Où trouver des informations sur les cadrans lunaires ?
Question d'origine :
Bonjour,
Je cherche des informations sur les cadrans lunaires (histoire, forme, images, répertoire,...). Je trouve peu de ressources en dehors du site personnel de Michel Lalos. Merci beaucoup de l'aide apportée.
Agathe

Réponse du Guichet

Depuis la plus haute Antiquité, l’homme s’attache à mesurer le temps pour prévoir semailles, moissons, arrivée des chaleurs et en tirer un résultat optimal, ou survenue des intempéries pour s’en protéger. Pour y parvenir, il s’est référé à l’observation des mouvements apparents de la Lune et du Soleil, d’où sont nés les premiers calendriers. L’homme a déterminé les heures de la nuit en adoptant le cycle lunaire, facile à observer en ses différentes phases. Sur le cadran lunaire classique, les heures sont indiquées par l’ombre d’un style exposé aux rayons de la Lune.
Nous vous proposons des références issues des moteurs de recherche en sciences humaines, de la presse scientifique et des collections des musées de France.
Bonjour,
Vous cherchez des informations sur les cadrans lunaires (histoire, forme, images, répertoire...).
"Un cadran lunaire est un instrument de mesure du temps analogue à un cadran solaire, mais qui utilise l'ombre projetée par la lumière de la Lune au lieu de celle du Soleil. On trouve en fait de nombreux cadrans solaires équipés d'une table ou d'une droite de correction, comme celui du Queens' College à Cambridge, permettant de l'utiliser également la nuit. La luminosité de la pleine lune (-12,6 en magnitude apparente), si elle est considérablement plus faible que celle du Soleil, est néanmoins suffisante pour projeter une ombre. Le fonctionnement d'un cadran lunaire est donc similaire à celui d'un cadran solaire : l'ombre d'un gnomon sur une table graduée permet de déterminer l'heure" (source : Wikipédia).
Dans un article du magazine trimestriel Cadrans solaires pour tous, Roger Torrenti donne des conseils pour concevoir un cadran solaire équipé d’un tableau de correction pour lire l’heure au clair de lune :
Savez-vous qu’un cadran solaire peut permettre de lire l’heure la nuit, en repérant tout simplement, comme à la lumière du soleil mais cette fois-ci au clair de lune, l’ombre du style sur les lignes horaires du cadran ?
Avant d’expliquer pourquoi et de détailler comment déduire l’heure légale de l’heure lue la nuit, il est nécessaire de rappeler quelques caractéristiques du mouvement de la Lune autour de la Terre. La Lune est un astre, satellite de la Terre, situé à environ 380 000 km, dont l’orbite est elliptique (en fait quasi-circulaire), le plan de cette orbite étant presque confondu avec celui de l’orbite de la Terre autour du Soleil (écliptique), ne faisant avec lui qu’un angle de 5° degrés environ.
Lorsque Soleil - Terre - Lune, dans cet ordre, sont situés dans un même plan perpendiculaire à l’écliptique, c’est la « pleine Lune », et l’occurrence d’éclipses lunaires si les trois astres sont alignés. Lorsque Soleil - Lune - Terre le sont, c’est la « nouvelle Lune », et l’occurrence éventuelle d’éclipses solaires. Le temps qui sépare deux nouvelles Lunes (ou deux pleines Lunes) n’est pas de 27,3 jours (période de révolution « sidérale » de la Lune : elle a la même position par rapport aux étoiles) mais de 29,5 jours en moyenne, car, pendant que la Lune effectue sa révolution autour de la Terre, la Terre effectue la sienne autour du Soleil. Durant ces 29,5 jours de « lunaison », la Lune connaît des phases « symétriques » (voir schéma au bas de la page) : une phase montante jusqu’à la pleine Lune (premier croissant, premier quartier, Lune gibbeuse), et une phase descendante jusqu’à la prochaine nouvelle Lune (Lune gibbeuse, dernier quartier, dernier croissant).
Considérons alors pour simplifier un cadran solaire à style polaire, c’est-à-dire dont le style est parallèle à l’axe de rotation terrestre (cadran horizontal ou vertical, polaire, équatorial,…). Si le cadran indique l’heure solaire (vraie) le jour, c’est parce que le Soleil semble, dans la sphère céleste, tourner régulièrement en 24 heures autour du style polaire (15° par heure), ce qui permet de tracer facilement les lignes horaires. Lors de la nouvelle Lune, la Lune est dans la même direction que le Soleil (son azimut dans la sphère céleste locale est identique à celui du Soleil). Elle pourrait donc elle aussi indiquer la même « heure solaire » sur le cadran (la nuit, si elle pouvait réfléchir la lumière du Soleil…).
