Quels étaient les rôles de la chambre de commerce et du comité central d'agriculture au XIXe ?
Question d'origine :
Bonjour,
Dans le cadre de recherche sur le second Empire, je suis à la recherche de définition des rôles de la chambre de commerce et du comité central d'agriculture entre 1852 et 1870. Ayant consulté le grand dictionnaire universel du XIX° siècle, je n'ai rien pu trouver d'intéressant.
Merci d'avance pour votre retour,
Belle journée
Réponse du Guichet

Nous avons pu préciser quelque peu le rôle de la chambre de commerce durant le Second Empire - rôle notamment de conseil auprès des pouvoirs publics. En revanche, l’histoire d’un ou de comités centraux agricoles semble bien moins documentée. Nous vous proposons toutefois quelques éléments plus larges sur les sociétés agricoles de l’époque ainsi que quelques informations sur deux comités régionaux, en Sologne et en Côte d’Or.
Bonjour,
Concernant la chambre de commerce, nous nous sommes focalisés sur l’histoire de la chambre parisienne, mais évidemment, il y a des spécificités locales ! Si celles-ci vous intéressent, nous vous invitons à consulter, entre autres: L’histoire de la chambre de commerce de Saint-Étienne, celle de la chambre de Lyon, du Roannais, de Valence…
Mais revenons à la chambre parisienne. Nous nous appuyons pour l’essentiel sur l’ouvrage dirigé par Paul Lenormand, Une chambre pour la capitale. Deux siècles d’histoire de la chambre de commerce et d’industrie de Paris.
Celle-ci n’est pas la première créée sur le territoire français. C’est en effet à Marseille, en 1599 qu’est fondé le premier bureau de commerce. La parisienne est créée en 1803. Lors de sa mise en place, sa gouvernance suit celle des autres chambres déjà existantes : elle est placée sous la présidence du préfet, son corps électoral est composé de 60 commerçants qui élisent 15 membres de la chambre. « La présence de représentants du grand négoce et de banquiers à [sa tête] lui confère, dès son origine, le caractère une assemblée consultative de notables-commerçants, trait qu’elle conservera pendant une bonne partie du XIXe siècle ».
Comme pour les autres chambres ses missions principales sont de promouvoir une vision libérale de l’économie, en droite ligne des Lumières, faire progresser le commerce et s’attaquer aux causes qui l’entravent.
Elle a donc moins d’un demi-siècle lorsque le Second Empire est instauré le 2 décembre 1852. Or, « L’avènement de Napoléon III ouvre une période de stabilité favorable au développement économique. Pour la chambre, il n’apparait pas d’emblée aussi propice. En effet, jusqu’au début des années 1860 l’Empire autoritaire n’est guère enclin à la consulter sur les grandes décisions ni […] à la laisser s’exprimer par des publications. En dépit de cette discrétion obligée, la chambre semble connaître un certain essor qui tient en fait à la mise en œuvre de décisions adoptées au milieu du siècle: prise en charge complète du service de la manutention de la douane centrale (1851) […], ouverture du service de la condition des soies et des laines […]. Avec la libéralisation de l’Empire la chambre retrouve progressivement sa place dans les débats économiques de son temps: davantage consultée par les pouvoirs publics, elle hésite de moins en moins à faire connaître ses positions […]. Dans l’ensemble, elles tendent à libéraliser notre droit, comme par exemple dans un influent rapport de 1863 relatif au projet de loi créant des sociétés à responsabilité limitée et préfigurant la loi de 1867 sur les sociétés anonymes ».
Mais son rôle de conseil auprès des pouvoirs publics se déploie aussi sur le champ social. Elle recommande ainsi, en 1867, la réduction du travail journalier des enfants de 8 à 6 heures par jour« et d’élever l’âge minimal d’embauche de huit ans à dix ans pour permettre de compléter leur éducation »…
Sous le Second Empire donc, la chambre joue un rôle consultatif non négligeable. Comme le rappelle l’historienne Claire Lemercier dans Un si discret pouvoir. Aux origines de la chambre de commerce de Paris 1803-1853, « les commissions consultatives plus ou moins pérennes qui se multiplient dans les ministères, sous le Second Empire et surtout sous la IIIe République, comprennent très souvent un représentant de la chambre de commerce de Paris ».
