Quels sont les faits d'armes ou de résistance de la famille Manouchian ?
Question d'origine :
Bonjour ,
je voudrais savoir les faits d'armes ou de résistance de la famille Manouchian ?
N'étant au courant de ce qui les mènent au : Panthéon ....
Réponse du Guichet

Le 21 février 2024, 80 ans jour pour jour après sa mort, le corps du résistant d'origine arménienne Missak Manouchian (1909-1944) est entré au Panthéon, accompagné du corps de son épouse Mélinée Manouchian (1913-1989).
Vingt-trois autres noms résistants membres des Francs-tireurs et partisans-Main d’œuvre immigrée (FTP-MOI), exécutés eux aussi par les nazis, ont été gravés dans la crypte du Panthéon.
Missak Manouchian est honoré par la République pour son engagement durant la guerre, inséparable de son attachement à la France. L'hommage national honore aussi tous les étrangers engagés dans la Résistance en France.
Les ressources proposées ci-dessous vous permettront d'approfondir le parcours de Missak et Mélinée Manouchian ainsi que les faits d'armes et de résistance de Missak Manouchian et des membres des FTP-MOI.
Bonjour,
Vous souhaitez connaître les faits d'armes ou de résistance de la famille Manouchian et de ce qui les mène au Panthéon le 21 février 2024.
En préambule, sachez que vous pouvez retrouver l'histoire du Panthéon sur le site du Panthéon, Centre des monuments nationaux. Édifié au XVIIIe siècle au coeur du Quartier latin par l’architecte Jacques-Germain Soufflot, et classé au titre des Monuments Historiques, la genèse du Panthéon est intimement liée à Louis XV qui pose la première pierre du Panthéon en 1764 dans le but de reconstruire l'église Sainte-Geneviève.
L’église Sainte-Geneviève, devenue Panthéon à la Révolution, a, tout au long du XIXe siècle, oscillé entre sa fonction d'église et de temple mémoriel. Un véritable tournant s'opère sous la IIIe République, en 1885 avec la mort de Victor Hugo pressentie comme un enjeu politique : "on va alors transformer le monument en Panthéon de manière définitive, avec l'usage qu'on lui connaît depuis", nous raconte David Madec, administrateur du Panthéon, Centre des monuments nationaux.
Quelles sont les critères pour être panthéonisé ? Sous la Ve République, "De Gaulle en fait un usage politique : l'entrée au Panthéon n'est ni codifiée dans la Constitution, ni dans les lois : c'est le Président de la République qui, en accord avec les familles, décide de qui entre au Panthéon", constate David Madec.
Depuis la Présidence Macron, plusieurs grandes figures sont entrées au Panthéon, dont Simone Veil en 2018, l'écrivain et ancien poilu Maurice Genevoix en 2020, Joséphine Baker en 2021 et le couple Missak et Mélinée Manouchian en 2024.
Le 21 février 2024, Missak Manouchian (1909-1944) résistant d'origine arménienne et sa femme Mélinée Manouchian (1913-1989), entrent au Panthéon.
80 ans jour pour jour après sa mort, Missak Manouchian est entré au Panthéon accompagné de son épouse Mélinée. Missak et Mélinée Manouchian sont le quatrième couple à entrer au Panthéon comme l’ont été en leur temps les couples Marcellin et Sophie Berthelot (1907), Pierre et Marie Curie (1995), Simone et Antoine Veil (2018). Missak Manouchian est honoré par la République pour son engagement durant la guerre, inséparable de son attachement à la France. L'hommage national rend aussi hommage à tous les étrangers engagés dans la Résistance en France.
Le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé le 18 juin 2023 vouloir honorer Missak Manouchian, résistant d’origine arménienne fusillé le 21 février 1944 au Mont-Valérien et déclaré mort pour la France. Missak Manouchian a été inhumé au Panthéon aux côtés de sa femme Mélinée lors d’un hommage solennel à l'occasion des 80 ans de son exécution. Une plaque a été également apposée pour honorer leurs camarades. À travers cet événement, le président de la République a rendu hommage à tous les étrangers engagés dans la Résistance en France durant la Seconde Guerre mondiale.