En revanche, comme elle ne reviendra à cette phase que 29,5 jours plus tard, après une révolution de 360° autour de la Terre (24 h comptées dans la sphère locale), elle indiquera une heure, le jour suivant, à laquelle il conviendra d’ajouter, pour obtenir « l’heure solaire », 24 / 29,5 soit 0,813 h ou 48 min 49 s environ. Et ainsi de suite, jour après jour, jusqu’à la fin de la lunaison (voir tableau ci-dessous). Si l’on veut déduire l’heure légale de la lecture de « l’heure lunaire », il conviendra bien entendu d’ajouter à cette correction la correction de longitude et l’équation du temps et de tenir compte de l’heure d’été éventuelle.Vous pourrez donc, si vous souhaitez que votre cadran solaire soit un peu plus « magique », ajouter sur la table du cadran un tableau de correction (ou une droite de correction), comme l’a fait, au bas de son cadran, le concepteur du célèbre cadran du Queens’ College de l’Université de Cambridge en Angleterre.
Deux dernières remarques si vous vous apprêtez à concevoir un cadran solaire équipé d’un tableau de correction pour lire l’heure au clair de lune :• Compte-tenu de l’importance de la correction (plus de 3/4 d’heure par jour de lunaison) et de la difficulté pour l’observateur de connaître par l’observation l’âge précis de la Lune, la lecture de l’heure ne sera pas précise (on peut facilement se tromper d’une heure ou deux…).
• La Lune étant loin d’être aussi lumineuse que le Soleil (elle ne fait que réfléchir la lumière solaire !) la lecture ne sera possible (l’ombre du style ne sera nette sur la table du cadran) qu’une semaine environ avant et après la pleine Lune.
Source : Utiliser un cadran solaire la nuit… de Roger Torrenti (Le magazine trimestriel « Cadrans solaires pour tous » )
Voici une selection de publications réalisée à partir du moteur de recherche Isidore, spécialisé en sciences humaines :
- Bourrier-Reynaud Colette. Le temps, d’un cadran lunaire piémontais à l’horloge atomique. In: Pratique et mesure du temps. Actes du 129e Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, « Le temps », Besançon, 2004. Paris : Editions du CTHS, 2011. pp. 137-148. (Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques, 129-5)
Résumé : "La cité de Cherasco (province de Cuneo) s’enorgueillit d’arborer, au sommet de la tour communale, un superbe cadran lunaire du XVIIe siècle, resté fonctionnel de nos jours. À l’heure où l’on recommence à s’intéresser aux cadrans solaires, une réflexion sur l’usage originel des cadrans lunaires conduit l’auteur, en dehors de toute approche gnomonique, à s’interroger sur la persistance en Europe de ce type d’instruments et l’utilisation qui peut encore en être faite de nos jours. Les liens qu’ils permettaient d’établir entre « le temps qu’il fait » et les façons de mieux prévoir et vivre « le temps qui passe » peuvent être comparés aux modalités météorologiques et très précisément chronométrées de la vie moderne ainsi qu’à la relation espace/temps constitutive de la géographie humaine impliquant plus ou moins volontairement temps et lieux".
Depuis la plus haute Antiquité, l’homme s’attache à mesurer le temps pour prévoir semailles, moissons, arrivée des chaleurs et en tirer un résultat optimal, ou survenue des intempéries pour s’en protéger. Pour y parvenir, il s’est référé à l’observation des mouvements apparents de la Lune et du Soleil, d’où sont nés les premiers calendriers (de calende, mot étrusque désignant le premier jour du mois chez les Romains). Le temps, c’est la durée des choses, la succession des jours, des heures des moments, considérée par rapport aux différents travaux, aux différentes occupations des personnes. L’homme a déterminé les heures de la journée en se servant du Soleil. Pour comptabiliser les heures de nuit, il avait adopté le cycle lunaire, facile à observer en ses différentes phases.