Qu’en est-il pour le « comité central d’agriculture » ?
Dans Elites et progrès agricole, Nadine Vivier mentionne le développement, dès les années 1760, des sociétés d’agriculture sous l’influence du contrôleur général des finances Bertin. « Il imagine une structure hiérarchique : la société, créée au siège de la généralité, est relayée par des bureaux dans des subdélégations, bureaux parfois nommés comices. Bertin prévoit aussi un comité central d’agriculture qui centraliserait à Paris les résultats des travaux de toutes les sociétés ». En réalité, ces sociétés vont survivre cahin-caha jusque dans les années 1830 où elles vont connaître un réel essor.
On trouve des éléments plus précis sur ces différentes sociétés dans le Dictionnaire du Second Empire, dirigé par J. Tullard. « La société impériale et centrale d’agriculture de France […] est l’avatar, sous Napoléon III, de la Société royale d'agriculture de la généralité de Paris, fondée sous Louis XV […]. En 1852, on compte 52 membres, plus 40 étrangers et 300 correspondants dans les départements. En province, les société d’agriculture se multiplient et publient de nombreux bulletins […]. Vers la fin du Second Empire, apparaît la Société des agriculteurs de France – fondée en 1868 par Lecouteux et le marquis Léonce de Vogue. Sa création traduit l’intérêt des grands propriétaires pour une nouvelle discipline agronomique: l’économie agricole. Elle manifeste aussi le souci des propriétaires terriens de constituer un groupe de pression efficace ». A ce sujet, vous trouverez dans le livre déjà cité Elites et progrès agricole, une carte de France présentant le nombre de comices et de sociétés agricoles en 1870.
Cela dit, il a bien existé au XIXe siècle un comité central d’agriculture française dont on sait au moins qu’il était chargé de publier L’agronome, une revue qui n’a vraisemblablement survécu que 3 années en 1833 et 1836.
Nous avons par ailleurs repéré deux autres comités centraux d’agriculture locaux, celui de la Sologne et celui de la Côte d’Or.
Le premier, qui existe toujours, a mis en ligne sur son site un historique de sa création :
« certains propriétaires se réunissent au château de Lamotte Beuvron pour créer le Comité Central de la Sologne, le 25 juin 1859 : l’objet consiste à chercher les dernières techniques agricoles, piscicoles, forestières et d’élevage pour en doter leurs exploitations ». 3 articles précisent son rôle :
« L’article 4 - Le Comité Central sera l’interprète de la Sologne auprès du gouvernement et sera chargé de lui donner des renseignements sur l’état des ressources, sur les besoins de la contrée et sur les moyens utiles pour faciliter les améliorations indispensables.
L’article 5 - Tous les ans les présidents des comices et de secteurs, rendront compte en Assemblée Générale des principaux faits agricoles survenus dans leurs circonscriptions administratives respectives. Le Comité Central les appréciera, portera les plus saillants à l’attention du gouvernement et leur accordera au besoin son concours.
L’article 6 - La délibération et les avis de l’Assemblée seront adressés à chacun des 3 préfets qui administrent une partie de la Sologne et transmis ensuite avec leurs observations au Ministre de l’Agriculture du commerce et des travaux publics ».
Pour ce qui est du comité côte-d’orien, il semble qu’il ait disparu. En revanche, il a publié, dès l’année 1837 et jusqu’en 1877 le Journal d’agriculture et d’horticulture dont vous pouvez consulter en ligne gratuitement les numéros sur Gallica. A noter : si en 1837, l’organe de publication mentionné est « la société d’agriculture et d’industrie agricole », celui-ci est renommé ou changé dès 1840 en « comité central d’agriculture », nom qui sera conservé tout au long du Second Empire.
Quant aux actuelles « chambres d’agriculture », le lien avec les institutions précédentes n’est pas net. En effet, le site national indique ces chambres ont été fondées en 1924 et aucun lien n’est fait avec le siècle précédent, ni avec les comités ni avec les sociétés agricoles. Cela étant, nous vous recommandons de leur écrire directement pour obtenir de plus amples informations à ce sujet.
Bonnes lectures !