Voir la cérémonie d’entrée au Panthéon présidée par le Président de la République Emmanuel Macron.
Source : Éduscol (site de l'Éducation Nationale)
La revue l'Humanité dans son article Missak, Mélinée et les camarades au panthéon souligne qu'avec l'entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manoukian, c'est "toute la Résistance communiste et étrangère qui se voit honorée à la hauteur de son sacrifice pour libérer la France".
Les communistes sont entrés au Panthéon. Le corps du résistant d’origine arménienne Missak Manouchian repose désormais avec celui de son épouse Mélinée dans le temple républicain. Vingt et trois autres noms ont été gravés dans la crypte. Vingt et trois autres résistants membres des FTP-MOI, exécutés eux aussi par les nazis avec Missak Manouchian, il y a quatre-vingts ans.
Joseph Epstein, Marcel Rajman, Joseph Boczov, Rino Della Negra, Celestino Alfonso, Georges Cloarec, Olga Bancic… Vingt et trois noms pour honorer toute la Résistance communiste, qui n’était pas encore représentée au Panthéon, alors qu’elle a versé son sang sans compter. Vingt et trois noms qui célèbrent la part cruciale prise par les étrangers pour libérer la France du fascisme. [...]
Source : L'Humanité
Retour sur une vie d'engagement : rescapé du génocide arménien, figure communiste de la communauté arménienne réfugiée en France et figure de la résistance dans un Paris occupé, Manouchian fut aussi poète.
Rescapé du génocide arménien, Manouchian, arrivé en France en 1924, devient un ouvrier communiste, amoureux des Lettres et figure importante de la communauté arménienne réfugiée en France au sein de laquelle il rencontre sa future épouse Mélinée. Entre 1941 et 1942, il devient sous le pseudonyme de "Georges" le responsable politique de la section arménienne de la Main d’œuvre immigrée (MOI). En février 1943, il entre dans l’organisation clandestine Francs-tireurs et partisans-Main d’œuvre immigrée (FTP MOI), alors seul groupe résistant à mener des actions de lutte armée contre l’occupant à Paris. Arrêté en région parisienne le 16 novembre 1943 par les brigades spéciales de la police française et livré aux allemands, il est condamné à mort le 19 février 1944 avec vingt-deux de ses camarades et fusillé le 21 février 1944 au Mont-Valérien à Suresnes avec la plupart de ses camarades et d’autres résistants. Sa veuve Mélinée Manouchian est nommée chevalier de la Légion d’honneur le 31 décembre 1986, trois ans avant sa mort en décembre 1989. Elle ne cessera jamais d’honorer la mémoire de son mari et de veiller à sa reconnaissance posthume : elle fera paraître plusieurs recueils de ses poèmes écrits en arménien et fondera l'Amicale des anciens résistants français d'origine arménienne.
Voici quelques extraits de la biographie de Missak Manouchian à retrouver sur le site Éduscol :
Missak Manouchian naît le 1er septembre 1906 dans une famille arménienne à Adiyaman, village de l’Empire ottoman, à l’est de l’actuelle Turquie. Ses parents figurent parmi les victimes du génocide perpétré à partir d'avril 1915 par le pouvoir ottoman contre les Arméniens et dont le bilan s'élève à près d'un million et demi de morts. Réfugié avec son frère dans un orphelinat au sein de l’actuel Liban, il apprend le métier de menuisier et se consacre à la lecture et à l’écriture poétique. [...]
