Quel poète, à l'époque de Henri IV, usait beaucoup de la métaphore du rossignol ?
Question d'origine :
bonjour, quel est le poète qui, à l'époque de Henri IV, et semble-t-il, proche de Henri IV, usait bcp de la métaphore du rossignol?
merci
Réponse du Guichet

Le chant des oiseaux est source d’inspiration et réservoir de métaphores ou d’allégories pour la poésie de la Renaissance. Pierre de Ronsard a très fréquemment utilisé l'image du rossignol dans ses poèmes. Il compare l'oiseau au poète "et va même jusqu'à se l'approprier personnellement, lançant dans son poème Le Rossignol la boutade : « Rossignol vient du nom de Ronsard »".
Bonjour,
Pierre de Ronsard est effectivement, comme votre pseudo le suggère, le poète que vous semblez chercher.
Grand poète de la Renaissance, membre de la Pléiade, proche de Henri IV, Pierre de Ronsard a souvent utilisé la métaphore du rossignol dans ses poèmes. Voici une liste non exhaustive de poèmes où le rossignol est mentionné :
- Odes
- Les pasteurs, Aluyot et Fresnet
- Gaietés
- Continuation des amours, mis en musique par Claude Le Jeune, dont voici un extrait :
Rossignol mon mignon, qui dans cette saulaye
Vas seul de branche en branche à ton gré voletant,
Degoisant à l'envy de moi, qui vois chantant
Celle qui faut tousjours que dans la bouche j’aie,
Nous soupirons tous deux, ta douce vois s’essaie
De flechir celle-là, qui te va tourmentant,
Et moi, je suis aussi cette-là regrettant,
Qui m'a fait dans le coeur une si aigre plaie.
Toutesfois, Rossignol, nous differons d'un point.
C'est que tu es aimé, et je ne le suis point,
Bien que tous deux aions les musiques pareilles,
Car tu flechis t'amie au dous bruit de tes sons,
Mais la mienne, qui prent à dépit mes chansons,
Pour ne les escouter se bouche les oreilles.
De manière générale, les XVIe et XVIIe siècles ont vu se développer une "poésie de la nature" :
« La seconde moitié du XVIe siècle voit une floraison de textes bucoliques [1]. » Ce « déferlement poétique [2] » ne se limite pas à l’églogue proprement dite : il se développe en silves, en bergeries, en pastorales, en hymnes, en poésie morale ou scientifique et irrigue les autres genres poétiques à travers des motifs et des figures variées. Qualifié par Ronsard de « peintre de la nature », Rémy Belleau est l’exemple même de cette inspiration. Après une refondation anacréontique, son œuvre décline différents rapports à la nature : renouvellement hymnique dans les Petites Inventions (1556), écriture pastorale dans ses deux Bergeries (1565 et 1572) et même ambition minéralogique dans ses Amours et Eschanges des pierres précieuses (1576). Mais il n’est pas le seul. C’est l’arbre qui cache une vaste et chatoyante forêt allant du Bocage (1554) ou des Hymnes (1555-1556) de Ronsard à la Sepmaine (1578) de Du Bartas en passant par les Foresteries (1555) de Jean Vauquelin de La Fresnaye, les Plaisirs de la vie rustique (1574) de Guy Du Faur de Pibrac et un grand nombre d’autres recueils et poèmes.
source : La nature dans la poésie française à la Renaissance
L'oiseau et notamment le rossignol ont inspiré les poètes. Pour approfondir le sujet, nous vous invitons à lire : Le Rossignol poète dans l’Antiquité et à la Renaissance de Gisèle Mathieu-Castellani (Collection : Études et essais sur la Renaissance, n° 112). En voici une courte présentation de sa 2e partie qui pourra plus précisément vous intéresser :
La seconde partie de l’ouvrage, plus développée (p. 87-213), s’attache à recenser, selon un classement thématique, les principales évocations du rossignol chez les poètes de la Renaissance, qui s’inspirent des auteurs anciens ainsi que de Pétrarque et de ses disciples. Le rossignol y est successivement évoqué, dans les différents chapitres, comme rival du poète, messager du printemps, chantre amoureux, auteur d’une plainte mélancolique et musicien inimitable. L’auteur montre que le rossignol a particulièrement inspiré les poètes de la Pléiade, Ronsard qui laisse entendre que l’oiseau lui doit son nom (« Rossignol vient du nom de Ronsard »), Peletier du Mans et les poètes maniéristes à la charnière des XVIe et XVIIe siècles, comme Desportes, Pontus de Tyard, Théophile de Viau, Saint-Amant et Tristan. Le dernier chapitre fournit un répertoire intéressant des termes techniques utilisés, à la Renaissance, pour caractériser le chant du rossignol : « flajoler », « jargonner », « gazouiller », « gringoter », « dégoiser », « caqueter », « fredonner »… Globalement, on constate, à la lecture, que l’ouvrage ne recense pas seulement les textes où le poète utilise l’image métapoétique du rossignol pour représenter son activité – comme le titre pouvait le laisser présager – mais plus généralement tous les textes où les poètes et naturalistes de l’Antiquité et de la Renaissance ont évoqué des rossignols.
