Quelle est l'histoire de ce bâtiment situé dans le 5ème arrondissement à Lyon ?
Question d'origine :
Bonjour, je souhaite trouver l'historique du bâtiment ancien qui ressemble à un couvent et sa chapelle de l'Institut Elise RIVET situé au 109 rue Joliot Curie à Lyon 5ème.
J'ai lu divers biographies sur Elise RIVET, mais aucune ne fait la liaison avec ce bâtiment.
Merci d'avance pour votre aide.

Réponse du Guichet

Les bâtiments qui abritent l'Institut Elise Rivet au 109 rue Joliot-Curie ont été le théâtre de nombreux événements. Domaine aristocratique jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, le château est abandonné suite à l'exécution de son propriétaire. Il est alors réputé hanté. Les lieux sont ensuite occupés par diverses organisations religieuses et caritatives. Les soeurs de Notre-Dame de Compassion, et leur mère supérieure Elise Rivet déportée à Ravensbrück, l'ont transformé en lieu de résistance pendant l'Occupation. L'Institut est devenu un centre thérapeutique, éducatif et pédagogique pour enfants en situtation de handicap à partir du XXIème siècle.
Bonjour,
"Une juste au chateau du diable" est une pièce de théâtre écrite par l'acteur et metteur en scène Damien Roux, qui a eu son premier rôle dans le film Kaamelott - Premier volet (2021). Montée et représentée à Lyon en 2022 elle s'intéresse à la vie d'Elise Rivet, une religieuse et résistante lyonnaise déportée à Ravensbrück, dont le nom a été donné à l'Institut Thérapeutique Éducatif et Pédagogique (ITEP), établissement spécialisé dans l'éducation de jeunes en situation de handicap, et situé au 109 rue Joliot Curie.
Mère supérieure dans la congrégation des soeurs de Notre Dame de Compassion jusqu'en 1944, (située dans les bâtiments anciens de l'actuel institut qui porte son nom), elle participa au sauvetage de plus de 200 enfants juifs pendant l'Occupation. Elle recueillit aussi les archives de la Marine pour les soustraire à l'ennemi, cacha d'importantes quantités d'armes et procura des faux papiers à des réfractaires au STO et à des mères juives. Elle fut dénoncée, arrêtée et interrogée par Klaus Barbie avant d'être emprisonnée à Montluc. Déportée, celle-ci se serait volontairement sacrifiée selon témoins en prenant la place d’une mère de famille désignée pour la chambre à gaz.
Pour en apprendre davantage sur son incroyable histoire, vous pouvez lire cet article très complet, peut-être un poil hagiographique, sur le site de l'école catholique Sainte-Marie de Lyon : Elise RIVET, une religieuse lyonnaise dans la Résistance, 1890-1945.
Si en recevant à titre posthume en 1997 la médaille des Justes parmi les nations, nous comprenons bien la première partie du titre de la pièce de théâtre de D. Roux, l'autre partie vous échappe sûrement. Que vient donc faire Lucifer dans toute cette histoire ? Qu'est-ce que ce "chateau du diable" dont il est question ? Pour cela, il faut revenir quelques siècles en arrière dans l'histoire du domaine, au moment de la Révolution française. L'ouvrage Lyon 5ème arrondissement: aux origines de la ville (Editions lyonnaises d'Art et d'Histoire, 2015) sous la direction d'André Pelletier, nous apprend que ce domaine existe depuis la fin du XVIème siècle, qu'il s'appellait le domaine des Battières et appartenait à la famille Bastier-Dulieu. Lorsque la Révolution éclate, le chateau était habité par M. Bastier, qui fut, dit-on, guillotiné place des Terreaux, sans laisser d'héritiers. Pourtant d'étranges événements commencèrent à se produire dans le batiment abandonné, stimulant l'imagination du voisinage :
Bien que la maison fut vide, les habitants des alentours furent supris d'y entendre du bruit. Curieusement personne n'y entrait ni ne sortait. Comme cela dura des années de façon intermittente, on en conclut que cela devait être le diable.
La vérité était tout autre : il s'agissait en fait du repaire de faux monnayeurs et de contrebandiers. On pouvait encore voir il y a quelques années dans une cave des traces de fonderies de métal, ce qui explique que les malfrats, arrivant par un souterrain, ne pouvaient être vus de l'extérieur. Telle est du moins la légende.
Source : Lyon 5ème arrondissement: aux origines de la ville (Editions lyonnaises d'Art et d'Histoire, 2015) (p. 123 - 124).
Réputé abandonné, le domaine tombe peu à peu en désuétude au XIXème siècle avant que de nouveaux propriétaires se l'approprient et tentent leur chance pour y créer une société civile pour accueillir de jeunes orphelines (p. 122) avant de mettre le domaine à la disposition d'une communuaté religieuse, les dames du Bon Pasteur, qui en assureront la conduite jusqu'en 1933. Les religieuses de Notre Dame de Campassion, expulsées par Edouard Herriot de l'emplacement de l'actuel théatre romain de Fourvière pour permettre des fouilles (Secrets des rues de Lyon d'Alain Dreyfus, 2021 p. 318), vont s'y installer en 1937 (et la venue d'Elise Rivet) avant de devenir en 1971 le Centre Educatif Notre-Dame puis l'Institut Elise Rivet en 2002.
Voici pour l'histoire récente de l'institut :
Entre temps, les religieuses avaient abandonné la direction du centre (1978) au profit d'une association, puis s'étaient retirées de l'institution en 1999 après s'être fondues dans la congrégation des Augustines de Notre-Dame de Paris. En 2004, la congrégation des Augusines de Paris transmet son patrimoine à la fondation du Prado, qui modernise l'Institut Rivet en 2009 et reconstruit complètement les locaux d'enseignement. L'établissement limite désormais son espace à 4000 m2 construits sur un terrain de 1, 2 hectare. Le reste de la parcelle de terrain (bâtiment central et parc, soit 4, 8 hectares) est vendu à plusieurs sociétés immobilières qui y développent des programmes d'habitation.
Source : Lyon 5ème arrondissement: aux origines de la ville (Editions lyonnaises d'Artet d'Histoire, 2015) (p. 124).
Pour plus de renseignements sur l'histoire de cet ensemble immobilier mais aussi de la rue Joliot Curie, nous vous renvoyons vers cette précédente réponse du Guichet du Savoir, très instructive : Histoire du couvent de la rue Joliot Curie (2016).
Pour en savoir plus, vous pourriez aussi vous adresser directement aux Archives municipales de Lyon.
Bonne journée,