Arrivé en France en 1924, Missak Manouchian exerce son métier de menuisier à Marseille. Passionné par la littérature arménienne et française, il fonde une revue littéraire et adhère au Parti communiste au lendemain de la manifestation anti-parlementaire du 6 février 1934 menées par les ligues d’extrême-droite. Il rejoint également la section française du Comité de secours de l’Arménie, ce qui lui donne une place importante au sein de la communauté arménienne réfugiée en France. Il y rencontre Mélinée Soukémian dont les parents ont également péri dans le génocide et se marient en 1936. [...]
Fin juin 1941, il est interné au camp de Royallieu à Compiègne par les Allemands qui procèdent alors à des arrestations préventives dans les milieux communistes dans le contexte de l’opération Barbarossa. Libéré faute de charges, il reprend son activité militante et intègre la Main d’œuvre immigrée (MOI), structure créée par le Parti communiste pour encadrer les immigrés et les réfugiés arrivés en France dès la fin de la Première Guerre mondiale. Il devient sous le pseudonyme de "Georges" le responsable politique de la section arménienne, entre la fin 1941 et le début 1942. [...]
En février 1943, il entre dans l’organisation clandestine Francs-tireurs et partisans-Main d’œuvre immigrée, alors seul groupe résistant à mener des actions de lutte armée contre l’occupant à Paris. Nommé commissaire militaire de la région parisienne en août 1943, il a sous ses ordres une cinquantaine de militants. Il est arrêté en région parisienne le 16 novembre 1943 par les brigades spéciales de la police française après une longue filature et livré aux Allemands. Missak Manouchian est condamné à mort le 19 février 1944 avec vingt-deux de ses camarades. [...]
Missak Manouchian, interné à la prison de Fresnes, adresse sa dernière lettre à Mélinée. Il se considère comme un soldat tombant pour la France : Consulter l’archive originale (recto verso) de la lettre de Missak Manouchian à Mélinée, sur le site du Mémorial du Mont-Valérien.
Retrouvez ci-dessous un extrait de la dernière lettre de Missak à sa femme Mélinée :
Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand [...]. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur ! à tous !
Source : Éduscol (site de l'Éducation Nationale)
Reconnaissance posthume
Missak Manouchian a reçu la médaille de la Résistance à titre posthume par décret du 31 mars 1947. La mention "Mort pour la France" lui est attribué en 1971. Outre cette reconnaissance posthume et son entrée au Panthéon en 2024, sa mémoire a été portée par ses proches et des intellectuels français :
La mémoire de Manouchian a été portée par sa veuve Mélinée, mais aussi par d’anciens résistants ou intellectuels. Paul Éluard publie en 1950 le poème "Légion" (dans le recueil Hommages) qui insiste sur les liens des résistants étrangers avec la France : "Ils avaient dans leur sang le sang de leurs semblables / Ces étrangers savaient quelle était leur patrie". C’est en 1955 que Louis Aragon écrit le poème "Strophes pour se souvenir"(intégré au Roman inachevé) inspiré de la dernière lettre de Missak à Mélinée, à l’occasion de l’inauguration d’une rue du "Groupe Manouchian"dans le 20e arrondissement de Paris. Le chanteur et compositeur Léo Ferré en fait une chanson, "L’Affiche rouge" (1961) qui contribue à populariser ce texte. Le groupe Feu! Chatterton en a fait une interprétation remarquée lors de l’hommage solennel le 21 février 2024.
Les faits d’armes de Manouchian et de ses camarades ont été portés à l’écran notamment par Frank Cassenti dans L’Affiche rouge (1976, prix Jean Vigo) et Robert Guédiguian, L’Armée du crime (2009). L’auteur Didier Daeninckx lui a consacré un roman Missak (2009), ainsi qu'un album jeune public, Missak, l'enfant de l'affiche rouge (2009), illustré par Laurent Corvaisier. Jean-David Morvan et Thomas Tcherkézian ont conçu la bande dessinée Missak, Mélinée et le groupe Manouchian, les fusillés de l'Affiche rouge (2024).