source : Le Rossignol poète dans l'Antiquité et à la Renaissance / Roussel, Déborah . Revue de Philologie, de Littérature et d'Histoire Anciennes ; Paris Vol. 90, N° 2,(2016): 246-247.
Lire aussi : Marie Raulier, « Gisèle Mathieu-Castellani, Le Rossignol poète dans l’Antiquité et à la Renaissance, Paris, Classiques Garnier, 2016 (coll. « Études et essais sur la Renaissance »), 235 pages, ISBN‑978‑2‑8124‑4641-2, 78 €. », Memini [En ligne], 27 | 2021, mis en ligne le 29 novembre 2021
D'autres auteurs des XVIe et XVIIe siècles ont également cité le rossignol dans leurs poèmes, quelques exemples :
Chant du désespéré de Joachim du Bellay
Sonnet de Desportes
La Bergerie de Rémy Belleau, 1565
Les Amours de Diane de Philippe Desportes, 1573
Recueil : Poésies livre III de François de Malherbe
Les saisons de Jean-Antoine de Baïf
Sonnet de Passerat
Odes X et Odes VIII de Théophile de Viau
Comment expliquer cet engouement pour les oiseaux et le rossignol en particulier ?
Les chants des oiseaux sont d’abord perçus à travers leurs liens à la nature. Ils permettent tout d’abord « à l’homme de se situer dans le temps 9 » grâce à la fameuse « horloge ornithologique10 », un « procédé qui consiste à projeter le chant des différents oiseaux sur le déroulement d’une journée11 ». L’oiseau « scande d’abord l’alternance de la nuit et du jour, comme le rossignol ou l’alouette qui annoncent de leurs vocalises l’aurore 12 » ou bien évidemment le coq dont le chant marque le lever du soleil. Pierre Belon, auteur d’une Histoire de la nature des oiseaux (1555), précise à son sujet qu’il « est si vigilant qu’il annonce les heures de la nuit, & le jour à venir13. » Le rythme des saisons est de même associé aux chants des oiseaux14, le retour du printemps (ou la fin de l’hiver) coïncide avec le retour des oiseaux et l’été avec le chant de la cigale. « Écouter l’animal permet non seulement de se repérer dans le temps, mais aussi de le prévoir15. » Certains oiseaux annoncent par leurs cris l’imminence de la pluie ou de la tempête16 : mouettes, grues, corbeaux, corneilles, milans17. La « figure de l’animal baromètre complète celle de l’animal-horloge18 ». Ces observations ne sont que partiellement reprises par Pierre Belon, pour la corneille et le corbeau [...]
« Le chant des oiseaux est surtout l’objet musical par excellence20. » L’analogie entre oiseau et poète, ou plutôt entre chant de l’oiseau et poésie est particulièrement fructueuse pour la littérature européenne. Le chant des oiseaux est autant une source d’inspiration qu’un réservoir de métaphores ou d’allégories autour d’oiseaux spécifiques : le rossignol, l’alouette et le cygne. Le rossignol est à la fois marqué par « l’héritage d’une fable mythologique (celle de Philomèle transformée en rossignol) et par une longue tradition élégiaque qui, depuis l’Antiquité, avec ou sans référence à Philomèle, associe le rossignol à la plainte21 ». Le rossignol « est par excellence l’oiseau du chant courtois22 ». L’alouette, liée à l’amour et au printemps, est « la gaie messagère de l’aube23 ». Le cygne semble s’être figé dans l’expression du chant du cygne où « le chant ne provoque plus la mort, mais la magnifie et en est magnifié24 », une croyance qui remonte à Platon et à Aristote, relayée par Pierre Belon25 et qui deviendra un des symboles favoris de la poésie du XIXe siècle, tant chez les romantiques que les Parnassiens26
source : Les chants des oiseaux dans les fables : topoï, types et savoirs zoologiques / Elodie Ripoll
Pour aller plus loin :
Philomèle. Figures du rossignol dans la tradition littéraire et artistique / Véronique GÉLY, Jean-Louis HAQUETTE et Anne TOMICHE (dir.)
Les animaux dans la poésie française de la Renaissance : science, symbolique, poésie / Hélène Naïs
Bonne journée.