont définis à un moment donné, dans un groupe ou un milieu donné. On distingue les normes sociales informelles des normes écrites.

Les normes sociales, ces règles qui nous guident dans la société
Normes sociales, normes morales, et modes de reconnaissance

Ces normes varient selon les cultures et les contextes sociaux. Elles évoluent avec le temps et peuvent différer d’un groupe à un autre.

Définition des normes sociales et de ses concepts connexes

S'intéresser aux normes sociales suppose également de s'intéresser à la manière dont ces normes contribuent à la régulation et la cohésion sociale. En effet, leur non-respectplace de facto l'individu fautif à la marge" du groupe et il pourra être sanctionné, de manière formelle (en fonction d'une norme écrite) ou informelle (sanction morale, brimades, exclusion, etc. voire ostracisme...)

Une très vaste littérature interdisciplinaire existe sur ce sujet.

• Sociologie : Elle analyse comment les normes sociales structurent les interactions entre les individus et influencent les institutions sociales.
• Anthropologie : Cette discipline examine les normes au sein de différentes cultures, explorant leur origine, leur évolution et leur rôle dans la cohésion sociale.
• Psychologie sociale : Elle s'intéresse à la manière dont les normes affectent les comportements individuels, notamment à travers les processus d'influence sociale et de conformité.
• Économie comportementale : Elle étudie l'impact des normes sociales sur les décisions économiques des individus, remettant en question le postulat de la rationalité pure.
• Science politique : Elle analyse comment les normes influencent les comportements politiques, la formation des opinions publiques et le fonctionnement des institutions politiques.

Ces disciplines offrent des perspectives complémentaires pour comprendre la formation, la transmission et l'impact des normes sociales sur les comportements humains et les structures sociétales.

Les auteurs de référence sur les normes sociales incluent des figures majeures en sociologie, philosophie et psychologie sociale. Voici une liste des principaux contributeurs et leurs apports :

Auteurs classiques

• Émile Durkheim : Considéré comme un pionnier dans l'étude des normes sociales, il les définit comme des règles de conduite socialement sanctionnées, issues de la "conscience collective". Il explore leur rôle dans le maintien de la cohésion sociale, notamment dans La Division du travail social et L'Éducation morale.
• Max Weber : Il analyse les normes sociales à travers le concept de "conduite de vie" et leur lien avec la religion et l'éthique, notamment dans L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme. Weber met également en lumière les aspects motivationnels et contraignants des normes.
• Marcel Mauss : Connu pour ses travaux sur le don, il examine comment les normes sociales structurent les échanges interpersonnels et renforcent les liens sociaux.

Auteurs modernes

• Peter Berger & Thomas Luckmann : Dans La Construction sociale de la réalité, ils expliquent comment les normes sont intériorisées par les individus à travers la socialisation.
• Howard S. Becker : Il explore la déviance sociale en tant que reflet des normes dominantes dans Outsiders: Études de sociologie de la déviance.
• John Searle : Il met en avant les effets performatifs des normes sociales, où le langage ne se limite pas à décrire mais agit sur le réel.

Contributions contemporaines

• Adrian Chung & Rajiv Rimal : Ils proposent une analyse théorique approfondie sur l'influence des normes sociales sur les comportements individuels et collectifs.
• Neville et al. (2021) : Cet article explore le rôle des normes sociales dans la coordination des comportements humains. Il met en avant leur fonction de guide dans les interactions quotidiennes, en aidant à prévoir les actions des autres et en facilitant la coexistence harmonieuse au sein des groupes sociaux.

Vous retrouverez l’ensemble de ces références ainsi que d’autres auteurs dans ce podcast très éclairant réalisé par des doctorants: Les normes sociales, ces règles qui nous guident dans la société.