Plus tard, fut utilisée une clepsydre, sorte de vase gradué percé à sa base pour permettre l’écoulement de l’eau, le temps étant mesuré par la baisse du niveau dans le vase. Elle a été remplacée par les horloges à roues infiniment plus justes et plus commodes. L’installation des cadrans, lisibles par tous à l’extérieur de certains bâtiments, permit une mesure du temps directement accessible à l’ensemble de la collectivité. Placés en hauteur, sur une tour, les cadrans pouvaient ainsi être vus même d’assez loin.
Alors que de nos jours, les cadrans solaires activement recensés reprennent vie sous le pinceau des restaurateurs ou le ciseau des tailleurs de pierre, de cadrans lunaires on n’entend vraiment plus guère parler. Il n’en fut pas toujours de même, surtout pour ce qui est de la prévision du temps. Sur le cadran lunaire classique, les heures sont indiquées par l’ombre d’un style exposé aux rayons de la Lune. Des proverbes populaires nés de l’observation ancestrale établissaient correspondances et prévisions permettant à l’agriculteur – ou au marin – d’adapter ses actes au temps à venir : prévoir pour mieux gérer était déjà une donnée capitale.
Première découverte d’un cadran lunaireNous avons découvert ce type d’instrument dans les années quatre-vingt-dix en Italie, à l’occasion du jumelage réalisé entre notre commune de Villars-sur-Var, dans les Alpes- Maritimes, et celle de Cherasco dans la province de Cuneo en Piémont. Les deux sont liées par leur histoire locale et nationale, car le dernier feudataire de Villars, le comte Salmatoris-Rossillon, était originaire de Cherasco. Son palais en cette ville fut choisi pour la signature, en 1796, de l’« armistice de Cherasco » entre Bonaparte, général en chef de l’armée d’Italie victorieuse, et le roi de Sardaigne, Victor-Amédée III. Aujourd’hui encore, l’une des premières fiertés de Cherasco est le cadran lunaire installé sur la façade principale de la tour du Municipio, en plein centre de la ville. Là-bas, chacun, édile ou simple citoyen le privilégie pour vanter aux visiteurs les richesses de cette cité, qui en est pourtant largement dotée par ailleurs.
Prise en compte des influences lunaires :Les anciens attribuaient à la Lune une influence sur tout ce qui vit. Les paysans qui, en fonction du temps de plantation ou de taille, engageaient la réussite ou l’échec de leur récolte et les marins sachant qu’ils risquaient leur vie par gros temps, étaient les plus enclins à demander à la Lune des renseignements sur le temps à venir. On ne partage plus aujourd’hui cette façon de voir, bien que l’influence de la Lune sur les marées reste toujours admise. Si la lecture des heures pouvait directement se faire la nuit, sur la clepsydre ou le cadran lunaire, la prévision du temps à venir avait besoin d’un décryptage fondé sur des directives précises. Les proverbes traditionnels, transmis de génération en génération, et leur mention dans les calendriers destinés aux agriculteurs et aux marins permettaient ce décryptage. Les différents aspects de la Lune font appel à une terminologie précise que nous rappelle Honnorat. L’aréole est le cercle lumineux ou coloré qui entoure la Lune, le croissant est la figure de la Lune jusqu’au premier quartier, le limbe est le bord de l’astre, la lunaison, le temps qui s’écoule depuis le commencement de la nouvelle Lune jusqu’à la fin du dernier quartier, le parasélène l’image de la Lune réfléchie dans un nuage, les phases les différents états sous lesquels elle se présente, le quartier une des quatre parties de son cours.
Sur un plan général, on pensait que le temps qu’il ferait pendant la lunaison tout entière ressemblerait au onzième jour du cycle… onze fois sur douze, si toutefois le temps ne changeait pas le sixième jour. Suivre aisément les différentes phases de la Lune grâce au cadran lunaire permettait ainsi à chacun de mieux appliquer les préceptes traditionnels. Nous allons rapporter ici des croyances se retrouvant aussi bien en Provence qu’en Piémont. etc....
- Flamant Jacques. L'année lunaire aux origines du calendrier pré-julien. In: Mélanges de l'École française de Rome. Antiquité, tome 96, n°1. 1984. pp. 175-193.