Source : Éduscol
La panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian offre pour les programmes de l'Éducation Nationale l’occasion d’étudier la Résistance, et notamment les résistants étrangers, de façon incarnée et de réfléchir à la notion d’engagement. À titre d’exemple, une piste pédagogique est accessible sur le site académique de Nantes : Missak Manouchian, itinéraire d’un engagement à travers l’histoire du XXe siècle. Dans ce projet filé sur l’année 2023-2024, proposé par l’académie de Nantes, les élèves de 3e étudient les étapes de son parcours en lien avec les programmes d’histoire et d’enseignement moral et civique, en vue de produire un discours d’entrée au Panthéon.
Références bibliographiques à retrouver à la BmL
Manouchian : Missak et Mélinée Manouchian, deux orphelins du génocide des Arméniens engagés dans la Résistance française / Astrig Atamian, Denis Peschanski, Textuel, 2023
Missak et Mélinée Manouchian [D.V.D.] / Katia Guiragossian, réal., 2023
Mélinée et Missak Manouchian, une histoire française : la mémoire du groupe des 23 / sous la direction de Sylvain Boulouque, Dominique Moncond'huy, 2024
Missak Manouchian : mort pour la France / scénario Pécau ; dessin Ocana, 2024
Mélinée et Manouchian : un couple en Résistance / Gérard Streiff ; préface de Didier Daeninckx, 2024
Manouchian, Témoignage, suivi de poèmes, lettres et documents / Mélinée Manouchian, éditions Parenthèse, 2023
Ivre d'un grand rêve de liberté / Missak Manouchian, Poésies (trad. Stéphane Cermakian), 2024
L'affiche rouge / Benoît Rayski, 2024
Les commandos de l'Affiche rouge : la vérité historique sur la première section de l'Armée secrète / Arsène Tchakarian, 2012
Avec le groupe Manouchian : les immigrés dans la Résistance / Didier Daeninckx, 2010
Le Sang de l'étranger : les immigrés de la MOI dans la Résistance / Denis Peschanski, Stéphane Courtois, Adam Rayski, 1994
Ils étaient juifs, résistants, communistes / Annette Wieviorka, réédition augmentée Perrin, 2018.
Raphaëlle Bellon et Fabrice Grenard, «Missak et Mélinée Manouchian, un couple en Résistance» La Lettre de la Fondation de la Résistance (n°115, décembre 2023)
Ressources numériques
Notices biographiques de Missak Manoukian
- Articles de l'Encyclopédie universalis en ligne sur Missak Manoukian
- Maîtron des fusillés
- Musée de la Résistance
- Portraits de France
- Un corpus d’archives sur le parcours de Missak Manouchian dans les Archives Nationales
Émissions audiovisuelles ou radiophoniques
Parcours « Missak Manouchian » sur le site Radio France : donne accès à de nombreuses émissions ou séquences et notamment à une lecture du poème de Louis Aragon « Strophes pour se souvenir » à la Comédie française en 1969.
La Série « 1940-1944 : la Résistance, témoignages et documents pour servir l'histoire » sur France Culture a été réalisée en 1964 pour commémorer les 20 ans de la Libération. Dans un épisode, Mélinée Manouchian revient sur l’organisation des FTP-MOI : « Mélinée Manouchian : "Un jour de bonne heure Missak est parti, il n’est plus revenu".
Sur Lumni/Lumni enseignement, un parcours est consacré à Missak Manouchian (partenariat INA/Fondation de la Résistance).
Bases de données
Le site Mémoire des hommes (ministère des Armées) donne accès à une base de données des 1009 victimes dont les noms sont inscrits sur le monument commémoratif édifié au Mont-Valérien à Suresnes.
La base « Lieux de résistance et de mémoire » du Musée de la Résistance en ligne (Fondation de la Résistance) donne accès à des plaques commémoratives et offre la possibilité de l’enrichir en envoyant des photographies.
Bonne journée !