Comment a évolué l'hygiène bucco-dentaire à travers les siècles ?

Bonjour,

L’hygiène dentaire fait partie des pratiques de santé depuis la nuit des temps.

"Dans l’état actuel de nos connaissances, le plus ancien échantillon de la denture humaine devrait être reporté au début de l’ère quaternaire : c’est un fragment de mâchoire découverte près de Heidelberg qui ne porte aucune trace de carie. D’après les paléontologues, celle-ci aurait fait son apparition qu’à la fin de l’ère quaternaire, à la période du Néolithique."

Dans son mémoire de thèse sur l’évolution de l’hygiène bucco-dentaire au fil des siècles et des civilisations soutenu en 2002, Aude Pasquini constate que "la carie fait défaut sur ces dentures préhistoriques, mais on observe fréquemment la gingivite, les dépôts de tartre et le déchaussement des dents. Probablement apparue au moment où le régime alimentaire des hommes a changé, en passant du cru au cuit, la carie fut un phénomène rare grâce à la consommation de viandes coriaces car l’élevage n’existait pas et des farines obtenues en écrasant le grain avec des pierres plates. Des poussières abrasives étaient donc mêlées et elles entraînaient un nettoyage mécanique des dents."

Le processus de sédentarisation des populations a favorisé l’apparition des caries. L’apparition de l’agriculture et de l’élevage ainsi que l’évolution des techniques permettant de moudre le grain vont accélérer le développement des caries. Parallèlement, on assiste à l’émergence des pratiques d’hygiène pour se préserver des maux de dents, comme l’usage du cure-dent, utilisé par les Assyriens et les Babyloniens dès 3500 ans avant J-C.

En Inde, 4000 à 3000 ans avant J-C., des brindilles mâchées en bois de margousier servaient à nettoyer les dents. Des morceaux de bois de tilleul étaient aussi utilisés dans ce même but. Selon Sacha Bogopolsky, les prêtres bouddhistes se nettoyaient la bouche avant les offices quotidiens et ce bâtonnet devint ainsi un objet lié au rituel religieux.

Dans les pays d’Afrique, on utilisait une baguette à frotter les dents, le miswak, (le préfixe mi désignant l’agent et swak étant l’acte de se brosser, de se frotter les dents). Ces bâtonnets de Salvadora persica étaient mâchés de manière à ce que les fibres longitudinales soient désunies, formant un petit pinceau. Les fibres étaient donc parallèles à l’axe du manche et non perpendiculaires. Différents de nos brosses à dents, ils étaient employés dans un but à la fois thérapeutique, culturel, hygiénique et religieux. L’usage des bâtonnets miswak est répandu encore aujourd’hui et l’apparition des dentifrices portant ce nom n’a pas rompu cette longue tradition.

Dans son livre intitulé La brosse à dents ou histoire de la mal-aimée, Sacha Bogopolsky note que le bétel, une plante grimpante de la famille des pipéracées était utilisée en Chine pour les soins des dents. Parallèlement, les Chinois se rinçaient la bouche avec du thé et de l’eau salée pour éliminer les impuretés. L’empereur Chinong (2700 ans avant J-C.), un des fondateurs de la médecine chinoise, consacre beaucoup d’attention à l’hygiène buccale dans ses écrits. Sacha Bogopolsky attribue l’invention de la brosse à dents aux Chinois, en 1498.

Sacha Bogopolsky rappelle aussi une représentation de la brosse figurée par une xylographie illustrant l’encyclopédie chinoise "Lei shu ts’au t’u hui" (1609-1726). La tête de cette brosse était en poil de sanglier, matière relativement dure, et ressemblait à nos brosses actuelles.

Cependant, l’usage de la brosse à dents ne se répand que progressivement - en 1770, le seul auteur anglais qui préconise la brosse à dents est Thomas Bedford, dans son "Traité sur les dents". Il s’agit du dentiste de la famille royale d’Angleterre. 

Aux États-Unis, c’est au début du XVIIe siècle que les membres influents de la société commencent à se servir de la brosse à dents. Au XVIIIe siècle, elle est utilisée par le grand public. A la fin de ce siècle, en Allemagne, les artisans se spécialisent dans la fabrication de brosses à dents en crin de chèvre.

A la même époque exerce le docteur Pierre Fauchard (1679-1761), praticien qui a rédigé un traité dans lequel il décrit l’anatomie des dents ainsi que les différentes techniques d’intervention sur les pathologies qui peuvent les affecter. Il est considéré comme le père de la chirurgie dentaire moderne.

En 1819, dans son "Traité de la seconde dentition", Christophe-François Delabarre, docteur en médecine et membre de plusieurs sociétés savantes, se déclare partisan des brosses à dents dont la dureté doit varier en fonction de la sensibilité des gencives.

L’histoire de l’hygiène bucco-dentaire fait l’objet de nombreuses études. Des chercheurs publient leurs travaux, parmi lesquels nous vous conseillons de consulter en ligne "L’évolution de l’hygiène bucco-dentaire au fil des siècles et des civilisations" d’Aude Pasquini datant de 2002. Ce travail présente l’avantage de restituer brièvement l’état des connaissances dans ce domaine en décrivant l’évolution de l’hygiène dans le temps, à travers différentes zones géographiques et culturelles. Ainsi, vous pourrez explorer ce sujet fascinant à une échelle plus large, en suivant les différents apports qui, au fil des siècles, ont enrichi nos connaissances sur l’hygiène.

Pour aller plus loin : 

Le propre et le sale: l’hygiène du corps depuis le Moyen Age de Georges Vigarello, Éditions Points, 2014 ; 

La France de la Préhistoire de Romain Pigeaud, Puf, 2024, où l’auteur mentionne le changement du régime alimentaire résultant de la sédentarisation et esquisse des éléments de la paléo-médecine.

Nous vous souhaitons une agréable lecture !