Résumé : "Le calendrier romain pré-julien est un calendrier solaire (très défectueux) qui a conservé des éléments lunaires primitifs (longueur de l'année, place des Ides et des Nones à l'intérieur du mois). Il présente aussi la curieuse originalité de privilégier les nombres impairs. Si l'on fait abstraction, provisoirement, des renseignements, parfois fantaisistes, fournis pr les érudits anciens et si l'on s'attache d'abord à la structure mathématique de l'année, on s'aperçoit que les bizarreries du système d'intercalation sont les traces fossiles d'une année lunaire primitive de 355 j. dans laquelle l'excès de ces 355 j. sur la durée de l'année lunaire vraie de 354,36j. était corrigé empiriquement par l'intercalation d'un mois de 27 j. Ainsi s'expliquerait qu'on recoure, dans le calendrier républicain, à un mois de 27 j. pour obtenir une intercalation effective de 22/23 jours".
Voici une sélection d'articles de presse scientifique :
L'énigme du mécanisme d'Anticythère pourrait être résolue grâce à des techniques d’analyses des ondes gravitationnelles (Sciences et vie, publié le 03 Juil 2024) : "Le mécanisme d'Anticythère a été découvert par des plongeurs en 1901 dans une épave au large de l'île grecque d'Anticythère (île en Grèce). Cet appareil complexe, de la taille d'une boîte à chaussures, captive les chercheurs depuis des décennies en raison de sa capacité à prédire des événements astronomiques tels que les éclipses et les mouvements des planètes. Ses engrenages sophistiqués et ses cadrans ont révélé un niveau de savoir-faire et de précision extraordinaire pour la période de l'Antiquité". [...] Cette approche a révélé que l'anneau du calendrier contenait probablement 354 trous, correspondant à un calendrier lunaire grec de 354 jours. Les résultats de cette étude sont parus dans Horological Journal".
La longue quête de la bonne heure (La Recherche, janvier 2017) : "C'est vers des horloges naturelles qu'ils se sont spontanément tournés pour le mesurer, depuis l'Antiquité jusqu'au XXe siècle : alternance des jours et des nuits due à la rotation de la Terre, succession des saisons résultant du mouvement de révolution de notre planète autour du Soleil, révolution de la Lune autour de la Terre. Comment les temps astronomiques ont-ils été définis et quels instruments a-t-on utilisé pour réaliser les mesures ?"
Le cadran astronomique, géographique et lunaire du Père Emmanuel de Viviers (1737) / Author: Jean-Michel Faidit
Aller plus loin avec des articles de revue ancienne sur Gallica (bibliothèque numérique de la Bnf) et de Retronews (site de presse de la bnf).
Les collections des musées pourraient vous fournir d'autres sites ressources :
La pendule de La Création du Monde restaurée (Musée du Louvre, 20 juillet 2017) : "Dépôt du musée national des châteaux de Versailles et de Trianion au musée du Louvre, la pendule de La Création du Monde compte parmi les plus grands chefs-d'oeuvre de l'horlogerie de précision au XVIIIe siècle. Les différents mécanismes de l'horloge étaient depuis de nombreuses années hors d'état de fonctionner. La restauration qui vient de s'achever, grâce au mécénat de la Manufacture horlogère Vacheron Constantin, a permis leur remise en marche, de sorte que soient à nouveau perceptibles l'exceptionnelle complexité et la remarquable précision qui les caractérisent. La restauration et le nettoyage de la caisse ainsi que la remise en état de marche des mécanismes qui actionnent le cadran horaire, les phases de la lune, le planétaire et le globe terrestre ont été confiés à l'Atelier Chronos (Marc Voisot et Emmanuel Aguila), spécialisé dans la restauration et la conservation des montres et horloges anciennes".
Cadran solaire (diptyque) (Collections des musées de France) : "A l'intérieur (face Ib), dans l'évidement du couvercle sont trois disques métalliques, cadran lunaire de diamètres inégaux se mouvant les uns sur les autres. Le premier orné d'un fleuron gravé percé sur le côté d'un trou circulaire, lequel tournant sur le second lui-même percé d'un autre trou circulaire, et gradué de 1 à 30 jours sur son pourtour, donne toutes les phases de la lune".
Pendule à planétaire (Musées Occitanie) : "l’aiguille lunaire (portant un disque bleu) fait un tour en 24 heures 50 minutes environ: rotation journalière de la lune autour de la Terre appelée rotation synodique. L’âge de la Lune est indiqué par la queue de l’aiguille solaire sur le disque central. La petite aiguille (lunaire) indique aussi les phases de la Lune : un disque d’acier bleui se déplace latéralement devant un disque d’acier argenté, pour représenter les phases".
Bonne poursuite dans vos recherches,