Sans connaitre l'objectif de votre demande (préparer un cours, rédiger un devoir universitaire ou un article, se documenter pour réaliser un documentaire ou une émission...), nous vous proposons d'autres modalités d'accès à différentes ressources sur le sujet et quelques exemples :

• Liste de documents à partir du catalogue de la bibliothèque municipale de Lyon avec les mots clés "normes sociales"
• Liste (à rallonge) des ressources pointées par Cairn sur le concept de "nomes sociales" que vous pouvez filtrer par discipline ou affiner en ajoutant "implicites"
• reproduire cette recherche à partir de Google Scholar ou le portail Hal de la science ouverte 
• Les normes sociales entre accords et désaccords/ Pierre Demeulenaere
• La dimension implicite de la norme par Isabelle Pariente-Butterlin, Multitudes; 2008- n°34

Sur le curriculum caché

Le concept de curriculum caché désigne les apprentissages implicites qui se produisent dans les environnements éducatifs, au-delà des contenus formels enseignés. Ces apprentissages incluent des normes, valeurs, croyances et comportements transmis de manière informelle à travers les interactions sociales, les routines et les structures scolaires.

C'est donc dans le domaine de la sociologie de l'éducation que l'on trouvera les auteurs ayant contribué à définir et enrichir la compréhension de la notion de curriculum caché. Ils sont cités dans cet article de Julien Netter (Cultures et inégalités à l'école ) qui en explique le développement de Durkheim à aujourd’hui en citant notamment de nombreux auteurs anglo saxons.

• Philip W. Jackson est introduit ce concept dans son ouvrage Life in Classrooms (1968). Selon lui, le curriculum caché fait référence aux leçons apprises sans intention explicite, telles que la transmission de règles sociales non écrites et de comportements attendus. Il est souvent lié à des éléments culturels et institutionnels spécifiques à chaque établissement ou programme éducatif. Ces leçons ne sont pas explicitement enseignées mais influencent profondément les étudiants, comme apprendre à respecter des normes sociales ou à gérer des relations interpersonnelles. Le curriculum caché complète ou contredit parfois le curriculum officiel, en façonnant les expériences éducatives de manière informelle. D’un point de vue apprentissage, les élèves issus de milieux différents sont affectés différemment par le curriculum caché, qui alors peut renforcer ou atténuer les inégalités éducatives. Dans certains cas, il peut transmettre des valeurs qui ne sont pas alignées avec les objectifs éducatifs explicites, comme la conformité aux normes dominantes au détriment de l'individualité. D’un point de vue sociétal, l’impact est évident : en intervenant sur la socialisation des étudiants, il contribue à reproduire des structures sociales existantes, comme les hiérarchies de classe ou les inégalités.
• C’est ce que reprendront Bowles et Gintis, dans une perspective marxiste, en 1976 démontrant que le curriculum caché contribue bel et bien au maintien des structures de classe en préparant les élèves à accepter les hiérarchies sociales.
• Jean Anyon, a quant à elle analysé comment le curriculum caché varie selon les contextes socio-économiques, révélant des disparités dans la préparation des élèves en fonction de leur classe sociale.
• Enfin, Michael Apple a approfondi l'idée que le curriculum caché est un outil idéologique, façonnant les normes et valeurs sociales tout en renforçant les inégalités structurelles.
• Du côté des auteurs francophones, on peut citer Philippe Perrenoud pour ses travaux sur le curriculum caché dans ses dimensions implicites liées aux routines scolaires et aux apprentissages non explicités (Métier d'élève et sens du travail scolaire, 1995).
• Bernard Lahire, dans la lignée des Héritiers de Bourdieu et Passeron, très connu pour ses travaux sur la socialisation scolaire, a étudié comment les pratiques éducatives et les attentes implicites influencent la réussite scolaire.
• Olivier Maulini s'est intéressé à la morale implicite transmise par l'école à travers le curriculum caché, notamment en lien avec les valeurs sociales véhiculées (Entre curriculum formel et curriculum caché. Quelle morale l’école enseigne-t-elle en réalité ? Education et sociétés,42).
• Julien Netter, «Qu’attend-on de moi?» Le curriculum invisible, ce que l’école française n’enseigne pas, approfondit dans cet article une piste ouverte par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron dans les années1960 en s’interrogeant sur ce que l’école n’enseigne pas, mais qui est nécessaire pour y apprendre.
• Angela Barthes et Yves Alpe ont exploré le curriculum caché dans des contextes spécifiques comme l’éducation au développement durable, mettant en lumière ses dimensions idéologiques et transdisciplinaires.

L'ensemble de ces analyses s'appuient sur des exemples et expériences concrètes que nous vous invitons à découvrir par leur lecture !